Politique

Singapour est une cité-Etat caractérisé par un système politique très différent de ce que l’on peut connaitre dans les pays occidentaux. Le fonctionnement du pays est très original et cela rend notre étude d’autant plus fascinante. Tout au long de notre sujet, nous allons analyser le fonctionnement politique de Singapour sous différents concepts comme la démocratie, l’autoritarisme, le communautarisme et l’idéologie politique. De plus, il sera intéressant de marquer les différences existantes avec les systèmes politiques occidentaux. Singapour reste un contre exemple assez exceptionnel de la théorie de « la fin de l’Histoire » par Francis Fukuyama qui essaie de montrer que tous les pays sont voués à atteindre la démocratie libérale.

Contrairement à l’Histoire occidentale où la bourgeoisie a joué un rôle déterminant dans la montée du libéralisme, le PAP (People’s Action Party), qui est le parti au pouvoir à Singapour depuis l’indépendance de 1965, reste sceptique en ce qui concerne la rationalité des citoyens et reste convaincu de sa pensée antilibérale.

Il ne faut pas voir la pensée antilibérale d’une façon forcément négative. L’antilibéralisme ne signifie pas toujours absence de démocratie. En effet, la vision politique du gouvernement est fondée sur une démocratie antilibérale où le bien être collectif est sauvegardé par les dirigeants gouvernementaux. Les élections témoignent de la présence relative d’institution démocratique. D’ailleurs, la baisse de popularité du PAP entre 1980 et 1990 est due aux changements dans la société de Singapour notamment à une accentuation des différences entre les classes sociales. L’émergence d’un nouveau style de vie reflètent une montée de la richesse et des tendances individualistes. Une plus grande liberté met en évidence  un désir de contrôler la sphère privée et de participer aux décisions politiques dans la collectivité. Les effets électoraux de ces changements peuvent être interprétées comme l’évolution vers une démocratisation politique et une volonté de liberté face aux interventions étatiques. Ces nouvelles ambitions doivent donc être reconsidérées par le gouvernement du PAP qui doit repenser ces concepts idéologiques et ces pratiques administratives. On fait souvent la constatation que l’émergence d’une classe moyenne est  un premier pas vers la démocratisation.

Pourtant cette forme de communautarisme mène souvent à un certain autoritarisme de la part des gouvernants. Les interventions étatiques peuvent être tolérées par une partie de l’électorat à cause du fait qu’il ait élu eux-mêmes leurs dirigeants. En effet, c’est cet engagement qui a permis au gouvernement du PAP, surtout depuis 1968, de s’affirmer comme un gouvernement démocratique avec un haut degré de légitimité, alors qu’il continue d’intervenir dans tous les domaines de la vie sociale des Singapouriens. Pour conserver cette légitimité, le PAP va mettre en avant des valeurs asiatiques, assez différentes des valeurs occidentales, tout en essayant de maintenir un niveau économique relativement élevé. Tant que les habitants ont un niveau de vie convenable et que leur bien être matériel est satisfaisant, il est peu probable qu’ils contestent le parti au pouvoir.

Système politique et élections

Système politique à Singapour

Depuis l’indépendance de 1956, Le People’s Action Party (PAP)  dirige la scène politique à Singapour. Cette république utilise un système inspiré du modèle britannique avec un régime parlementaire monocaméral (une seule chambre). Le premier ministre est le chef du gouvernement et le président de l’Istana, le parlement Singapourien. Il se compose de 84 membres élus au scrutin direct pour un mandat maximum de 5 ans. La Constitution de Singapour a été modifiée de manière à ce que le président soit élu par le peuple et qu’il ait le pouvoir de veto dans certaines décisions importantes. La plupart des pouvoirs exécutifs sont détenus par le Conseil des ministres dirigés par le Premier ministre de Singapour.

Les Premier-ministres à ce jour ont été: Lee Kuan Yew (1959-1990), Goh Chok Tong (1990-2004), et Lee Hsien Loong (2004-présent).

En analysant ces faits, on pourrait penser que ce mode de gouvernement se rapproche plus de l’autoritarisme que de la démocratie multipartite que l’on connait. Pourtant,( en adoptant cette vision, on reste dans une vision trop occidentalisée) cette interprétation est une vision trop occidentalisée de ce régime politique. On ne peut pas toujours importer les concepts qui se sont appliqués dans les sociétés développées de l’Occident pour les (appliquer) transposer dans un pays dont la culture, le territoire et la manière de pensée  diffèrent de nos habitudes. Nous essayerons alors de cerner le système mis en place à Singapour.

Elections témoignage d’un minimum de démocratie.

La plus évidente et surement la plus significative des formes de démocratisation à Singapour est l’institutionnalisation d’élections comme étant le moyen de choisir le dirigeant dans un système multipartite.

Au fil des années, le PAP a subit une baisse de supports électoraux. Le Parti au pouvoir va donc tenter de convaincre les sceptiques que les élections à Singapour ne cachent pas de régime autoritaire. En effet, les votes qui s’opposent au PAP sont en augmentation et traduisent l’absence de consensus entre l’Etat et le peuple. En conséquence, le PAP n’est plus vraiment considéré comme l’incarnation des intérêts nationaux.

De plus, la promotion du communautarisme comme étant un esprit asiatique pour les Singapouriens  est remise en cause. La diminution du soutien électoral n’est pas causée par les propositions et les convictions des partis d’opposition mais plutôt par l’essoufflement de l’unité de la nation derrière le PAP en tant que mouvement populaire.

Cependant, en inculquant le communautarisme comme une idéologie à Singapour, le PAP est tout de même assez apprécié et il continue de gagner élections avec une très large majorité. Mais de nos jours, pour rester au pouvoir, les membres du parti doivent être plus compréhensifs envers les sentiments populaires et plus persuasifs dans l’élan démocratique au lieu d’être répressif dans leur gouvernance.

Singapour et la Démocratie

Entre Démocratie et Communautarisme ?

La puissance économique de Singapour a été élaborée en partie grâce à un consensus entre le PAP et le peuple. Ensemble ils ont supprimé les différences entre les individus pour réaliser une unité afin de développer l’économie et améliorer le bien être matériel de la population. Ces intérêts collectifs ont su garder la nation unie.

Cependant, cette croissance de richesse et de capital a apporté inévitablement une différenciation parmi la population en ce qui concerne le niveau et le mode de vie.  D’où un surgissement de l’individualisme et du libéralisme qui représente  une menace pour l’unité économique. En conséquence, le gouvernement combat ces forces en promouvant  et en institutionnalisant une version de l’idéologie communautaire. Cette idéologie doit faire croire à la population de Singapour qu’il existe un héritage traditionnel asiatique. Ils pensent développer ce qu’on pourrait appeler une démocratie communautaire.

Cependant, les promoteurs d’une telle idéologie, à Singapour ou à l’étranger, doivent encore travailler sur ce que serait cette démocratie communautaire. Les conditions nécessaires pour réaliser une démocratie sont vraiment différentes entre un Etat libéral et un Etat communautaire. De plus, les conséquences restent encore inconnues. En effet, en privilégiant les droits individuels ou les droits collectifs, cela va produire des différences significatives dans les décisions gouvernementales au niveau national. Par exemple, dans une idéologie communautaire, les logements publics seront prédominants et le droit conventionnel de propriété n’existe pas. La construction de ce type de logement est donc fortement réduite. Au contraire, dans les Etats libéraux, la protection des droits de propriété marquée par le concept de l’individualisme mène à une augmentation du coup du terrain ce qui minimise la construction de logement public.

Pourtant, certains aspects sont similaires entre une démocratie libérale et une démocratie communautaire. Tout d’abord, pour être une démocratie, une personne doit correspondre à un vote dans le processus électoral institutionnel. De plus, pour arriver à un consensus national qui est une caractéristique du communautarisme, la formation de groupes d’intérêts et l’institutionnalisation d’une relative liberté de presse sont aussi des conditions nécessaires. Sans ces deux institutions, la proclamation de ce consensus considérant les intérêts nationaux est nécessairement, logiquement et substantiellement imparfaite.

Ces trois institutions dont nous avons parlé plus haut (les élections, les groupes d’intérêts et la presse) sont aussi présentes dans les démocraties libérales. Seulement, leur justification est différente du fait que l’on soit dans une démocratie libérale ou  dans une démocratie communautaire prônée par le PAP.

A Singapour, il existe des contraintes en ce qui concerne les intérêts de certains groupes de personnes comme les minorités ethniques. En effet, leurs intérêts sont réduits pour faire valoir les problèmes généraux qui concernent  la société toute entière.

Il existe aussi des contraintes au niveau de la presse, ce qui engendre un déclin de crédibilité de la presse nationale. Pour se renseigner sur l’actualité de cette cité-Etat, on va plutôt lire les articles des presses étrangères, surtout dans le domaine politique. Ce manque de crédibilité est mauvais pour les intérêts nationaux.

Au niveau de ces différents aspects, le gouvernement du PAP à Singapour est toujours loin d’atteindre les conditions nécessaires pour concrétiser ce projet de démocratie communautaire.

Mais on peut se demander dans quelles mesures Singapour est-il en transition vers cette démocratie communautaire. Singapour est-il nécessairement voué à atteindre cette fin qu’est la démocratie. Plus largement, la téléologie démocratique s’applique-t-elle à Singapour. Autrement dit, la fin ultime de tous les Etats est-elle la démocratie ?

Vers une démocratie ?

On a tendance à considérer la démocratie comme  un système supérieur aux autres et surtout que l’on ne peut éviter. Elle est considérée comme le système idéal car elle apporterait suffisamment d’autorité pour maintenir la stabilité du pays tout en renforçant l’égalité et la liberté du peuple. Le célèbre livre de Francis Fukuyama démontre cette convergence inévitable qui mènerait au triomphe de la démocratie libérale et donc à « la fin de l’histoire ». En effet, dans la plupart des pays du monde cette théorie est vérifiée mais Singapour vient contredire cette règle. Dans quelles mesures Singapour serait différent ? Tout d’abord, selon la thèse sur la fin de l’histoire, Singapour aurait du devenir une démocratie libérale puisque ce pays a toutes les conditions nécessaires et les prérequis pour entamer cette évolution. Le succès économique et son développement sont internationalement reconnus, ce qui fait de Singapour un parfait contre-exemple de la théorie de Fukuyama.

Singapour a en effet surpassé tous les autres nouveaux pays industrialisés d’Asie. Il ne faut pas oublier que cette cité Etat possède le plus haut PIB au monde avec une croissance de 9% par an.

Pourtant, malgré cet excellent développement économique et social ainsi que son ouverture internationale très libre, Singapour reste tout de même un Etat autoritaire. Pour certains chercheurs, Singapour possède toutes les formes d’une démocratie mais la réalité est telle que ce pays reste une dictature. D’autres, plus optimistes, notent que Singapour est dans tous les domaines le pays le plus avancé de la région après le Japon.

Singapour est aussi un contre exemple de cette téléologie démocratique parce que non seulement elle n’est pas devenue une démocratie libérale mais surtout elle ne montre aucun signe qui pourrait nous amener à penser qu’elle en deviendra une dans le futur.

Bien que Singapour soit certainement un Etat autoritaire, on ne parlera pas de dictature mais plutôt d’un Etat hégémonique, c’est-à-dire que cet Etat n’est pas simplement basé sur la coercition mais aussi sur le consensus. En effet, les politiques du PAP sont davantage basées sur l’hégémonie que sur la coercition ce qui lui permet de faire passer des projets politiques sans un engagement politique comprenant des coûts politiques comme on peut le voir dans les Etats libéraux.

Singapour est constamment placée dans les cinq pays les plus stables politiquement et son régime est décrit comme étant probablement destiné à durer dans le temps précisément parce que le PAP est plus hégémonique qu’autoritaire. Autrement dit, la fin de l’histoire ou le triomphe de la démocratie libérale n’est pas une perspective en vue à Singapour.

Les valeurs asiatiques, le « Soft power » et la collectivité

Les valeurs asiatiques et le « Soft power »

Les discours empruntant les valeurs asiatiques affirment non seulement l’infériorité de la démocratie occidentale mais aussi critiquent leurs profondes inaptitudes à juger et à penser la politique à Singapour. En effet, les dirigeants utilisant ces valeurs considèrent que les représentations que l’Occident fait de Singapour en la considérant comme démocratique ou pseudo-démocratique sont excessivement erronées.

Ces discours vont atteindre un haut degré de légitimité en faveur du gouvernement pour convaincre les citoyens. De plus, ils vont permettre une certaine unité régionale contre l’Occident. La transformation de Singapour est considérée comme un modèle puisque ce pays a réussi à être une alternative à l’idéologie occidentale. Cette trajectoire prise par Singapour va donc pousser les autres nations asiatiques à imiter ce modèle puisqu’ils vont s’identifier à ces valeurs.

Il est vraiment difficile de résister à l’évolution vers la démocratie libérale mais comme nous l’avons vu auparavant, Singapour reste une exception.

Ce qui est surprenant, c’est que Singapour est au premier plan du Débat sur les Valeurs Asiatiques alors que sa superficie est vraiment minime.

Nous allons tenter de développer cette position ironique de la politique étrangère de Singapour en l’intégrant dans le débat sur les Valeurs Asiatiques tout en utilisant le concept de « soft power ».

Comment Singapour va elle conduire sa politique étrangère afin de poursuivre son développement. Le « soft power » permet à Singapour d’atteindre ses objectifs en politique étrangère en utilisant la coopération plutôt que la coercition. Cependant, ce pouvoir est vulnérable lorsqu’il y a des idées divergentes des pratiques et des intentions des dirigeants du pays.

Selon Nye, le « soft power » est un instrument politique caractéristique de la période post-guerre froide. A la base, ce pouvoir s’intégrait dans cet environnement international en permettant  une intensification du commerce international, du flux d’information et de l’interdépendance entre les pays. Nye parle du « soft power » en opposition au « hard power » du point de vue militaire et économique. Le « Soft power » est une façon indirecte de conformer  la population à ses volontés. Ce pouvoir est basé sur la coopération même si elle est indirectement forcée. En revanche, le « hard power » est une façon coercitive d’obliger les autres à faire ce qu’on veut.

L’avantage d’utiliser le « soft power » plutôt que le « hard power » est que c’est un moyen plus efficace d’empêcher la résistance dans les conflits d’intérêts. Le pouvoir de l’Etat obtient alors plus de légitimité.

Trois caractéristiques ressortent des propositions de Nye.

Tout d’abord, le « soft power » a besoin d’une base communautaire en tant qu’idéologie. En effet, il faut que le gouvernement soit crédible et atteigne une certaine cohérence dans sa manière de diriger le pays. Cela va dépendre de l’unité des élites et des masses, d’une coopération dans les affaires politiques internes en ce qui concerne les buts de la politique étrangère.

De plus, dans un environnement international anarchique, le « soft power » présuppose une forte interaction entre les Etats nations.

Enfin, ce pouvoir ne cesse de se légitimer lui-même en promouvant des informations le crédibilisant. Le pouvoir en place va donc soutenir le maintien d’un mode de vie unique, afin de maintenir la stabilité dans le pays.

Les racines du débat sur les valeurs asiatiques de la politique étrangère à Singapour peuvent se trouver dans le contexte de l’après guerre froide et dans les caractéristiques idéologiques dans la période 1959-1965 lorsque Singapour passe du protectorat britannique, à la fédération malaysienne et finalement à l’indépendance. Ce développement montre la vulnérabilité de ce pays avec un territoire minime, sans ressources naturelles en comparaison des autres pays plus vastes d’Asie du Sud-est.

Le modèle de développement de Singapour peut être présenté de trois manières. Tout d’abord, la crédibilité des promesses politiques se vérifie notamment dans les programmes incluant l’anti-corruption. De plus, la cohésion de l’Etat Nation, exprimé par la ferme croyance en une menace commune, explique aussi ce bon fonctionnement interne et enfin, la présence de la confiance dans le leadership paternaliste, notamment face à l’implantation de lois très strictes  touchant les citoyens dans la vie de tous les jours, et sur les biens communautaires à long terme. A partir de 1959, ces facteurs sont devenus une part importante du débat sur les valeurs asiatiques présentes à Singapour à la fin de la Guerre Froide, en raison du changement de la perception de cette menace. En effet, de nos jours, le menace n’est plus simplement nationale mais internationale donc le gouvernement a plus de moyens pour légitimer son pouvoir.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette émergence du débat sur les valeurs asiatiques dans le contexte  spécifique de l’après Guerre Froide.

Déjà, le triomphe du capitalisme et l’effondrement du communisme ont causé une rapide conversion des pays au libéralisme démocratique et capitaliste. Seulement, Singapour subissait la pression internationale et les critiques occidentales en ce qui concerne les droits de l’Homme et le système politique. Cela a eu l’effet contraire puisque ces oppositions ont poussé les dirigeants à faire de Singapour une spécificité politique, en refusant l’intégration complète au capitalisme.

Les Singapouriens se préoccupent aussi du développement de la Chine car cela les toucherait indirectement. Une déstabilisation de la Chine provoquerait la réaction d’une élite militante et réactionnaire provoquant des crises militaires dans les pays qui appartiennent à l’ère d’influence de la Chine, comme Singapour..

Donc, les comportements des élites de Singapour envers les prétentions occidentales et les préoccupations de la stabilité de la Chine sont dus à trois facteurs. Ils sont à la recherche d’une égalité politique avec les pays occidentaux, spécialement avec la prédominance américaine après la fin de la Guerre Froide.  La non-conformité envers les valeurs libérales était l’objectif de Singapour qui voulait prouver que son modèle de développement était bon et que l’idéalisme américain n’était pas le bienvenu.

La stratégie du « soft power » mise en place à Singapour est décrit dans le tableau suivant.

Table 1

1. Philosophical value and systemic difference argument

(a) Primacy of communitarianism versus primacy of individualism.

(b) Primacy of order and harmony versus primacy of competitive idealism.

2. Normative governing differences

(a) Which type of government: democratic or authoritarian?

(b) Which type of democracy: liberal or illiberal?

(c) Which is the superior economic development formula: mixed state-guided

capitalism or classical economic liberalism?

(d) How large should the role of social discipline be in all-round development: more

or less? Communitarianism versus individualism/polyarchy.

3. Policy-political consequences

(a) Human rights as conditionality or marginality in foreign (and economic)

policies?

(b) Should foreign policy question domestic and regional political legitimacy:

ideational incitement to change or maintain inter-state consensus?

(c) Should value advocacy be a way of putting down geo-economic competitors?

En conclusion, on peut dire que la politique étrangère de Singapour a été un succès avec la pratique du « soft power ». Cependant, il subsiste certaines limites inhérentes à ce discours singapourien.

La collectivité au lieu de l’individualisme

L’individualisme n’est pas le maitre mot à Singapour au contraire des sociétés occidentales. On va privilégier l’intérêt collectif. Le PAP va rejeter le libéralisme et créer différentes sortes de valeurs basées notamment sur les traditions asiatiques. Le parti ne veut pas entendre parler de culture occidentale. Au lieu d’avoir une centralisation de l’individu, on va plutôt privilégier la centralité du bien être collectif et le communautarisme. En privilégiant la collectivité, on exige des individus qu’ils bannissent tout comportement qui nuirait au collectif mais aussi que les citoyens fassent des sacrifices pour la collectivité.

Le problème principal est de savoir qui représente le collectif et qui définie ces intérêts. Tous les intérêts individuels constituent eux-mêmes la représentation de la collectivité et des intérêts collectifs.

On va donc observer une fusion entre l’Etat et la société en ce qui concerne ce concept d’intérêts collectifs et nationaux. Le rôle de l’Etat est donc de définir les besoins communautaires et d’assurer qu’ils sont bien implantés. L’Etat a besoin d’être efficace et autoritaire afin d’être capable de faire face aux difficultés de la société. Au lieu d’être un Etat libéral neutre et avec un pouvoir limité, la fusion entre l’Etat et la société renforce le rôle de l’Etat et justifie les interventions étatiques qui garantissent le bien être collectif.

Autoritarisme ou Etat non libéral ?

Autoritarisme comme conséquence du communautarisme

L’idée centrale du communautarisme est que les intérêts collectifs sont placés avant les intérêts individuels. Logiquement, ce qui constitue les intérêts collectifs devraient être basé sur le consensus. Cependant, on a du mal à solliciter toutes les opinions et tous les intérêts. On va essayer de résoudre ce souci en faisant une fusion entre l’Etat et la société. Les dirigeants politiques qui ont été élus vont donc prendre la responsabilité, avec l’autorisation du peuple, de définir ce consensus et les intérêts nationaux.

Le Communautarisme en lui-même ne privilégie aucune forme de gouvernement, cette forme dépend de l’histoire politique et de la culture du pays.

Cependant, la fusion entre l’Etat et la société peut aussi légitimer l’intervention de l’Etat mais favorise aussi la montée de l’autoritarisme notamment parce qu’on croit qu’il faut agir pour le bien de tous et qu’en l’utilisant comme une excuse, on assure la stabilité du pays et le bien-être de la population. C’est pourquoi, au lieu de favoriser un type de gouvernement, le communautarisme engendre souvent une pratique autoritaire.

Sous le gouvernement du PAP, le système de légalité est ancré dans un esprit pragmatique et utilise comme un instrument de rectification des comportements sociaux, bien adapté avec les besoins du Parlement, l’unique autorité qui crée les lois.

Selon certains chercheurs, il n’y a pas de constitution, malgré le fait de sa présence matérielle, considérant que les lois sont faites et utilisées comme un instrument permettant de maintenir l’ordre social, comme on le comprend dans la tradition occidentale. La plupart des spécialistes de Singapour ne sont pas convaincus par une possible démocratisation à Singapour.

Etat Non Libéral

Les caractéristiques du non-libéralisme permettent d’expliquer l’idéologie et les pratiques du PAP. Durant l’indépendance, leur idéologie est vraiment tournée vers la « survie de la nation ». Depuis, on ne cesse de renouveler ce discours en utilisant l’intérêt national comme ressource  idéologique. Le non libéralisme est considéré par le PAP comme un besoin pour le développement économique et le bien être matériel de la population. Pour assurer cette évolution, la discipline dans le travail est exigée tant dans le domaine social que politique et culturel. L’extension de ce contrôle disciplinaire n’est pas seulement justifiée par le besoin de croissance. Le PAP considère que l’accroissement de la qualité de vie est un devoir envers les Singapouriens. Parallèlement, c’est un Etat qui continue d’être vraiment interventionniste sous prétexte qu’il est nécessaire de maintenir la stabilité politique et sociale et d’assurer la croissance économique. Pourtant, malgré cet interventionnisme, la tenue des élections démocratiques continuera.

Légitimité de l’Etat

Comment expliquer qu’il n’y ait pas d’alternance politique à Singapour ? Comment justifie-t-on cette relation entre la société et l’Etat avec une intervention systématique de l’Etat dans la vie privée.

Dans un Etat antilibéral et communautaire, les problèmes économiques continuent d’avoir la priorité sur les autres questions majeures comme la construction d’institutions parce que les progrès matériels sont les indices les plus solides pour prendre soin des biens collectifs. L’amélioration de la vie matérielle à Singapour a souvent pour objectif de suspendre tous les abus qui découlent des droits individuels dans les démocraties libérales.

Certaines procédures démocratiques ne sont pas incompatibles avec une telle politique. On peut en effet distinguer les interventions de l’Etat de la coercition illégitime. Il y a différentes interprétations de la signification des élections. Dans un Etat libéral, les opinions des électeurs reflètent leurs intérêts particuliers. La décision du votant est souvent un processus assez lent qui résulte d’un partage d’opinion et de consultation. Les dirigeants politiques sont élus parce que les électeurs croient que ce politicien va satisfaire leurs intérêts. En revanche, un dirigeant non libéral pourrait interpréter ses élections comme étant la preuve que le peuple lui accorde une confiance électorale et la possibilité de décider de l’intérêt de la collectivité.

Les attentes de l’électorat sont donc bien différentes selon le type de pouvoir. Dans un Etat libéral, l’électorat décide tardivement pour quel candidat il va voter et pour savoir quels seraient les meilleurs choix possibles. De plus, l’inaction de l’électorat ainsi que son manque d’intérêt et sa lassitude sont des caractéristiques d’une partie des électeurs dans les démocraties libérales. En revanche, dans un Etat non libéral, on s’attend plutôt à ce que l’électorat agisse activement, judicieusement et de manière rapide selon des critères de performance.

Idéologie nationale à Singapour

On peut identifier la formation d’une idéologie nationale à Singapour à travers 5 valeurs que partageraient la population et qui sont proclamées par le régime en 1991 :

  1. Nation before community and society above self;
  2. La Famille comme base de l’unité de la société
  3. La communauté soutient et respecte l’individu
  4. Le consensus et non le conflit.
  5. L’Harmonie raciale et religieuse

On a l’habitude de dire que cette idéologie justifie une tendance culturelle chinoise dans la politique de Singapour. De plus, on suggère que l’opposition dans le pays crée des conflits et elle est donc antinationale. On veut aussi minimiser l’importance du pluralisme culturel, insister sur la responsabilité ultime de la famille et de la communauté – et non pas de l’Etat – pour le bien et le soutien des pauvres, des infirmes et des personnes âgées. On va attaquer les valeurs occidentales caractérisées par l’individualisme, l’égoïsme, le matérialisme et la décadence morale. Afin de justifier un caractère autoritaire sans limite qui pourrait amener la prospérité et l’ordre à Singapour, on met en place ses principes idéologiques. On veut aussi justifier cet ordre hiérarchique et patriarcal de la société et du gouvernement.  Aussi, on veut défendre la nation des menaces réelles et potentielles venant de l’étranger, relevant des sujets importants au niveau culturel ou en ce qui concerne la sécurité. Cette idéologie ne prête pas attention à la démocratie, à la justice sociale ni aux droits de l’homme et aux droits politiques. Elle ne mentionne pas non plus le pluralisme culturel, la liberté religieuse excepté les valeurs confucéennes. Pour le PAP, toutes ces valeurs et ces droits, qui ne font pas partie de cette idéologie nationale, ne sont vraisemblablement que des suppositions.

A Singapour, l’opposition est en train de gagner du terrain dans les élections, mais elle n’a toujours aucune chance de remplacer le PAP. Cette opposition est vraiment trop profondément divisée et manque de leaders charismatiques qui saurait attirer une majorité d’électeurs. Pourtant, le soutien croissant de la population envers le parti d’opposition a fait réagir le PAP. En effet, le parti au pouvoir porte davantage son attention sur l’opinion publique et devient plus désireux de faire taire les critiques.

Les dirigeants du Parti sont conscients des différentes options qui s’offrent à eux, incluant les réformes et une certaine vision démocratique en s’ouvrant aux autres partis politiques. Par exemple, l’influence du Ministre Lee Kuan Yew pourrait pousser le parti à cette ouverture dans le futur.

A partir des années 1990, Lee Kuan Yew ainsi que son successeur Goh Chok Tong ont eu pour tache de maintenir l’harmonie raciale et d’éviter les conflits interethniques comme celui de 1964. Les Singapouriens sont totalement urbanisés et scolarisés. Ils ont un revenu par habitant très élevé, le plus haut de la région devant le Japon. Le développement de Singapour notamment sur le plan économique avec une excellente maitrise des technologies de pointe a fait émerger un besoin de libéralisation du politique pour faire place à la créativité et à l’initiative face aux nouveaux défis du XXIème siècle.

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