Régime politique et développement

 

caricature: nytimes.com

Depuis son indépendance en 1948, la Birmanie a connu autant de constitutions que de gouvernements et de régimes politiques. Cette alternance tient de la volonté des autorités de mettre en place un régime favorable au développement économique du pays, qui connait depuis lors une profonde misère. La relation de dépendance entre les régimes politiques et le développement qui en découle, donne de se demander quel type de régime politique est à même de favoriser le développement de la Birmanie? En quoi le régime actuel est-il si défavorable au développement?

La double expression des institutions Birmanes

Les institutions politiques ont une influence certaine sur le train quotidien des populations, si bien que leur développement social, politique et économique peut en dépendre. Le régime politique détermine les règles et les normes qui régissent la vie dans une société (Prévost 2014,10). Il est donc normal que l’on se demande pourquoi le parlementarisme birman, consolidé par la transition de mars 2011, n’a toujours pas favorisé son émergence. Puisque généralement, les régimes parlementaires produisent des sociétés développées.

Le parlementarisme Birman

Le problème vient de ce que les constitutions qui façonnent l’identité de la Birmanie lui donnent une allure fortement parlementaire, pourtant il n’en est rien. Ainsi, celle de 2008 comme la « transition » de 2011 ne sont en réalité que des « trompe-l’œil » dont l’objectif semble la séduction de la communauté internationale en vue de l’assoupissement des sanctions qui pèsent déjà sur l’économie birmane.

Car le fait que la constitution de 1947 consacre la république de l’« union » du Myanmar atténue d’emblée tous les effets du parlementarisme, puisque d’une part elle n’intègre pas les minorités non birmanes (Courdy 2004,42) et d’autre part la connotation présidentielle ou semi-présidentielle du vocable « république » est assimilable à Janus. Cela est d’autant plus incontestable que la république prône et légitime l’usage de la dictature dans sa recherche d’un civisme vertueux. (Badie, Hermet …277-278)

La dichotomie entretenue par l’élite politique birmane n’a d’autre but que la promotion pure et simple du nationalisme birman qui entretient de facto l’exclusion manifeste d’une tranche de sa population. Sinon comment comprendre, bien au-delà de la constitution de 2008 qui donne aux membres de la junte de conserver des instruments légaux d’intervention dans le champ politique, que le gouvernement dit d’ouverture depuis la supposée transition attribue des postes clés aux membres de ladite junte majoritairement constituée de Bamar ? (Egreteau 2013,12)

Cette ambivalence qui trahit l’inconsistance des institutions birmanes ne peut offrir aux citoyens l’expression libre des régimes parlementaires, en raison de l’imposante présence de l’armée dans toute la sphère politique et administrative. L’armée pour assurer le contrôle de l’appareil législatif occupe 25% des sièges dans chaque assemblée législative (Egreteau 2013,19). La Birmanie apparait donc plus comme un régime militaire qu’un régime parlementaire, ce mélange de facteurs militaires et parlementaires en font donc un parlementarisme militaire violent et restrictif des libertés individuelles.

Quel régime pour la rédemption de la Birmanie?

Les restrictions imposées par le parlementarisme militaire favorisent l’émergence des institutions exclusives, la Birmanie pour son développement doit miser sur le parlementarisme libéral qui repose sur le principe de la responsabilité du gouvernement.

Le parlementarisme libéral

Ce régime politique qui attribue d’importants pouvoirs au parlement d’où viennent le premier ministre et son gouvernement, élus et susceptibles d’être révoqués par le parlement, est approprié pour le développement de la Birmanie repliée sur elle-même et ne laissant aucune place pour l’innovation. Ce qui la réduit à une dépendance systématique vis-à-vis de la Chine malgré son potentiel en ressources énergétiques, ce, à l’ère de la mondialisation où la concurrence et les rivalités sont perçues comme des signaux d’ambition et d’audace vers plus de liberté.

Cependant, la rareté d’ententes internationales et l’absence d’investissements étrangers traduisent la précarité de la politique étrangère Birmane qui ne peut lui donner une audience au sein de la communauté internationale, une situation qui reflète la misère des populations. Il ne peut en être autrement puisque la politique étrangère comme le dit Marcel Merle, n’est en réalité que la partie de l’activité étatique tournée vers le dehors, en opposition à la politique intérieure. La politique étrangère apparait donc comme le prolongement de la politique intérieure (Merle 1984, 7). Si donc cette dernière souffre, on ne peut en espérer mieux de la politique étrangère.

La prééminence de la politique intérieure sur la politique extérieure ne souffre d’ailleurs d’aucune contestation, tel que le révèle la pratique. Car le fait qu’en 2015 par exemple, en contestation des actions du président américain d’alors sur la question du nucléaire Iranien, le premier ministre Israélien est reçu par le congrès Américain, illustre bien cette réalité et présente le congrès comme le siège du pouvoir. Une réalité reconnue aux régimes parlementaires fondés sur le contrôle de l’exécutif.

Tout cela conforte la thèse selon laquelle la Birmanie a besoin pour son développement effectif, des régimes politiques qui favorisent l’émergence des institutions inclusives et qui par-dessus tout, contrôle l’exécutif et non l’inverse comme c’est encore le cas en Birmanie où la junte dont les membres déguisés en civils exercent un contrôle sur tout l’appareil législatif.

Il y’a lieu de dire que la Birmanie a toutes les potentialités pour amorcer son développement. Car si l’Afrique du Sud, société multi-ethnique où la violence d’un régime totalitaire a atteint en son temps son rubicon est parvenue à se développer, c’est en réalité grâce aux aménagements institutionnels qui ont favorisé l’avènement de la démocratie libérale à travers les institutions inclusives.

Bibliographie

Courdy, jean-claude. 2004. Birmanie (Myanmar) :la mosaïque inachevée. Paris : Belin

Egreteau, Renaud. 2013. « Vers une recomposition de l’espace politique en Birmanie? », Les études du Ceri, No 197, PP.1-33

Hermet,Guy, Bertrand Badie, pierre Birnbaum et Philippe Braud. 2015. Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques.8èmeédition.Paris :Armand Colin

Jean-Louis Thiébault.2006. « Les périls du régime présidentiel », « Revue internationale de politique comparée »(Vol. 13), No 1, p. 95-113.

Marcel, Merle.1984.La politique étrangère. Paris :Presses Universitaires de France (PUF)

Philippe, Prévost.2014. « Les effets de régime et de la politique commerciale sur le développement », Université d’Ottawa 15 juillet :53

Webographie

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