L’Indonésie et ses défis environnementaux : déchets solides et microplastiques : le problème de la pollution marine.

Par Noémie Maurel

La pollution plastique marine est une problématique récurrente pour les pays d’Asie. Selon une étude de Jenna Jambeck, il est estimé que chaque année, l’Indonésie génère à elle-même 3.2 millions de tonnes de déchets plastiques non gérées dont 1.29 millions se retrouvent dans les océans [1.1]. Cela représenterait 16% de la pollution plastique marine global [1.1]. Toutefois, il est surprenant d’apprendre que la consommation de plastique, par an, en Indonésie est beaucoup plus faible que dans d’autres pays [1].

Pourquoi tant de plastiques ?

De manière générale, deux facteurs sont susceptibles de faire augmenter le taux de déchets d’un pays : sa croissance économique et sa démographie. Depuis les années 1960, l’Indonésie connaît une croissance économique soutenue, favorisant l’industrialisation et l’urbanisation du pays notamment vers les côtes, où y résident à présent environ 185 millions d’habitants [1]. Par ailleurs, le « throwaway habit » est un symptôme qui s’est installé au sein de la population [2.1], n’arrangeant pas la situation. En outre, les activités touristiques poussent à la consommation et deviennent à la fois une bénédiction, au niveau économique et une malédiction au niveau de la pollution. En 2017, celles-ci correspondaient à 19.4 milliards de dollars US du PIB indonésien [1.2], soulignant la dépendance du pays à ce secteur.

Plage à Sumatra

Plage à Sumatra. Source : AFP / Manilla Bulletin, 2019

Combiné avec un mauvais système de gestion et d’élimination des déchets qui ne couvre que 47.35% de la population, la situation ne fait qu’empirer [2.1]. De plus, l’Indonésie connaît une certaine limite quant à ses capacités de réduction à la source, le manque de terrain et le manque de ressources financières, alors que cela s’avérerait être la solution la plus efficace [3].
Pour finir, les courants océaniques peuvent entrainer des déchets vers les côtes de l’Indonésie, d’autant plus qu’elle se situe en plein milieu d’un carrefour maritime très emprunté [1]. L’enjeu pourrait être résolu par une coopération régionale plus significative à ce sujet.

 

Impacts environnementaux :

Les problèmes environnementaux que cet enjeu pose sont urgents. Premièrement, parce que la pollution est une menace qui ne respecte pas les frontières, encore moins la pollution marine. Ainsi, la pollution émise par l’Indonésie menace la plus grande diversité marine au monde qu’abrite l’Asie du Sud-Est, dont le triangle de corail [4]. En effet, les coraux peuvent en mourir d’empoisonnement dû à la toxicité du plastique, certaines espèces l’ingèrent et en meurent, surtout s’il s’agit de microplastiques*, ou alors s’enroulent dedans et grandissent avec des malformations [5]. De plus, il est estimé que de nombreuses espèces disparaissent avant même d’être découvertes [4]. Par ailleurs, les ressources marines indonésiennes constituent un moyen stratégique de subsistance pour les populations touchées [5]. Rien qu’en Indonésie, des débris plastiques ont été retrouvés dans 20% des poissons pêchés commercialement [5.1]. Ainsi, les déchets plastiques mais surtout les microplastiques peuvent potentiellement contaminer l’entièreté de la chaine alimentaire aquatique, du niveau trophique le plus bas au plus haut [2]. Il est aussi noté que cette pollution peut considérablement dégrader la qualité des ressources en eau, notamment les rivières, dont la majorité des populations en grandes villes se servent comme source d’eau « potable » [2.1].

En ce qui concerne la gestion et la protection de l’environnement aux niveaux national et infranational, l’Indonésie connaît deux grandes difficultés. Premièrement, le budget alloué est plutôt faible et n’accorde pas assez de ressources financières au niveau des gouvernements locaux pour avoir un impact important sur la situation [1]. En outre, le chevauchement d’autorité entre le niveau provincial, régional et des districts affaiblissent la mise en oeuvre déjà faible des lois existantes [1]. D’autant plus que le peu de législation qui encadre l’enjeu de la pollution plastique marine ne précise pas les mesures à prendre contre les microplastiques, laissant ouvert une grande faille du problème [1].

Solutions : Le cas de Gili Trawangan 

Membre de la Fiducie GET

Membre de la Fiducie GET Source : Gili Eco Trust, 2019

Sur l’île de Gili Trawangan, la gestion et le recyclage des déchets ont trouvé une voix à travers la coopération entre initiatives communautaires locales (FMPL) et une fiducie née des activités touristiques de l’île (GET) [3]. Le FMPL (Forum Masyarakat Peduli Lingkungan) est un groupe de citoyens s’étant affirmé en tant que gestionnaire des déchets lorsque la pollution plastique marine et des sols devint un problème de taille, c’est à dire quand le tourisme évolua en un secteur financier important [3]. Il est aussi chargé de la planification et de la gestion aux côtés de GET, ainsi que de négocier avec le gouvernement quant à l’obtention de plus de moyens. La GET (Gili Eco trust) est une fiducie regroupant des propriétaires de magasins de plongée sous-marine ainsi que de membres indonésiens et occidentaux, préoccupés par la dégradation de l’environnement marin [3]. Elle est aussi chargée de faciliter la gestion des déchets, la planification, favorise la sensibilisation et l’éducation à ce sujet. Ce partenariat permet au FMPL d’obtenir un soutien financier grâce à une taxe de 50.000 Rp que la GET perçoit sur ses activités touristiques [3.1].

Le succès de cette stratégie est telle que ses normes en matière de gestion des déchets dépassent les normes indonésiennes globales [3]. L’exemple de Gili Trawangan est donc preuve qu’il est possible de trouver des stratégies adaptées aux dynamiques, commerces et communautés lorsque l’initiative vient du bas et qu’elle est mise en oeuvre à petite échelle.

*Selon sa taille, les débris plastiques peuvent être classés en macroplastique (> 5 mm), mésoplastique (5 mm à 2,5 cm) et microplastique (< 5 mm) [2.2]

Nombre de mots : 894.

[1.1](Garcia, Fang et Lin 2019, 28)
[2.1](Lestari et Trihadiningrum 2019, 2)
[1.2](Garcia, Fang et Lin 2019, 29)
[5.1](Lasut et al. 2018, 110)
[3.1] (Willmott et Graci 2012, 23)
[2.2] (Lestari et Trihadiningrum 2019, 1)


Bibliographie :

[1] Garcia, Beatriz, Mandy Meng Fang, Jolene Lin. 2019. « Marine Plastic Pollution in Asia: All Hands on Deck ! », Chinese Journal of Environmental Law, vol 3, (no 1) : 11-46.

[2] Prieskarinda, Lestari, Yulina Trihadiningrum. 2019. « The impact of improper solid waste management to plastic pollution in Indonesian coast and marine environment ». Marine Pollution Bulletin, vol 149 : 1-9.

[3] Willmott, Lacey, Sonya R Graci. 2012. « Gestion des déchets solides dans les destinations insulaires de petite taille : étude de cas sur Gili Trawangan, en Indonésie ». Téoros : 21-26.

[4] Lasut, Markus T., Miriam Weber, Francisco Pangalila, Natalie D. C. Rumampuk et al. 2018. « From Coral Triangle to Trash Triangle—How the Hot spot of Global Marine Biodiversity Is Threatened by Plastic Waste », Proceedings of the International Conference on Microplastic Pollution in the Mediterranean Sea : 107-113.

[5] Prisandani, Ulya Yasmine, Lufthia Amanda Adzhana. 2020. « The Importance of Regulating Plastic Marine Pollution for the Protection of Indonesian Marine Environment ». Yuridika, vol 35, (no 1) : 171-185

 

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