Tissage traditionnel au Brunei : Identité et Nationalisme

par Anaïs Jacquot

 

Utilisés depuis les alentours du IXe siècle au Brunei Darussalam, les tissus traditionnels tissés à la mains par des femmes ou kain tenunan sont maintenant symboles d’identité et de nationalisme au sein de la société brunéienne. Alors qu’au VIesiècle le Brunei servait d’entrepôt pour les commerçants indiens et arabes qui s’y arrêtaient avant de poursuivre leur route vers la Chine, les échanges de biens, entre ceux-ci et les habitants de l’île, se firent de plus en plus nombreux.
C’est grâce à cela que l’importation de tissus de diverses influences vit le jour sur le territoire, amenant un véritable développement de la mode et une évolution des matériaux utilisés pour la fabrication des vêtements traditionnels [1]. Originellement surtout utilisés pour les habits portés lors d’occasions spéciales et de cérémonies marquant d’importantes transitions dans le cycle d’une vie, comme le mariage ou la mort [2], les différentes techniques de tissage au Brunei Darussalam se développèrent donc suite à ces échanges commerciaux.

Un patrimoine à préserver

Au cours des dernières années, les habitants du Brunei ont apporté de plus en plus d’importance à la production de ce genre de textile, non seulement parce que le pays en est un des plus grands producteurs en Asie du Sud-Est, mais parce que ces tissus représentent maintenant pour eux un symbole d’identité nationale. De par leurs couleurs, leur apparence riche, leur complexité et leur qualité, les kain tenunan font à présent partie du mouvement de globalisation qui touche le Brunei Darussalam. Pour s’assurer de la continuité des traditions et des techniques de tissage au pays, le gouvernement brunéien a donc récemment pris plusieurs mesures comme établir le Centre d’Entrainement des Arts et de l’Artisanat du Brunei et exposer certains tissus dans des musées. Une des mesures les plus importantes fut, entre autres, de renforcer le port des textiles tissés traditionnels comme vêtements de cérémonie à la Cour Royale et dans certains évènements nationaux. En suivant cette recommandation du gouvernement, en avril 2012, le Ministère de l’Industrie et des Ressources Premières imposa le port de l’habit officiel chaque jeudi pour tous les employés du ministère [3].

Identité nationale

Au Brunei Darussalam, l’idée d’identité et de nation ne se voit pas seulement par une histoire, une culture, une religion – soit l’Islam dans ce cas-ci – une langue ou encore un territoire commun. Il y a un besoin de l’exprimer et de manifester cette idée nationaliste et c’est à travers les tissus traditionnels kain tenunan, de par leur consommation ou leur utilisation, qu’elle est véhiculée. Les textiles tissés à la mains sont alors utilisés comme véhicule pour démontrer la construction de la culture brunéienne et sont un moyen de propager l’idée d’une identité nationale à travers le pays [4]. D’ailleurs, en plus d’aider à la préservation des traditions du tissage, les expositions de tissus traditionnels dans les musées servent également à promouvoir cette idée ; l’exposition de kain tenunan et d’outils de tissage au Musée de la Technologie Malaise de Brunei avait pour but de fournir au public une manifestation de cette identité et de préserver cet héritage culturel à travers la culture matérielle. La formation d’une identité nationale brunéienne ne vient donc pas que du gouvernement, mais aussi d’établissements privés [5].

Très importants au sein de la famille royale et les évènements qu’elle tient, ainsi que dans diverses autres occasions, les textiles tissés exercent en réalité plusieurs fonctions au sein de la société brunéienne. Pour en apprendre davantage sur l’histoire de ces tissus et leurs différentes fonctions culturelles et identitaires, voici un court reportage sur le sujet :

Bibliographie

Siti Norkhalbi Haji Wahsalfelah (2005)*1, « Traditional Woven Textiles: Tradition and Identity Construction in the ‘New State’ of Brunei Darussalam », University of Durham, Durham.

Siti Norkhalbi Haji Wahsalfelah (2005)*2, « ‘Invention of Traditions’: Reconstruction of National Identity through Traditional Textile in Brunei Darussalam », Universiti Brunei Darussalam, Gadong.

Siti Norkhalbi Haji Wahsalfelah (2010), « Transformation in Mode of Clothing in Brunei Darussalam and its Impact on Identities », Borneo Research Journal Vol4, décembre 2010.

Siti Norkhalbi Haji Wahsalfelah, Ak Mohd Wafi bin Pg Hj Abd Rahim, Muhd Azribin Hj Razab, Nuursajarina Faizah bte Awang Haji Ahmad, Muhd Azmi bin Abd. Latif et Muhd Zulshahrin bin Hj Japarin (2013), « The Acculturation of Traditional Woven Textile as Code of Official Outfit: Implementation and Problems », Universiti Brunei Darussalam, Gadong.

Siti Norkhalbi Haji Wahsalfelah (2015), « Meanings of Traditional Textiles Consumption in Brunei Darussalam », Berita Printemps 2015: 27-39.

Références

[1] Siti 2010, p.14.

[2] Siti 2005*2, p.3.

[3] Siti, Ak Mohd, Muhd Azribin, Nuursajarina, Muhd Azmi et Muhd Zulshahrin 2013, p.2.

[4] Siti 2005*1, p.14.

[5] Siti 2005*1, p.15.

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