Le Vietnam : Des enjeux géostratégiques et économiques partagés entre la volonté d’alliance de Washington et l’approche de séduction de Pékin.

L’Asie du Sud-Est : un enjeu géostratégique sino-américain.

Le Vietnam : Des enjeux géostratégiques et économiques partagés entre la volonté d’alliance de Washington et l’approche de séduction de Pékin.

 

 

Le Vietnam est un pays continental de l’Asie du Sud-Est, situé au sud-est de la Chine avec qui il partage une frontière terrestre de 1140 km de long[1].  Le Vietnam compte 1600 km de littoral le long de la mer de Chine méridionale[2]. Étant donné sa proximité géographique avec la Chine et son passé belliqueux avec les États-Unis (« guerre du Vietnam » de 1955 à 1975), le Vietnam tient une place particulière au sein de la rivalité régionale sino-américaine. À l’instar des pays d’Asie du Sud-Est, le Vietnam tente d’appliquer une diplomatie multilatérale afin de protéger ses intérêts autant économiques que sécuritaires. D’une part, le Vietnam se tourne vers Washington afin de compter sur des aides militaires et limiter ainsi les ambitions chinoises. D’autre part, vis-à-vis de la Chine, Hanoï est dans une situation d’équilibriste entre de forts intérêts économiques et une inquiétude face à la politique expansionniste de Pékin. Au vu de la place occupée par le Vietnam dans la concurrence sino-américaine, la question suivante se pose : comment le Vietnam fait-il valoir ses intérêts entre Washington et Pékin ?

 

Un virement stratégique en faveur des États-Unis.

Après avoir connu un des pires conflits de l’après-seconde Guerre Mondiale, le Vietnam fut le symbole d’une défaite cuisante des États-Unis. Pourtant, Hanoï esquisse ces dernières années un mouvement de rapprochement avec Washington. Sensible à son indépendance politique et conscient des intérêts qu’il pourrait avoir à se rapprocher avec le complexe militaro-industriel américain, le Vietnam évalue ses intérêts économiques et politiques en cherchant à se soustraire de la domination chinoise. Le retour des relations diplomatiques entre les deux pays s’illustre notamment par des accords économiques. Instauré en 2000, le Bilateral Trade Agreement permet aux produits vietnamiens d’être exportés sur le marché américain[3].  Le Trans-Pacific Partnership (TPP), permettait de favoriser le libre-échange des échanges commerciaux et permettais aux États-Unis d’accroitre leur présence économique dans la région asiatique[4]. Pourtant les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, se sont retirés de cet accord en 2017, tandis que la Chine, alors exclut jusque-là, est aujourd’hui candidate à l’intégration au TPP[5]. Ainsi, le choix de Trump a défavorisé les États-Unis face à la Chine qui elle participe déjà à l’ASEAN +3 afin de développer le libre-échange entre Pékin et les États d’Asie du Sud-Est[6]. Au-delà de l’aspect économique, le rapprochement entre les États-Unis et le Vietnam s’explique par les enjeux géostratégiques en mer de Chine méridionale. En effet, les revendications chinoises comprennent la majorité de la mer méridionale et entrent en conflit direct avec les zones côtières du Vietnam[7]. Ainsi, le Vietnam et les États-Unis se sont rapprochés ces dernières années afin de contrer la politique expansionniste chinoise en mer de Chine méridionale.

 

Malgré des accords commerciaux et économiques ainsi qu’une volonté commune de contrer l’influence chinoise, le  Vietnam demeure prudent doutant de la fiabilité de Washington comme allié et prônant une diplomatie multidirectionnelle[8].

 

 

Entre intérêts économiques et suspicion à l’égard de la Chine.

            Le regard de Hanoï vis-à-vis de Pékin illustre bien la dualité des intérêts en Asie du Sud-Est. Ainsi, au-delà de leur relation dans le cadre de l’ASEAN +3, le Vietnam a signé avec la Chine des partenariats stratégiques globaux dans le but de renforcer leurs coopérations économique et sécuritaire[9]. La relation sino-vietnamienne s’illustre également par l’accord du golfe du Tonkin (2000)[10] situé à l’Est de la capitale vietnamienne et au Sud-Est de la Chine[11]. Cet accord établi des frontières maritimes et des coopérations de pêche, d’exploitation d’hydrocarbures et de sécurité[12]. De plus, l’accord du golfe du Tonkin est une représentation de la diplomatie chinoise en Asie du Sud-Est qui y voit dans le golfe une opportunité de tester sa stratégie en mer de Chine méridionale[13].

 

Figure 1. La mer de Chine méridionale[14]

Malgré les relations pacifiques entre Hanoï et Pékin le Vietnam entretient une suspicion sur les ambitions chinoises et notamment sur l’enjeu territorial en mer de Chine méridionale (appelé mer Oriental au Vietnam).« Que faites-vous les Occidentaux, nous n’allons plus pouvoir tenir longtemps contre l’influence chinoise. Nous allons devoir les rejoindre » ces propos d’un diplomate vietnamien en 2017 illustre bien la crainte vis-à-vis de la politique chinoise dans la région[15]. La Chine a la conviction que les espaces maritimes l’entourant lui appartiennent, ce qui s’illustre notamment par ses revendications de la « ligne en neuf traits », justifiées, selon Pékin, par des droits historiques[16]. Les revendications chinoises comprennent la majorité de la mer méridionale et entrent en conflit direct avec la zone côtière vietnamienne[17].

 

L’étude du cas vietnamien au sein de la rivalité sino-américaine illustre le multilatéralisme en Asie du Sud-Est. En adoptant une posture de neutralité entre les États-Unis et la Chine, le Vietnam tente de tirer profit de ses relations pacifiques avec les deux nations. Conscient du peu de fiabilité de Washington et de l’ambition grandissante de Pékin, Hanoï, à l’image des autres États d’Asie du Sud-Est, se doit de continuer ce jeu d’équilibriste dangereux, mais vital pour ces nations.

 

 

 

TAGS : Vietnam, Chine, États-Unis, mer de Chine méridionale.

 

 

 

Bibliographie.

Agence France Presse. « La Chine candidate au traité de libre-échange transpacifique ». Le Figaro, 16 septembre, 2021.https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-chine-candidate-au-traite-de-libre-echange-transpacifique-20210916.

De Tréglodé, Benoît. « Délimitation maritime et coopération sino-vietnamienne dans le golfe du Tonkin (1994-2016) ». Perspectives chinoises, n°3 (2016) : 33-41. http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/743.

De Tréglodé, Benoît. « Viêt Nam – Chine, la guerre n’aura pas lieu ». Revue Défense Nationale 7, n°812 (2018) : 112-116. https://doi.org/10.3917/rdna.812.0112.

Figure 1. « La mer de Chine méridionale ». Dans Thi Hanh, Nguyen. Les conflits frontaliers sino-vietnamiens : De 1885 à nos jours. Paris : Demopolis, 2018. doi: 10.4000/books.demopolis.

Le Tran, Anh et Maurice Georges. « Viêt-nam : coopération vs alliance ». Outre-Terre 3, n°37 (2013) : 393-406. https://doi.org/10.3917/oute1.037.0393.

Roche, Yann. « Les puissances en mers du Sud-Est asiatique ». Dans L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances, sous la direction de Serge Granger et Dominique Caouette, 97-112. Montréal : Les presses de l’Université de Montréal, 2019.

Thi Hanh, Nguyen. Les conflits frontaliers sino-vietnamiens : De 1885 à nos jours. Paris : Demopolis, 2018. doi: 10.4000/books.demopolis.

Trung Dung, Vo. 2015. « Vietnam et États-Unis une nouvelle ère stratégique ? ». Asialyst, 26 août, 2015.https://asialyst.com/fr/2015/08/26/vietnam-et-etats-unis-une-nouvelle-ere-strategique/.

 

 

 

[1] Nguyen Thi Hanh, Les conflits frontaliers sino-vietnamiens : De 1885 à nos jours (Paris : Demopolis, 2018), doi: 10.4000/books.demopolis.

[2] Thi Hanh Conflits sino-vietnamiens.

[3] Anh Le Tran et Maurice Georges, « Viêt-nam : coopération vs alliance », Outre-Terre 3, n°37 (2013) : 393-406, https://doi.org/10.3917/oute1.037.0393.

[4] Le Tran et Georges, Viêt-nam : coopération vs alliance.

[5] Agence France Presse, « La Chine candidate au traité de libre-échange transpacifique », Le Figaro, 16 septembre, 2021.https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-chine-candidate-au-traite-de-libre-echange-transpacifique-20210916.

[6] Le Tran et Georges.

[7] Yann Roche, « Les puissances en mers du Sud-Est asiatique », dans L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances, dirs. Serge Granger et Dominique Caouette (Montréal : Les presses de l’Université de Montréal, 2019).

[8] Vo Trung Dung, « Vietnam et États-Unis une nouvelle ère stratégique ? », Asialyst, 26 août, 2015.https://asialyst.com/fr/2015/08/26/vietnam-et-etats-unis-une-nouvelle-ere-strategique/.

[9] Benoît de Tréglodé, « Viêt Nam – Chine, la guerre n’aura pas lieu », Revue Défense Nationale 7, n°812 (2018), https://doi.org/10.3917/rdna.812.0112.

[10]  Benoît de Tréglodé, « Délimitation maritime et coopération sino-vietnamienne dans le golfe du Tonkin (1994-2016) », Perspectives chinoises, n°3 (2016), http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/743.

[11] De Tréglodé, Délimitation et coopération dans le golfe du Tonkin.

[12] De Tréglodé.

[13] De Tréglodé.

[14] Figure 1, « La mer de Chine méridionale », dans Thi Hanh, Nguyen, Les conflits frontaliers sino-vietnamiens : De 1885 à nos jours (Paris : Demopolis, 2018), doi: 10.4000/books.demopolis.

[15] Benoît de Tréglodé, « Viêt Nam – Chine, la guerre n’aura pas lieu », Revue Défense Nationale 7, n°812 (2018) : 112, https://doi.org/10.3917/rdna.812.0112.

[16] Yann Roche, « Les puissances en mers du Sud-Est asiatique », dans L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances, dirs. Serge Granger et Dominique Caouette (Montréal : Les presses de l’Université de Montréal, 2019).

[17] Roche, Les puissances en mers du Sud-Est asiatique

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