Patrimoine sous surveillance : le Cambodge

Par Sophianne Do

Un désir de profiter des vacances tant méritées? Billet d’avion avoisinant les 1000$ mais avec la possibilité de louer des logements de luxe moyennant les 50$ par nuit? Le Cambodge est une destination de l’Asie du Sud-Est qui est particulièrement populaire auprès des visiteurs étrangers. La capitale, Angkor, ainsi que les sites de Siem Reap et Phnom Penh sont les vedettes nationales touristiques. En essayant de vendre ces rêves de merveilleuses contrées lointaines au prix abordable, il est plus facile de nos jours d’attirer une nouvelle clientèle touristique dans son pays, à condition de créer l’image parfaite qui saura enchanter les étrangers. Engendrant une quantité considérable de revenus, la mondialisation pousse le secteur touristique cambodgien vers des sommets jamais atteints auparavant : le tourisme occupe désormais 26% du PIB national en 2012 (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 2014). Cela vient évidemment avec son lot de conséquences. Pourquoi la mondialisation du tourisme a-t-elle un impact négatif sur la préservation des sites et laisse-t-elle peu de place à l’amélioration sociétale?

Impacts environnementaux

Sachant que le Cambodge possède deux saisons distinctes, soit la saison des pluies (appelée la mousson d’été) et la saison hivernale, cela a une influence sur les périodes touristiques durant lesquelles les touristes arrivent, et l’environnement autour des sites les plus visités en est directement affecté. Commençons par la région de Siem Reap, qui est le cœur touristique cambodgien. Le tourisme crée des emplois et des opportunités, ce qui pousse les populations des campagnes à se diriger vers les villes. Dans le cas de Siem Reap, l’urbanisation, particulièrement durant la saison sèche, cause des dommages environnementaux (Mekong River Commission. 2010, 28). Puisque la grande ville se développe à une vitesse surprenante, les services municipaux ne sont pas complètement développés. Conséquences? Les déchets s’accumulent, les cours d’eau sont infectés et les égouts sont mal entretenus. La rivière de Siem Reap en est la principale victime.

Angkor Wat, aussi connu sous le nom d’Angkor Park, est le site touristique par excellence et représente un symbole incontournable du Cambodge. Possédant un patrimoine culturel d’une richesse incroyable, ce site est toutefois menacé par l’assèchement souterrain. Angkor Park est construit sur le sable : les hôtels de luxe environnants prennent l’eau qui sert à stabiliser la structure du site (Doherty 2010). Le problème avec l’industrie touristique au Cambodge est que les concurrents deviennent très compétitifs autour de ces temples symboliques. Le gouvernement encourage la venue des touristes mais néglige un aspect : bien que les hôtels, les restaurants et autres services se développent autour de ces temples, ces derniers ont une capacité de visiteurs limitée. Sachant que les flux touristiques varient au courant de l’année et que le nombre de visiteurs d’Angkor Wat atteint les 700 000 personnes annuellement, cela pose beaucoup de stress quant à la capacité maximale d’accueil du site (Soubert et Hay 1995, 22). Ce qui est le trésor culturel national est inutilement mis en danger, au profit de revenus touristiques.

 

Impacts sociologiques

Qui dit urbanisation dit inégalités. Ces dernières sont de plus en plus proéminentes au fur et à mesure que les populations rurales se déplacent vers les régions urbaines pour y trouver du travail. Les disparités salariales entre la campagne et la ville créent un fossé entre les riches et les pauvres. Le secteur touristique, requérant directement plus de 500 000 employés cambodgiens, a également un impact sur les secteurs primaire et secondaire (CIA 2017). Quelques impacts sociologiques importants s’expliquent par le fait que les activités économiques du Cambodge se basent sur le dollar américain pour leurs transactions. Si le dollar est faible, les touristes pourront profiter des institutions locales en payant un prix plus bas que celui indiqué par le marché, prix déjà bas comparativement aux sociétés occidentales développées. Cela a pour effet d’encourager des pratiques illégales telles que l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, puisque ceux ayant recours à leurs services peuvent en profiter à un prix qui, selon le point de vue, est plus avantageux. Qui dit prix bas, dit hausse de la demande (Ericson et Rönning 2008, 42).

À l’avenir

Somme toute, le tourisme a été le moteur de l’économie cambodgienne, mais risque d’être ce qui mènera à sa perte. Avec le flux de touristes qui occupe le pays, les familles locales vont travailler pour ce secteur économique, en espérant mener une meilleure vie. Est-ce que vraiment le cas? Non seulement les avantages sociaux ne sont tous pas bénéfiques, mais cela contribue à détériorer les sites historiques qui sont les plus populaires parmi les visiteurs. La mondialisation a des conséquences sur le tourisme international, pouvant être abordées de façon positive et négative. Sachant que le tourisme occupe une place importante au sein de l’économie cambodgienne, si le gouvernement ne veut pas mettre en suspens les visites des temples historiques comme le Pérou l’a fait pour le Machu Picchu pour cause de restauration, il a tout intérêt à trouver un moyen afin de contrôler le nombre de visiteurs, tout en réinvestissant les profits engendrés pour la conservation des lieux.

 

 

Bibliographie

Central Intelligence Agency. 2017. « East & Southeast Asia ». Dans The World Factbook. En ligne. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/cb.html (page consultée le 23 mai 2017).

Ericson, Emma et Anette Rönning. 2008. Sustainable Tourism Development in Cambodia : A report about positive and negative effects of international tourism. Thèse de baccalauréat. Faculty of Social and Life Sciences. Karlstads Universitet.

Doherty, Ben. 2010. « Private water raiding threatens Angkor’s temples built on sand ». Dans The Guardian. En ligne. https://www.theguardian.com/world/2010/sep/27/water-raiding-threatens-angkor-wat (page consultée le 23 mai 2017).

Mekong River Commission. 2010. « An assessment of environmental impacts of tourism in the Lower Mekong Basin ». Dans MRC Technical Paper. En ligne. http://www.mrcmekong.org/assets/Publications/technical/Tech-No28-An-essessment-of-Env.pdf (page consultée le 21 mai 2017).

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. 2014. Les relations économiques franco-cambodgiennes. En ligne. https://kh.ambafrance.org/Les-relations-commerciales (page consultée le 22 mai 2017).

Soubert, Son et Suong Leang Hay. 1995. « Case Study on the Effects of Tourism on Culture and the Environment ». Dans RACAP Series on Culture and Tourism in Asia. En ligne. http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001226/122618eo.pdf (page consultée le 21 mai 2017).

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