La prostitution au Vietnam : un « fléau social »

Les chiffres officiels du gouvernement vietnamien indiquent qu’il y aurait 33 000 personnes prostituées dans le pays. Seulement les chercheurs ne sont pas d’accord avec ce chiffre et disent qu’il y aurait plutôt 200 000 personnes prostituées (Charpenel, 2016, 458). Malgré des efforts du gouvernement le nombre continue d’augmenter en raison notamment de la proximité avec la Thaïlande et les Philippines, deux des pays les plus importants dans l’industrie du sexe. Les prostitués sont vu par le gouvernement vietnamien comme un fléau social qu’il faut éradiquer.

Par Emilio Labrador pour The australian le 11 octobre 2012. Sept femmes attendent les clients et sont assises à la devanture de ce magasin, supposée pour services de soin mais ce sont en réalité probablement des prostituées.

Le gouvernement vietnamien, le confucianisme et le « fléau social″ de la prostitution :

Même si le gouvernement fait des efforts pour essayer d’enrayer la prostitution et notamment le trafique sexuel, il y a beaucoup d’incohérence dans les différentes lois mises en place.
Le gouvernement n’a pas changé l’âge définissant un enfant qui est de 16 ans au Vietnam mais 18 ans pour la convention des nations unies, alors même qu’ils avaient mis en place des lois sous la pression internationale. Les lois mises en place ne répondent donc malheureusement pas aux critères demandés. Les hommes prostitués n’ont aucune loi qui les encadre et sont donc dans un vide juridique, ils sont donc nombreux au Vietnam.(Charpenel, 2016, 460). Le gouvernement a une approche contradictoire envers les prostituées. D’un côté ce gouvernement, encore profondément confucéen, les qualifie de « fléau social″ comme venant de l’influence étrangère. Il y a alors une propagande importante pour le retour de la femme vietnamienne traditionnelle et de ses morales (Voelkner, 2014, 380). D’un autre il tente de mettre en place des programmes de prévention contre le trafic des femmes et des enfants ainsi que des programmes de réhabilitation. Depuis ces dernières années le gouvernement essaye de stopper le trafic sexuel dont le Vietnam est devenu une plaque tournante (Voelkner, 2014, 383).

Les raisons d’une industrie du sexe si importante :

En 1986 le Vietnam met en place le Doi Moi une réforme économique qui amorce la libéralisation économique du pays et le développement de l’économie de marché. Cette réforme a profondément modifié le pays. Les déplacements et migrations plus faciles ont encouragé la migration vers les villes qui ont alors développé leur secteur industriel  offrant de nombreuses opportunités d’emplois. La prostitution s’est développée et le pays est devenu un lieu important du trafic sexuel (Voelkner, 2014, 378). Les hommes d’affaires et investisseurs étrangers ont commencé alors à venir en grand nombre dans le pays, faisant apparaitre avec eux un nouveau mode de prostitution souvent plus luxueux visant cette clientèle très importante pour l’économie du pays (Hoang Kay, 2011, 7).                                                                                                                      Ces dernières années avec le développement d’internet cela a amené un nouveau mode de recrutement des prostituées. Souvent le mode de recrutement est le même : il approche la jeune fille sur les réseaux, construit une relation puis l’amène à partir de chez elle pour au final l’obliger à se prostituer. Ce mode d’opération touche majoritairement les femmes de la classe moyenne. Internet amène aussi une diversification de l’industrie du sexe avec la pornographie, les réseaux sociaux … (Charpenel, 2016, 460)

Des raisons culturelles d’une industrie du sexe si importante :

Deux autres raisons qui expliquent l’importance de cette industrie sont la pauvreté et la piété filiale. Pour la morale traditionnelle confucéenne, la piété filiale est une vertu fondamentale qui oblige les enfants au respect envers la famille et les parents et leur donne à eux aussi la responsabilité du foyer. Les jeunes femmes venant de foyers plutôt pauvres vont alors devoir aider à subvenir aux besoins de la famille. Elles vont avoir sur les épaules les responsabilités des crises économiques que la famille va subir et pour subvenir à ses besoins beaucoup de femmes vont aller vers la prostitution comme ultime moyen de gagner une bonne somme d’argent rapidement. Malheureusement elles ne choisissent pas toujours d’entrer d’elle-même dans ce milieu et certaines familles vont les forcer par besoin d’argent, voir les vendre ou vendre leur virginité (Lainez, 2013, 17). Nicolas Lainez dans une étude réalisée en 2013 a interrogé des familles de la ville de Chau Doc. La plupart ce sont servies de leur fille pour rembourser des dettes que les parents avaient contractées et ont choisi la prostitution car c’est un milieu qui rapportait plus que les autres métiers accessibles à une fille sans qualification comme le ménage, le travaille agricole.

Par Vivienne Chapleo et Jill Hoelting pour le magasine Wavejourney le 18 Mai 2015. Il s’agit de la ville de Chau Doc au Vietnam

La prostitution au Vietnam s’est développée surtout depuis les années 90 avec la libéralisation du marché et le renforcement des lois contre le tourisme sexuel aux Philippines et en Thaïlande. Le gouvernement essaye de mettre en place des lois et des réformes mais elles sont encore bien insuffisantes pour régler le problème. Il devrait en finir avec la pensée confucéenne du « fléau social″ pour donner de l’aide à ces prostituées et victimes du trafic sexuel.

Bibliographie :

Charpenel, Yves. Prostitutions- Exploitations, Persécutions, Répression. Paris : Economica, 2016. https://www.fondationscelles.org/pdf/RM4Prostitutions_Exploitations_Persecutions_Repressions_Fondation%20Scelles_FR.pdf

Hoang Kay, Kimberly. « New Economies of Sex and Intimacy in Vietnam » PhD diss., University of California, 2011.

Lainez, Nicolas. « L’exploitation de la sexualité des femmes par leur famille au Vietnam : financer les chocs exogènes et le crédit informel », Autrepart 66, no. 3 (2013) : 133-152. https://doi.org/10.3917/autr.066.0133

Voelkner, Nadine. « Affective Economies in the Governance of Trafficking and Sex Work in Vietnam », Global Society 28, no. 3 (2014) : 375-390. 10.1080/13600826.2014.900740

 

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