Les mines et le territoire du Cambodge d’après-guerre

Par Laurianne Bossé

 

À ce jour, le Cambodge demeure l’une des pays de l’Asie du Sud-Est où l’on retrouve le plus de mines antipersonnel encore enfouies. De 1979 à 2013, les mines antipersonnel ont blessé ou tué 63 815 personnes, dont la plupart sont des civils. (Durham, 2013, p.235) Ce problème provient  non seulement des suites de la Guerre du Vietnam (1955-1975), mais également de celles du gouvernement des Khmers Rouges (1975-1979). Ainsi, les conséquences de ces conflits passés se font encore ressentir aujourd’hui et posent de graves problèmes au niveau des services de santé publique du pays.

(« Danger ! Mines ! » par Gary Todd, Octobre 2012)

 

Des mines cachées

Plusieurs programmes de gestion des mines antipersonnel ont été mis en place à travers le monde. Ces programme sont typiquement guidés par les International Mine Action Standards et utilisent le système de données Information Management System for Mine Action (IMSMA). (Durham, 2013) Ce système, qui permet de répertorier les zones dangereuses ainsi que les sites de détonations, est particulièrement développé au Cambodge, mais celui-ci n’est pas implanté de la même façon dans toutes les régions du pays. Ainsi, dû à l’ignorance de la localisation des mines, certaines zones demeurent plus risquées.

 

Un système de santé qui peine à fournir l’aide nécessaire

De manière générale, une personne blessée par une mine antipersonnel au Cambodge devra rester à l’hôpital environ 3 semaines et subir au moins 2 opérations. (Stover, 1994) Considérant la quantité de blessés que ces mines font à chaque année, les coûts reliés aux soins et traitements pour ces personnes drainent une bonne partie des fonds alloués à la santé. Malgré le fait que les soins de santé soient gratuits au pays, les survivants se voient souvent être dans l’obligation de débourser certains frais afin de payer non seulement le personnel soignant, mais également la médication dont ils ont besoin et même certaines interventions médicales. De plus, outre ce que leurs proches leur apportent, les patients n’ont pratiquement pas accès à de la nourriture pendant leur séjour à l’hôpital. (Stover, 1994) L’hospitalisation et la guérison peuvent donc être des processus longs et pénibles à subir.

(« IMG_3143 » par Neil Rickards, Novembre 2006)

 

Des conséquences socio-économiques importantes

Le Cambodge étant principalement une société agraire, la condition physique de la population ainsi que l’accès aux terres sont des éléments d’une importance capitale. Les mines qui parsèment le territoire compliquent donc la vie quotidienne de la population paysanne qui se doit d’être particulièrement prudente dans l’exploitation des sols. Dans le cas où une personne est blessée par l’explosion de l’une de ces mines, ce n’est malheureusement souvent pas qu’elle qui en subit les conséquences ; la société s’axant autour de l’agriculture, ce sont généralement des familles entières qui se consacrent à l’exploitation agricole. Ainsi, lorsqu’un membre est blessé, c’est la production de toute la famille qui se trouve à être retardée ce qui influe sur les revenus non seulement de la famille mais aussi, à plus large échelle, sur celle du pays.

 

De paysans à démineurs

Dans cette optique où le simple fait de défricher la terre pose un danger mortel, il arrive que la population paysanne prenne les choses en ses propres mains. En effet, il n’est pas rare que certains paysans décident de ne pas attendre l’aide gouvernementale pour le déminage des sols. (Bottomley, 2001) Considérant la nécessité d’exploiter la terre pour vivre et considérant le temps requis pour cette tâche, il n’est parfois pas possible pour la population d’attendre. De 1993 à 1994, seulement 4% du territoire cambodgien a été examiné et nettoyé. (Stover, 1994) C’est donc pour cette raison que les paysans en viennent à affronter cette tâche eux-mêmes. Avec leurs couteaux et autres outils agricoles, ils dégagent peu à peu les mines et s’en débarrassent. Plusieurs se demandent donc s’il ne serait pas plus sage d’offrir une formation ainsi que l’équipement approprié à cette part des citoyens plutôt que de les laisser se débrouiller seuls. (Bottomley, 2001)

En bref, cette conséquence de 30 ans de conflits armés au Cambodge et au Vietnam se fait encore sentir à ce jour. La quantité de mines antipersonnel semés à travers le territoire cambodgien au cours de cette période est astronomique et le déminage demeure un processus long, coûteux, et surtout dangereux. Le pays étant principalement agricole, c’est la population elle-même qui ressent le plus les conséquences néfastes de cette triste réalité. Le système de santé peine à s’ajuster aux sommes requises pour le traitement des blessés et la population, qui, souvent, ne peut se permettre d’attendre l’aide des démineurs professionnels, n’a d’autre choix que de prendre les choses en mains. 

 

Bibliographie :

1- Bottomley, R. (2001) « UXO clearance in Gu+A1117am and the Pacific Islands is considered mostly « emergency removal. » The Journal examines how improper disposal, fatalities and a lack of survey or accident data compounds the problem for this region., » Journal of Mine Action 5 (1): Article 14. 

2- Durham, J. ; Hill, P. S. ; Hoy, D. (2013) “The underreporting of landmine and explosive remnants of war injuries in Cambodia, the Lao People’s Democratic Republic and Viet Nam”. Bulletin of the World Health Organization 9 (3): 234-236.

3- Stover, E. ; Keller, A. S. ; Cobey, J. ; Sopheap, S. (1994) “The Medical and Social Consequences of Land Mines in Cambodia”. JAMA 272 (5): 331–336.

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