La mutilation génitale féminine, un sort intergénérationnel

On estime que 60 millions de femmes indonésiennes ont subies des mutilations génitales, une pratique dangereuse et douloureuse qui ne présente aucun avantage pour la santé de la femme (Budiharsana s. d.).    

 

La mutilation féminine génitale, qu’est-ce que c’est ?  

L’Organisation mondiale de la Santé définit les mutilations féminines, ou MFG, comme “toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales.” (« Mutilations sexuelles féminines » s. d.).  

 

L’Organisation mondiale de la Santé reconnaît 4 types de MFG :

  • Type 1 : « ablation partielle ou totale du gland clitoridien… et/ou prépuce/capuchon clitoridien »  
  • Type 2 : « ablation partielle ou totale du gland clitoridien et des petites lèvres…, avec ou sans excision des grandes lèvres »  
  • Type 3 : « l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres, ou les grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans ablation du prépuce/capuchon et gland clitoridiens »  
  • Type 4 : « toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, par exemple, piquer, percer, racler et cautériser les organes génitaux » (« Mutilations sexuelles féminines » s. d.)  

 

Guérisseur traditionnel montrant un scalpel | Photo de AFP (La Croix 2017)

 

Les mutilations féminines génitales ne sont pas sans risques. En effet, elles peuvent entraîner d’importantes complications sanitaires immédiates (hémorragies, infection, douleurs, problèmes urinaires) aussi bien qu’à long terme. Dans certains cas extrêmes, elles peuvent même entraîner la mort  (« Female Genital Mutilation » s. d. UNICEF). La culture indonésienne, comme dans la majorité des pays musulmans, est conservatrice par rapport au sexe, qui aujourd’hui demeure un sujet fortement stigmatisé et peu abordé. De manière générale, il semble avoir un manque de connaissances et de transparence autour de la circoncision féminine. La majorité des femmes interrogées lors d’une étude mené par l’Unversité de l’Indonésie ne savent pas comment se déroulent les excisions. Certaines ne se souvenaient pas de leur excision ou ne savaient pas si elles l’avaient subie (Genseks 2018, 97).  

  

Une pratique ancrée dans la société indonésienne  

En dépit d’être internationalement reconnue comme une violation des droits de la personne, la mutilation féminine maintient une place importante, intergénérationnelle, au sein des ménages indonésiens. En 2003, le Population Council, un groupe international de recherche, conclut qu’environ 96% des familles indonésiennes avaient déclaré que leurs filles avaient subi une forme de mutilation avant l’âge de 14 ans (« Indonésie | Excision, parlons-en ! » s. d.). La grande majorité arguments pour la MFG s’appuient sur la valeur de la femme. 

Au sein des communautés en faveur de cette pratique, la MFG constitue un moyen permettant de contrôler le corps, mais surtout la sexualité de la femme. Chez de nombreuses familles, la MFG est un rite de passage indispensable à l’intégration sociale au sein de leurs communautés. L’excision est supposée « préserver leur chasteté », une condition préalable au mariage (« Female Genital Mutilation » s. d.).  

Quoi que la circoncision féminine ne soit pas soutenue par l’islam, l’argument religieux est souvent utilisé pour justifier la pratique. En effet, les chefs religieux interrogés expliquent que la circoncision féminine est fortement conseillée, mais pas obligatoire selon la loi de l’islam (Genseks 2018, 99). L’argument de l’islam est aussi renforcé au sein des familles. Certains estiment qu’une femme ne peut pas se prétendre musulmane si elle n’est pas circoncise (Genseks 2018, 97).   

 

Invitations pour assister à la circoncision d’une fille en Indonésie | Photo de Ed Wray (Belluck et Cochrane 2016)

 

L’attitude ambigüe du gouvernement  face au clergé 

La circoncision féminine a reçu de nombreuses critiques de la part de la communauté internationale, mais aussi de la part de groupes militants locaux qui demandent l’interdiction de cette pratique. Selon UNICEF, environ 3 filles sur 4 subissent une MGF avant l’âge de 6 mois. Elle aussi remarqué  une tendance à la hausse dans le nombre de circoncisions féminines en Indonésie (« Tackling FGM in Indonesia » 2017). Les filles touchées, trop jeunes pour donner leur consentement, sont victimes d’un cercle vicieux de violations de leurs droits.  

En 2006, le gouvernement indonésien lance, à l’encontre de nombreux chefs religieux, une campagne visant l’interdiction de cette pratique cruelle (Budiharsana s. d.). Quelques années plus tard, le Ministère de la Santé indonésien annonce la régulation de la circoncision féminine. Dès lors, afin de réduire le risque de complications et d’infection, elle ne peut être effectuée que par des médecins, des sages-femmes ou des infirmières,  (Belluck et Cochrane 2016).  

 

Enfant pleure lorsqu’une guérisseuse traditionnelle effectue une circoncision à Gorontalo | Photo de AFP (La Croix 2017)

 

La lutte contre les MGF est loin d’être terminée. Son institutionnalisation rend la pratique légitime à travers toute l’Indonésie. De plus peu d’efforts ont été faits pour renforcer les nouvelles normes de santé et d’hygiène. Le défi principal auquel le gouvernement indonésien fait face reste la religion, qui détient une place non négligeable au sein de la société indonésienne. L’éradication complète de la pratique nécessiterait la collaboration des organisations religieuses musulmanes.  

 

Par Anouk D.

 

BIBLIOGRAPHIE 

Belluck, Pam, et Joe Cochrane. 2016. « Unicef Report Finds Female Genital Cutting to Be Common in Indonesia ». The New York Times, 4 février 2016, sect. Health. https://www.nytimes.com/2016/02/05/health/indonesia-female-genital-cutting-circumcision-unicef.html. 

Budiharsana, Meiwita. s. d. « Female Genital Cutting Common in Indonesia, Offered as Part of Child Delivery by Birth Clinics ». The Conversation. Consulté le 23 janvier 2020. http://theconversation.com/female-genital-cutting-common-in-indonesia-offered-as-part-of-child-delivery-by-birth-clinics-54379. 

UNICEF. s. d. « Female Genital Mutilation ». Consulté le 26 mars 2020. https://www.unicef.org/protection/female-genital-mutilation. 

Genseks, Puska. 2018. « Female Circumcision in Indonesia: Between Policy and Practice ». Puska Gender & Seksualitas UI (blog). 26 novembre 2018. https://genseks.fisip.ui.ac.id/female-circumcision-in-indonesia-between-policy-and-practice/. 

« Indonésie | Excision, parlons-en ! » s. d. Consulté le 26 mars 2020. https://www.excisionparlonsen.org/comprendre-lexcision/cartographie-mondiale-des-pratiques-dexcision/indonesie/. 

« Mutilations sexuelles féminines ». s. d. Consulté le 26 mars 2020. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/female-genital-mutilation. 

« Tackling FGM in Indonesia ». 2017. UNFPA Asiapacific. 24 janvier 2017. https://asiapacific.unfpa.org/en/news/tackling-fgm-indonesia-0. 

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