Le travail forcé: un fléau pour la jeunesse cambodgienne

 

Photo de J. Bleibtreu (UN photos). Humanium.

Par Noémie Valdivia

L’Asie du Sud-Est est de nos jours encore confrontée par le problème du travail forcé chez les enfants. Selon UNICEF, dans la région d’Asie-Pacifique, 1 enfant de moins de 18 ans sur 8 travaille, que cela soit de manière légale ou non. Au Cambodge, à date de 2012, ce sont 36% des enfants qui travaillent (UNICEF, Cambodge). Pour l’Organisation internationale du Travail (OIT), « le concept « travail des enfants«  regroupe l’ensemble des activités qui privent les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et nuisent à leur scolarité, santé, développement physique et mental » (Organisation internationale du Travail, «Qu’est-ce le travail des enfants?»).

Du travail forcé, même à la maison

Photo de Andy Brown pour UNICEF Cambodge, 2014. ONU Info.

Au Cambodge, la majorité des enfants sont confrontés au travail domestique; 90% des enfants travaillent pour leur famille, et ce, sans recevoir de l’argent de poche (Kluttz 2015, 170). Devrait-on considérer cela comme du travail forcé, étant donné qu’ils ne font qu’aider leur famille dans le besoin? Il ne faut pas oublier que le Cambodge est un des pays les plus pauvres dans le monde, selon le rapport de Human Right Index en 2017 (143e sur 188 pays) (Johansson 2017, 21). Si on se fie à la définition de l’OIT, il faudrait que ce travail n’affecte pas la scolarité de ces enfants. La majorité des enfants cambodgiens vont à l’école, mais ceux qui travaillent ont de moins bonnes notes, d’arriver en retard à maintes reprises, et sont plus susceptible de quitter l’école (Kim 2011, 496). En 2013, environ 29% des enfants cambodgiens de 6 à 17 ans ne se présentaient pas à l’école régulièrement puisqu’ils devaient contribuer aux revenus de leur famille (Kluttz 2015, 168). Donc, en réalité, le travail domestique chez les enfants est par définition du travail forcé.

Pourtant, une étude démontre que le travail forcé chez les enfants cambodgiens ne découle pas de l’extrême pauvreté, malgré les inégalités grandissantes du pays. Il est vrai que plusieurs familles bénéficient financièrement de l’aide de leurs enfants, mais environ 28% des familles affirment qu’ils pourraient vivre sans leur aide financière (Kluttz 2015, 170). Alors pourquoi ces parents forcent-ils leurs enfants à travailler s’ils n’ont pas besoin de leur aide, sachant que cela impact négativement leur éducation?

Malheureusement, dans un pays aussi pauvre que le Cambodge, tout est question d’opportunités et de privilèges. Le système d’éducation n’est pas bien développé, donc certains parents n’y voient aucune utilité. Si la famille est pauvre, l’enfant est plus utile au travail qu’à la maison. De plus, dû à la qualité médiocre de l’éducation publique, des écoles privées font surface. Les familles plus démunies sont donc dans l’impossibilité d’envoyer leurs enfants dans de bonnes écoles (Kluttz 2015, 173).

Le problème de l’exploitation sexuelle

Bien que la majorité du travail forcé chez les enfants soit du travail domestique, la réalité est qu’un certain nombre de jeunes, plus particulièrement de jeunes filles, se voient dans l’obligation d’entrer dans le travail sexuel. Au Cambodge, l’âge légal pour commencer à travailler est de 14 ans, et l’âge de consentement est de 15 ans (Johansson 2017, 20). Historiquement, les lois cambodgiennes encadrant la prostitution, comme la loi de 1996 sur la suppression du kidnapping, trafic, et exploitation des êtres humains, vise seulement à criminaliser ces actes qui visent des personnes en dessous de l’âge de consentement, soit 15 ans. Les jeunes de 15 à 17 ans ne sont donc pas encadrés par cette loi, ce qui suggère que la prostitution n’est pas un problème pour les jeunes de cet âge. Cependant, il est évident que les jeunes qui participent aux réseaux de prostitution sont privés de leur enfance et que leurs activités nuisent à leur santé.

Même si les jeunes ne travaillent habituellement pas à cause de l’extrême pauvreté de leur famille, plusieurs jeunes filles vont pourtant aider financièrement leur famille en vendant leurs services sexuels. Se relevant d’une violente dictature, le Cambodge peine à s’éloigner des services de prostitution établis pendant les efforts de paix des Nations unies (Davy 2014, 800). N’ayant aucune éducation, les jeunes ne pouvaient se protéger des trafiqueurs qui leur offraient de l’argent. Sur environ 50 000 à 70 000 prostitués au Cambodge, le tiers d’entre-eux sont des jeunes en dessous de 18 ans, prouvant donc l’inefficacité des lois cambodgiennes. Environ 10 000 de ces jeunes sont séropositifs; démontrant que la prostitution infantile impact considérablement la santé des enfants (Poulin 2001, 120). Selon la définition de OIT, la prostitution peut donc être considérée comme du travail d’enfant. Celui-ci est souvent forcé; en effet, certains jeunes sont vendus aux trafiquants par leur famille afin que celles-ci puissent repayer leurs dettes

Le Cambodge est aussi très attrayant pour les touristes, et non seulement dû à l’histoire et à l’architecture incroyables du pays. Certains y viennent pour profiter de la virginité de jeunes filles. 50% des jeunes prostitués ont perdu leur virginité avec un homme étranger ; c’est une autre manière de gagner un peu d’argent (Johansson 2017, 21).

Malgré que le gouvernement cambodgien ait signé la Convention relative aux droits de l’enfant en 1992 et le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en 2002, est dominé par la corruption (Johansson 2017, 19). Dans ce cas-ci, la corruption n’aide malheureusement pas le cas des enfants privés de leur éducation. Le gouvernement a encore beaucoup d’efforts à entreprendre pour diminuer le nombre d’enfants dépouillés du bonheur d’être enfant.

 

Bibliographie

Davy, Deanna. 2014. « Understanding the complexities of responding to child sex trafficking in Thailand and Cambodia ». International Journal of Sociology and Social Policy 34 (no 11/12): 793-816.

Johansson, Linnéa. 2017. « Child prostitution in Southeast Asia: A qualitative case study on the factors that contributes to child prostitution in Thailand, Cambodia, Vietnam and The Philippines ». Thèse de baccalauréat (Linnaeus University).

Kim, Chae-Young. 2011. « Child labour, education policy and governance in Cambodia ». International Journal of Educational Development 31: 496-504.

Kluttz, Jenalee. 2015. « Reevaluating the relationship between education and child labour using the capabilities approach: Policy and implications for inequality in Cambodia ». Theory and Research on Education 13 (no 2): 165-179.

Organisation internationale du travail. « Qu’est-ce le travail des enfants? ». https://www.ilo.org/ipec/facts/lang–fr/index.htm.

Poulin, Richard. 2001. « La mondialisation du marché du sexe ». Presse universitaire de France 1 (no 31) : 109-122.

UNICEF. « Cambodge ». https://www.unicef.org/french/infobycountry/cambodia_statistics.html.

UNICEF. « Protection de l’enfant contre la violence, l’exploitation et les abus ». https://www.unicef.org/french/protection/57929_child_labour.html.

 

 

 

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