L’étroite relation entre la l’histoire de la langue khmère et du Cambodge

par Anne-Julie Tremblay

Au Cambodge, 21 langues sont parlées, dont le Khmer, la langue officielle du pays. Cette dernière compte un peu plus de 12 millions de locuteurs. Elle est la langue la plus parlée, suivi du Vietnamien qui compte plus de 393 mille locuteurs, et du Mandarin qui compte 350 mille locuteurs. Dans ce pays, on compte aussi des langues avec très peu de locuteurs, soit le Samre qui en compte 50 et le Suoy qui en compte 200. Toutefois, ce pays semble se soucier des langues mineures présentes dans sa population en assurant l’éducation pour tous, tout en essayant d’inclure les langues maternelles au cursus scolaire. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009, p.64-66) (Sun, Neou, 2009, p.1-3)

Figure 1: Écriture khmère dans une école

Dragfyre, Wikimedia Commons, 2020

La relation entre le Thaï, les langues indiennes et le Khmer

Étant la langue la plus importante du Cambodge, il intéressant d’apprendre que le Khmer date du 7e siècle et que plusieurs autres langues l’ont influencé. En effet, plusieurs mots de cette langue sont empruntés du pali et sanskrit, des langues indiennes. Ils concernent entre autres l’administration du pays, la royauté, la religion, la littérature et l’éducation. Le Thaï a aussi eu une influence sur le Khmer dû au contrôle de la Thaïlande qui faisait des pillages dans les capitales d’Angkor et Longvek entre et 14e et 16e siècles. Le Cambodge, chez qui les Thai avaient déjà emprunté des mots, a à son tour emprunté des mots du Thaïlandais. Des personnages politiques et religieux du Cambodge devaient aller faire leur éducation en Thaïlande ce qui amenait davantage d’influences du Thaïlandais sur le Khmer. (Thong, Thel, 1983, p. 103)

L’arrivée des Français et l’éducation au Cambodge

Lorsque les Français sont arrivés en 1863, des monastères bouddhistes faisaient office d’écoles et seulement les garçons avaient droit à l’éducation. Certaines écoles avaient le Pali comme matière enseignée, car cette langue était celle de la religion bouddhique et que des écoles étaient spécialisées dans cette matière. Cependant, dans la plupart des écoles, le Khmer était la langue d’enseignement. Les manières d’enseigner n’étaient pas régularisées et étaient différentes d’un endroit à l’autre. (Thong, Thel, 1983, p. 105)

Figure 2: Moine dans un temple bouddhiste au Cambodge

ChrisKat, Pixabay, 9 avril 2018

Les Français ont commencé à introduire les écoles de type occidentales, mais les écoles monastère ont continué à être opérationnelles. Ce n’est qu’en 1908 qu’ils ont commencé à penser de rendre uniforme la manière d’enseigner dans tous les monastères; l’uniformité n’est arrivée qu’en 1921. Ils se sont mis d’accord sur le fait d’utiliser le Khmer comme langue d’enseignement et d’enseigner l’arithmétique, la lecture, l’écriture et la morale cambodgienne comme matières.  Ils ont formé les moines bouddhistes pour que tous donnent la même matière. Les écoles monastère sont devenues des écoles publiques en 1954. (Thong, Thel, 1983, p. 105)

En parallèle, les Français ont commencé à ouvrir des écoles publiques en 1873 dont une école d’interprètes en 1885 et les programmes étaient essentiellement les mêmes que ceux donnés en France. Dans leurs écoles, le français était utilisé et le khmer n’est arrivé qu’au début des années 30 dans l’éducation. Plusieurs Cambodgiens n’étant pas d’accord avec l’enseignement du français, ils préféraient rester avec les formations données dans les écoles monastères. Toutefois, il est important de savoir que c’est grâce aux intellectuels français que le Khmer s’écrit de manière uniforme partout et qu’un dictionnaire pour rendre officiel cette uniformité est née. Ce dernier a été publié en deux parties en 1939 et 1943. D’autres dictionnaires et grammaires ont été créés dans les mêmes temps et ont été bénéfiques à l’uniformité de la langue khmère, puis dès 1943, des programmes de romanisation de cette langue ont été mis sur pied par les autorités cambodgienne et française en place au pays. Toutefois, cela a été mal vu des Cambodgiens en général, car ils croyaient que c’était une manière d’éliminer la langue et la culture khmères. (Thong, Thel, 1983, p.106-110)

Khmer rouge et écoles

Les choses ne changèrent pas vraiment par la suite dans l’éducation pour ce qui est des langues, même pendant l’occupation japonaise. Toutefois, quand les Khmers rouges sont arrivés au pouvoir en 1975, ils ont fermé et détruit les écoles, puis éliminé la classe intellectuelle. De nombreux professeurs et élèves sont morts. Puis lorsque les Khmers rouges ont été remplacés au pouvoir dans les années 80, des programmes d’alphabétisation ont été mis en place pour contrer les conséquences des actions des Khmers rouges qui avaient créé bon nombre d’illettrés. (Clayton, Thomas, 1998, p.6-8, et 16) (Thong, Thel, 1983, p.115)

Les langues dans les écoles aujourd’hui

En 1993, le Cambodge a adopté une loi pour que tous les habitants du pays aient des chances égales et aient la même qualité d’éducation. Puis en 2007, la langue khmère a été choisie comme langue dans l’éducation et devait être incluse dans tous les programmes scolaires. Toutefois, des lois étaient aussi en place pour favoriser l’apprentissage des langues locales. En 2002 et 2003, des programmes avaient déjà été mis en place dans des provinces du Cambodge pour alphabétiser, développer l’orthographe des langues minoritaires avec la langue khmère et ainsi rendre l’éducation possible pour tous. En 2006, le Ministère du Développement Rural avait aussi énoncé le besoin de rendre tous les livres bilingues et renforcer les savoirs des cultures et langues locales. Donc, malgré la mise de l’avant du khmer, les autres langues ne sont pas délaissées pour autant dans le système actuel. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009, p.66-68) (Sun, Neou, 2009, p.1-4) 

 

Bibliographie :

ChrisKat. «Moine Cambodge Angkor» [photo], 12 mars 2018, Pixabay, réf. du 9 avril 2020, https://pixabay.com/fr/photos/moine-cambodge-angkor-temple-asie-4665182/

Clayton, Thomas, 1998, Building the New Cambodia: Educational Destruction and Construction under the KhmerRouge, 1975-1979, History of Education Quarterly, Vol. 38, No. 1, Cambridge University Press

Dragfyre. « Khmer script in school » [photo], 22 août 2009, Wikimedia Commons, réf. du 23 mars 2020, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Khmer_script_in_school.jpg

Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009, Mother tongue as bridge language of instruction: policies and experiences in Southeast Asia, Thailand: The Southeast Asian Ministers of Education Organization (SEAMEO) Secretariat

Sun, Neou, 2009, Education Policies for Ethnic Minorities in Cambodia, Care, Highland Community Education Program

Thong, Thel, 1983, Language Planning and language Policy of Cambodia, Australian National University

 

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