Vietnam: trafic humain et industrie du sexe

Par Ariela Leonardo Vargas

Le Vietnam, comme bien d’autres pays de la région de l’Asie du Sud-Est, fait aujourd’hui face aux enjeux modernes que posent la prostitution et le tourisme sexuel sur son territoire. Alors que les problématiques principales de la majorité des autres pays de l’ASEAN qui font face aux enjeux résultent  de l’industrie du sexe, c’est l’héritage historique et culturel ainsi que l’emplacement géographique stratégique du Vietnam sur le continent asiatique qui font que le pays se voit confronté au trafic humain. Cet enjeu est l’une des problématiques les plus importantes qui découlent de l’industrie du sexe qui opère sur son territoire. En effet, tel que l’explique Micheline Lessard dans son livre, « […] l’évantail de la traite des êtres humains est large. Il couvre un vaste espace géographique et temporel. Il englobe aussi des phénomènes complexes: activité criminelle, exploitation sexuelle, marchandisation des êtres humaines et du travail humain» (Lessard, 2015, p. 15 [traduction libre]). En d’autres termes, il s’agit d’un crime dont but est de vendre des individus afin de les exploiter en échange d’une compensation monétaire.

Le trafic humain au Vietnam : comprendre le lien avec son passé colonial.

Déjà à l’époque coloniale, la mercantilisation des femmes pour des fins sexuelles était une pratique commune, surtout en temps de guerre. Le Vietnam a donc une relation particulière avec les pratiques de l’industrie du sexe qui découlent de l’héritage historique colonial, puisque, comme l’explique Nicolas Lainez (2010) « La prostitution repose sur l’histoire et les traditions locales: elle devient donc un produit de la culture » [traduction libre]. En temps de guerres, certaines femmes se prostituaient afin de gagner un peu d’argent et survivre alors que d’autres étaient souvent enlevées et forcées à offrir des services sexuels aux soldats (Samarasinghe, 2008, p.48).Tel que mentionné précédemment, l’emplacement géographique du Vietnam implique un partage de ses frontières avec le Cambodge et la Chine et c’est ce facteur important qui permet aux trois pays de rendre leur industrie du sexe et les activités qui en découle d’opérer internationalement. Le Vietnam, étant l’épicentre du trafic humain de cette région, est donc confronté aux conséquences qu’imposent les activités illégales au sein de l’industrie du sexe depuis l’époque coloniale jusqu’à maintenant.

Le profil des victimes

De nos jours, le trafic humain au Vietnam opère de manière complètement différente puisque le pays n’est plus sous domination coloniale ou sujet aux conflits de guerres. Le trafic humain continue, toutefois, d’opérer localement ou internationalement afin de les prostituer ou les marier à l’étranger. Ce sont les pratiques illégales les plus communes. Les auteurs Do Anh Tuan et Ma Dang Thi Thanh (2013) expliquent dans leur texte que les facteurs derrière ces pratiques et identifient 2 facteurs principaux: les « pull factors » et les « push factors ». Les « pull factors », bien qu’ils soient multiples, partagent le même dénominateur commun, soit les perspectives d’un meilleur emploi et, par conséquent d’un meilleur avenir, et ce, autant pour les criminels derrière les opérations de trafics que pour les victimes de celles-ci. Les « push factors », quant à eux, partagent la pauvreté comme élément commun. En effet, la plupart des victimes de trafic humain au Vietnam sont issues de communautés vivant en dessous du seuil de la pauvreté, où le taux de chômage est très élevé et le taux d’éducation est très bas (Tuan et Thahn, 2013, p.169). Ces communautés deviennent alors les régions de prédilection de recrutement de potentielles victimes pour les proxénètes ainsi que les trafiqueurs. Il est toutefois important de préciser que dans les deux cas, que ce soient des « push factors » ou encore des « pull factors », comme les auteurs Do Anh Tuan et Ma Dang Thi Thanh les décrivent, les deux catégories de facteurs comportent chacun plusieurs autres raisons qui expliquent la participation volontaire, ou non, des travailleurs du sexe dans cette industrie comme le sexisme culturel, par exemple.

Figure 1 – Graphique montrant le recensement du nombre de cas, de contrevenants et de victimes entre 2000 et 2009 (Source: Do Anh Tuan et Ma Dang Thi Thanh. (2013) Policing Global Mouvement: Tourism, Migration Human Trafficking and Terrorism. p.167)

L’implication du gouvernement : proposition et solutions

Étant donné que le trafic humain prend des proportions considérablement inquiétantes, le gouvernement vietnamien met en place, depuis plusieurs années déjà, des structures politiques et législatives pour réussir à combattre cet enjeu contemporain complexe. Par exemple, en 2004, le gouvernement met sur pied le programme « National Action Program on Human Trafficking Prevention » qui a pour but d’éduquer les citoyens et leur fournir les outils nécessaires pour combattre le trafic humain au Vietnam (Tuan et Thanh, 2015, p.175). De plus, le gouvernement met rapidement en place des lois ainsi que des codes pénaux relatifs au trafic humain ainsi qu’au trafic d’enfants. Ainsi, le gouvernement donne les outils nécessaires au système judiciaire ainsi qu’aux autorités pour combattre cet enjeu et pouvoir attribuer les sentences adéquates aux criminels arrêtés et coupables d’exploitation humaine. Toutefois, les auteurs Tuan et Thanh insistent sur le fait que les données qu’ils ont fournies dans leur texte ne sont qu’une fraction des cas de trafic humain des cas répertoriés (Tuan et Thahn, 2013, p.167).

C’est pour cette raison que le Vietnam ne peut résoudre seul cette problématique: il faudrait plutôt un réseau de coopération internationale qui serait déterminé à mettre fin à cet enjeu, car «le trafic sexuel et l’exploitation sexuelle d’adultes et d’enfants vulnérables peuvent être éradiqués en Asie du Sud-Est continentale. La solution est simple: la façon dont les gens perçoivent les obligations sociales et familiales doit subir un changement radical » (Jacobsen, 2016, p. 1 [traduction libre]). Cependant, le trafic humain ne cesse d’empirer dans les pays de l’ASEAN, car les gouvernements de ceux-ci n’ont toujours pas réussi à standardiser des lois pouvant dresser un cadre législatif conforme pour combattre le trafic humain (Kranrattanasuit, 2014, p. 53).

Bibliographie

Kranrattanasuit, N. (2014). ASEAN and Human Trafficking. Leiden, The Netherlands: Brill | Nijhoff. doi: https://doi.org/10.1163/9789004265189x

Lainez, N. (2010). Representing sex trafficking in Southeast Asia? The victim staged. Dans Zheng, T. (Ed.). (2010). Sex Trafficking, Human Rights, and Social Justice. London: Routledge, https://doi.org/10.4324/9780203849064

Lessard, M. (2015). Human Trafficking in Colonial Vietnam. London: Routledge,

Samarasinghe, V. (2008). Female Sex Trafficking in Asia. New York: Routledge, https://doi.org/10.4324/9780203485231

Tuan, D. A., Thanh, M (2013). Human Trafficking in Vietnam: Difficulties and Solutions. Dans Taylor, S. (Ed.), Torpy, D. (Ed.), Das, D. (Ed.)., Policing Global Movement (1e éd., vol. 1, p. 165-186). Routeledge

 

 

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