Religion

Le Vietnam est un pays très religieux, où culte des ancêtres, religions officielles et sectes se côtoient et se mélangent sans problème dans un syncrétisme hors du commun. Comment pourrait-il en être autrement après qu’autant d’influences extérieures différentes soient venues marquer son histoire? La situation géographique même du Vietnam fait de lui un carrefour, une charnière, entre le monde chinois et le monde indien. La longue période d’influence chinoise a fait du Bouddhisme la religion principale, avec 55% de la population se déclarant bouddhiste, mais la colonisation française a aussi laissé des traces, et aujourd’hui presque 10% des Vietnamiens se déclarent catholiques. Beaucoup se déclarent quant à eux adeptes de la Tam Giáo (la « triple religion »), un mélange de bouddhisme mahāyāna, de confucianisme et du culte des ancêtres.

Bouddhisme

vietmonkLe bouddhisme fut introduit au Vietnam autour du IIe siècle de l’ère chrétienne, tant par la voie maritime – le bouddhisme venu de l’Inde par le Sud (theravāda) ou le « Petit véhicule » – que par la voie terrestre – le bouddhisme venu de la Chine par le Nord (mahāyāna) ou le « Grand véhicule ». Il connu son apogée au Vietnam du XIIe au XIVe siècle sous les dynasties des Ly et des Tran, qui le portèrent au rang de religion nationale.

A partir du XVe siècle cependant, le bouddhisme céda sa place au confucianisme au niveau de la superstructure sociale. Il quitta la Cour mais reste ancré dans les villages, où les pagodes constituent toujours le point de repère de la vie spirituelle de la population.

Aujourd’hui, c’est dans le Delta du Fleuve Rouge que les lieux de pèlerinage traditionnels les plus importants du Bouddhisme se trouvent. Le plus connu d’entre eux est certainement la Pagode de l’Empreinte Parfumée.

Pagode de l'Empreinte Parfumée

Pagode de l’Empreinte Parfumée

On distingue deux degrés dans la vie religieuse bouddhiste : le culte pratiqué par les laïcs (adoration du Bouddha dans le temple, offrandes de fleurs et d’encens) et les cérémonies qui elles sont réservées aux moines. Ceux-ci vivent des dons et des aumônes offerts par les pratiquants laïcs. À la tête de l’église se trouvent un Patriarche et deux conseils, l’un consultatif, l’autre administratif, et chaque village possède son propre temple communal, le Đình, dans lequel est pratiqué le culte au génie protecteur local.

Deux croyances fondamentales organisent la philosophie du bouddhisme : tous les êtres vivants se réincarnent un nombre indéfini de fois, et le déroulement de chaque vie est prévu selon les actions accomplies dans la vie précédente. Selon le bouddhisme, tout est transitoire. Il y a un commencement, une durée et une fin. Par conséquent, il n’existe pas, pour les bouddhistes, de Dieu créateur et éternel. Il s’agit plutôt de supprimer les désirs tentateurs (désir d’exister, de plaire, de posséder, etc.) qui sont à l’origine de la souffrance universelle pour ainsi atteindre le nirvana (vérité absolue et délivrance totale), et par là-même devenir Bouddha.

On peut atteindre le nirvana et « l’éveil » lorsque l’on a reçu l’illumination parfaite en suivant le chemin du juste : vue juste, pensée juste, langage juste, action juste, existence juste, pratique juste, volonté juste et méditation juste. Selon le Bouddhisme, toutes les misères humaines sont nées de l’ignorance, ce qui nous conduit fatalement de désillusion en désillusion. L’ignorance engendre la passion et la soif de jouissances qui sont sources de douleur. Pour supprimer la douleur, il faut détruire l’ignorance, le désir et les passions. Le bouddhisme vietnamien appartient à cette dernière école.

Taoïsme

Laozi, penseur Taoïste

Laozi, penseur Taoïste

Fondé en Chine entre le Ve et le IIIe siècle avant notre ère par Laozi (Lao Tseu), un penseur chinois contemporain de Confucius, le Taoïsme est basé sur l’équilibre entre l’homme et le cosmos, tout en attachant une importance aux vies précédentes. Il prêche la contemplation et la vie simple, le culte du Tout, de l’Être qui englobe à la fois le ciel, la terre et les étoiles. Son idéal est de revenir au «Dao» (La Voie, le principe de l’univers). En vietnamien, c’est Đạo. Seule une élite, tant en Chine qu’au Vietnam, fut capable de bien comprendre cette philosophie fondée sur le âm et le dương, équivalents vietnamiens du yin et du yang. Pour cette raison, le Vietnam compte peu de pagodes proprement taoïstes, l’essentiel de ce rituel étant absorbé par le bouddhisme chinois et vietnamien.

L’influence taoïste que l’on remarque au Vietnam se retrouve surtout dans l’architecture, influence qui consiste à utiliser des dragons et des démons pour décorer les toits des temples. En effet, selon la cosmologie taoïste, Ngọc Hoàng, l’empereur de Jade demeurant dans les cieux, dirige un monde de divinités, de génies, d’esprits et de démons dans lequel les forces de la nature sont incarnées par des êtres surnaturels et de grands personnages historiques divinisés. Cet aspect du taoïsme fait partie de la vie quotidienne des Vietnamiens, sous la forme de superstitions et de croyances mystiques et animistes. Nombre des pratiques de sorcellerie et de magie dont se nourrit aujourd’hui la religion populaire tirent leur origine du taoïsme.

Confucianisme

Le confucianisme, tout comme le bouddhisme, tient plus de la philosophie morale que de la religion au sens strict du mot. Fondé par Confucius aux alentours de l’an 500 avant Jésus Christ, le confucianisme ne se préoccupe ni des origines du monde, ni de la vie dans l’au-delà, il traite uniquement des problèmes humains et se veut accessible à tous les hommes. Introduit au Vietnam au tout début de l’ère chrétienne, le Confucianisme était d’abord un complément à la vie religieuse, car le bouddhisme et le taoïsme étaient déjà bien implantés. Il ne devint la doctrine officielle du pays qu’au XVe siècle, lorsqu’il devint le cœur même du corpus littéraire des concours du mandarinat. De nos jours, le confucianisme n’est plus un sujet d’étude pour les lettrés mandarinaux, il est à la base de toutes les institutions sociales et familiales du Vietnam.confuciousmini

Selon le confucianisme, le but ultime de la vie serait d’atteindre le statut d’homme supérieur le « Junzi », modèle de sagesse et de vertu individuelle fondé sur la bienveillance, la correction morale, l’humanisme et l’amour de son prochain. Afin de remédier aux désordres sociaux causés par la cupidité de l’homme et par son désir de réussite sociale, Confucius propose de construire une société paisible et reconnaissante, soumise à un souverain qui gouvernerait le pays comme un bon père de famille en dirige les membres : il doit aimer ses sujets, les protéger et les éduquer.

Culte des ancêtres

Le culte des ancêtres est le trait le plus saillant de la vie spirituelle vietnamienne. Il est pratiqué dans tout le pays et par tous les Vietnamiens, quelle que soit leur appartenance sociale ou leur idéologie politique. Liant d’une façon indissoluble les vivants et les morts d’un même clan (ou famille), il a pour objet l’entretien des tombes, mais surtout le culte qui doit être rendu dans le temple familial aux tablettes des quatre générations précédentes. Au fur et à mesure, on enterre les tablettes des générations les plus vieilles sous le sol du temple.

Dans les maisons, l’autel des ancêtres (bàn thờ) peut occuper toute une pièce (dans les grandes maisons) ou être seulement une planche fixée au mur ou une table assez haute où sont déposés les photos de proches décédés, un ou plusieurs bols pour les baguettes d’encens, deux chandeliers, des fruits et parfois aussi un petit brûle-parfum. On envoie aux ancêtres tous les conforts de la vie terrestre, en brûlant à leur intention des objets en papier : vêtements, meubles, voiture, et même de faux billets de banque. Dans la famille, le culte des parents décédés est généralement assumé par les fils, et plus particulièrement par le fils aîné. Les filles ne sont autorisées à s’occuper de l’autel des ancêtres que si elles n’ont pas de frères.

Bàn thờ

Bàn thờ

Dans l’esprit des vietnamiens, il n’y a pas de séparation entre le monde des vivants et celui des morts. Ainsi, même un ascendant décédé il y a des siècles hante toujours l’autel des ancêtres, revient parmi les vivants aux jours de fêtes et aux anniversaires de sa mort. C’est pour cette raison aussi qu’ils font des offrandes à l’occasion de tous les grands évènements de la famille : naissance d’un enfant, réussite scolaire, fiançailles, mariage, etc. Il est courant que bouddhistes et catholiques fassent aussi ce genre d’hommages, car le culte des ancêtres n’est pas incompatible avec la pratique d’autres religions ou philosophies.

Catholicisme

Paroisse des Saints-Martyrs-du-Vietnam de la communauté catholique vietnamienne de Montréal.

Paroisse des Saints-Martyrs-du-Vietnam de la communauté catholique vietnamienne de Montréal.

Introduit au Vietnam au XVIe siècle par des missionnaires Dominicains portugais, puis diffusé par des missionnaires Jésuites, le catholicisme compte maintenant plus de quatre millions d’adeptes au Vietnam. Si l’implantation de la religion catholique connut des débuts difficiles, cela était dû en grande partie au refus des missionnaires d’admettre et d’intégrer le culte des ancêtres et les coutumes (polygamie, croyance aux esprits etc…) au catholicisme.

C’est en la personne d’Alexandre de Rhodes, un missionnaire jésuite né en Avignon, que le catholicisme trouva son salut. Grâce à ses capacités linguistiques hors du commun, il s’inspira des travaux de Ricci, de Pantoja et surtout de Pina, et parvint à compiler, améliorer et systématiser les systèmes de transcription de ses prédécesseurs missionnaires. Ce système de transcription, le quốc ngữ, devint par la suite l’orthographe officielle de la langue vietnamienne, ainsi qu’un instrument d’affranchissement intellectuel et de diffusion culturelle et religieuse. Chassé du Vietnam en 1630 par le seigneur Trinh Tráng, Alexandre de Rhodes laissa tout de même derrière lui au moins 50 000 catholiques, encadrés par des catéchistes vietnamiens.

C’est durant le XVIIIe siècle que la religion catholique se répandit véritablement dans tout le pays. Les missionnaires furent souvent victimes de persécution, notamment sous les règnes des rois Minh Mang, Thieu Tri ainsi que Tu Duc, car ces monarques considéraient le christianisme comme une menace pour l’équilibre politique, moral et religieux du pays. En 1975, après la constitution de la République Socialiste du Vietnam, tous les prêtres et religieux de nationalité étrangère furent forcés de quitter le pays.

Aujourd’hui, après plus de trois siècles d’existence, l’église vietnamienne compte environ quatre millions de fidèles et 42 congrégations et ordres religieux. On trouve des églises partout dans le pays et leur concentration est la plus importante dans les zones où la présence des missionnaires était la plus forte. Les messes sont dispensées en langue nationale ; les prières, les chants et les écritures saintes sont traduits en vietnamien littéraire. Les chants et la musique de la liturgie s’inspirent de l’art traditionnel vietnamien.

Le statut de Notre Dame de La Vang, effigie de la paroisse. Notre Dame de La Vang était la consolation des catholiques vietnamiens lors de la persécution chrétienne sous Minh Mang.

Le statut de Notre Dame de La Vang, effigie de la paroisse. Notre Dame de La Vang était la consolation des catholiques vietnamiens lors de la persécution chrétienne sous Minh Mang.

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