Fusion des mouvements nationaux et communistes dans le Vietnam colonial

Source image: Indomémoirespar Charles Castonguay

Notre réflexion face au communisme vietnamien se porte, plus souvent qu’autrement, sur le symbole d’Ho Chi Minh et la lutte des Viêt-Cong face aux américains. Cependant, ce biais de notre conformisme historique occidental nous fait souvent passer à côté des origines particulières de ce mouvement et de son rôle central dans l’accès à l’indépendance du pays face à la France du temps de l’Indochine. En effet le Vietnam fut le théâtre de la convergence des mouvements marxistes et nationalistes lorsque vint le temps pour le peuple vietnamien d’accéder à son indépendance de la France. Comment expliquer la fusion de ces deux idéologies, comment l’Indochine française devint un terreau fertile de luttes communistes à travers sa lutte pour la souveraineté?

C’est au cours de la décennie 1930-40 que le communisme vietnamien s’implanta solidement avec notamment la création du Parti communiste Indochinois. À la fois produit et déclencheur d’une dynamique politique historique et complexe, le Parti est venu recentrer le discours du mouvement national vietnamien sur un axe marxiste en s’enracinant autour des différentes luttes sociales, souvent issues de milieux paysans, déjà fortement actives depuis la fin des années 1920. (Hemery, 1977, pp : 2-3-4).

En tentant d’implanter, dès 1930, des soviets dans les régions rurales (Hemery, 1977, p :5), les communistes vietnamiens vont rapidement s’attirer les foudres des autorités coloniales françaises. Ne pouvant se permettre de perdre l’Indochine en ces temps de récession mondiale, la France enclenchera de fortes vagues de répression. Cette dernière n’aida en rien la situation difficile des paysans vietnamiens qui étaient déjà aux prises avec une forte crise agraire. Ce terrain fertile de mobilisation, nourri par la dureté répressive française et la situation de sous-développement qu’avait amené les inégalités du régime colonial, contribua à l’expansion rapide du mouvement communiste, notamment dans la région du Nghe-Tinh.

 

Le cas du Nghe-Tinh :

Source image: wikipedia

Ancienne province indochinoise, le Nghe-Tinh offre un très bon microcosme à étudier afin de mieux comprendre la situation insurrectionnelle vietnamienne en général. Particulièrement dans le sens où l’expression première de ses phases d’insurrections ne résulta pas de l’expansion volontaire du bolchévisme international dans la région mais bien d’une révolte populaire locale, alimentée par plusieurs circonstances propres au contexte régional et historique. (Brocheux, 1977, pp : 4 à 7).

Possédant un historique insurrectionnel depuis la fin du XIXème siècle face au pouvoir colonial français, la région du Nghe-Tinh fut le théâtre d’une mobilisation accrue des milieux prolétaires, ruraux comme citadins, de la part du Parti communiste dès l’année 1930. Cette tendance à ratisser large, dans tous les milieux touchés par la situation économique difficile et les abus du pouvoir colonial aura tendance à créer un front commun populeux, certes, mais au fur et à mesure que les alignements marxistes des révolutionnaires se firent connaître, on remarqua un retrait de la petite bourgeoisie locale de la lutte, préférant le statuquo colonial. Cet écrémage réduira la force de frappe du mouvement révolutionnaire communiste mais contribuera à une homogénéisation idéologique du mouvement, ce qui lui servira dans les luttes à venir. Frappés de concert par une forte répression française et par une famine, point culminant de la crise agraire des dernières années, au cours de l’année 1931, les militants des milieux paysans du Nghe-Tinh délaissèrent l’aspect politique du mouvement pour se concentrer sur une lutte de survie. (Brocheux, 1977, pp : 4-5-15).

Ce retrait des classes plus aisées de la lutte et l’abandon de la politisation du mouvement par les paysans du Nghe-Tinh permit au Parti communiste Indochinois de tirer une leçon cruciale concernant le moyen de mener le combat dans la région. En misant sur le sentiment grandissant de rejet des forces coloniales par le peuple vietnamien, l’amalgame réussi des mouvements de revendication nationale et communiste s’opéra par la popularisation du rapprochement des représentants des classes plus aisées et coloniales. Le mouvement de libération de l’Indochine ne sera donc plus dirigé seulement vers l’envahisseur, comme précédemment, mais également contre tout ce qui put profiter de sa présence. L’évolution du communisme vietnamien sur des bases nationales sera donc marquée par cet amalgame, que l’on put déduire de la lutte au Nghe-Tinh. (Brocheux, 1977, pp : 25 à 27).

 

Le communisme vietnamien, organisateur de la libération nationale :

La fusion peu commune entre le mouvement communiste vietnamien et son homologue nationaliste permet de nous pencher sur la grande capacité mobilisatrice d’un peuple à l’historique militant contre l’occupant, quel qu’il soit. En effet, le peuple vietnamien, malgré sa répartition géographique étendue possède un grand esprit de cohésion sociale et culturel, alimenté par un historique de lutte contre plusieurs envahisseurs étrangers. C’est cette cohésion qui facilitera la pérennité du mouvement communiste malgré les épreuves difficiles que le pays traversera au cours d’un 20ème siècle particulièrement sanglant pour lui. Même lors de la partition en 1954 du Nord et du Sud, le mouvement communiste vietnamien perdura, tant dans les villes que dans les campagnes, s’assurant d’une authenticité rassembleuse dans cet optique de libération tous azimuts. (Chesneaux, 1969)

 

 

Biliographie :

1 : Brocheux, P. (1977). L’implantation du mouvement communiste en Indochine française: le cas du Nghe-Tinh (1930-1931). Revue d’histoire moderne et contemporaine (1954-)24(1), 49-77.

 

2 : Chesneaux, J. (1969). Fondements historiques du communisme vietnamien. L’Homme et la société14(1), 83-98.

 

3 : Hémery, D. (1977). Aux origines des guerres d’indépendance vietnamiennes: pouvoir colonial et phénomène communiste en Indochine avant la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement social, 3-35.

 

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