Singapour: la piraterie maritime… signe de faiblesse?

Par Mohamed Aidibé 

            La piraterie maritime, différente du banditisme maritime, n’est en aucun cas un signe de faiblesse de la part de Singapour. Vu que l’économie de Singapour se base sur le commerce maritime, la piraterie maritime peut paraître comme une brèche dans le système de défense de Singapour. Mais la réalité est loin de là. L’ampleur des zones maritime à sécuriser rend une protection totale face aux attaques presque impossibles. Dans ses eaux territoriales, Singapour contrôle bien la situation par l’entremise de ses forces armées. C’est dans les eaux internationales que le défi paraît être le plus important. Mais ce défi a des répercussions, non seulement sur les pays entourant le détroit de Malacca, mais aussi d’autres pays qui voient leurs cargaisons passer par cette route devenue aujourd’hui un nerf névralgique de l’économie mondiale.

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Piraterie ou banditisme maritimes?

«La piraterie doit se distinguer du banditisme maritime comme l’a défini l’Organisation Maritime Internationale (International Maritime Organization). Ces deux actes se différencient  par leur nature géographique. Si l’attaque se déroule dans les mers territoriales, on parlera de banditisme maritime; par contre, si cette dernière a lieu en haute mer, on  nommera cela de la piraterie.»[i]

L’Ai Maru (navire japonais) était seul sous un ciel de nuit, le 14 juin, quand un hors-bord (petit bateau à grande vitesse) s’approcha à grande vitesse du camion-citerne à environ 30 miles au large des côtes de la Malaisie. À 21h15, sept hommes armés grimpèrent sur le côté du navire, brisèrent les portes d’accès, attachèrent les membres d’équipage en usant de la force (armes) et défoncèrent l’équipement de communication de l’Ai Maru. Les assaillants ont ensuite dépouillé les 13 membres d’équipage de leurs effets personnels, les ont enfermés dans une pièce et ont passé les prochaines heures à faire le “vrai travail” à portée de main: voler la cargaison. Un deuxième pétrolier, celui piloté par plusieurs pirates, s’approcha du navire. Les pirates ont alors siphonné un total de 620 tonnes de gazole marines d’Ai Maru vers leur propre navire[ii].

Voici ce qui résume la piraterie marine moderne. Mais le problème est que des pays comme le Japon et la Chine dépendent fortement d’un des carrefours maritimes les plus importants au monde, le «détroit de Malacca». «La majorité des importations de pétrole de la Chine arrivent par mer et 77% passent à travers le goulot d’étranglement stratégique du détroit de Malacca. Par conséquent, la Chine développe un oléoduc terrestre qui traverse les montagnes de l’Asie centrale et le Caucase.»[iii] «Au total ce sont 30% des importations alimentaires du Japon qui transitent par le détroit de Malacca en provenance de l’UE ou de l’Inde. La qualification du détroit comme d’un intérêt vital reprend ainsi son sens premier.»[iv]

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Comment fait face Singapour à la piraterie maritime? 

            Vu l’ampleur du défi, seul, Singapour ne pourrait y faire face. Les patrouilles marines ainsi que toute la logistique nécessaire pour contrer ce problème sont toutes simplement colossales. «Une patrouille revient environ entre 4000 et 9000 dollars par journée et par bateau.»[v] Puisque ce problème affecte, non seulement les pays de la région, mais aussi d’autres (dont les cargaisons et les navires sont attaqués), on assiste à une coopération régionale et internationale.

Singapour, Malaisie et Indonésie…la coopération:

«Le détroit de Malacca devient peu à peu un espace de coopération entre l’Indonésie, Singapour, la Malaisie auquel se rajoute la Thaïlande en 2008. Grâce à une triple surveillance militaire à la fois aérienne, marine et de renseignements entre les États, les premiers effets en matière de lutte contre la piraterie se font ressentir. De 2005 à 2008, cette dernière diminue fortement dans le détroit de Malacca et sur les côtes indonésiennes notamment l’île de Sumatra. Elle passe de 79 à 28 attaques annuelles pour l’Indonésie et de 19 à 9 attaques pour le détroit de Malacca.»[vi]

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International:

«Des puissances extérieures apportent à leur tour un soutien, généralement parce qu’elles subissent les méfaits de la piraterie en Indonésie et plus particulièrement dans le détroit de Malacca. Pour un armateur étranger, le coût d’une attaque de pirates est énorme. Selon la fondation américaine et d’après les estimations d’Oceans beyond piracy, il s’élèverait à 460 millions de dollars chaque année. Le Japon et les États-Unis ont participé à la formation de patrouilles indonésiennes. Ils ont financé des radars, des bateaux modernes et des patrouilles mobiles. Les grands voisins émergents aident à leur tour l’Indonésie. La Chine et l’Inde offrent des patrouilles et participent à des actions conjointes.»[vii]

 

Au niveau de la communauté internationale, quel organisme est responsable de la lutte contre la piraterie?

«B.M.I. et O.M.I., acteurs historiques de la lutte contre la piraterie: Le B.M.I., créé en 1981, et qui dépend de la Chambre Internationale du Commerce, est en charge de la lutte contre la piraterie et plus généralement de « toutes les pratiques illégales en mer ». Ce sont ses travaux qui font aujourd’hui référence. C’est le B.M.I. qui édite, périodiquement, de très intéressants rapports sur la piraterie dans le monde, en ligne sur Internet (www.icc- ccs.org). L’O.M.I., quant à elle, est en charge des problèmes relatifs à la sûreté́ de la navigation et son rôle est essentiellement réglementaire. Elle se compose d’une assemblée, d’un conseil et de cinq comités dont le Maritime Safety Committee (M.S.C.), qui collabore avec le B.M.I. sur la piraterie. L’action majeure du B.M.I. et de l’O.M.I., associés à INMARSAT reste la mise en place du Centre Régional de la Piraterie (Piracy Reporting Center, P. R. C.), en 1992. Basé dans les bureaux du B.M.I. de Kuala Lumpur, le P.R.C. joue un rôle opérationnel, notamment dans la recherche et l’assistance aux navires détournés.»[viii]

            L’amplification de la piraterie maritime est le résultat de l’émergence économique de cette région du monde. Pour Singapour cela a un effet important sur une économie qui se base sur le commerce maritime. Mais puisque ce problème touche les intérêts vitaux de plusieurs des grandes puissances économiques mondiales, nous voyons l’émergence d’une coopération qui s’internationalise. Donc, cette question de piraterie maritime n’est pas un signe de faiblesse de la part de Singapour, mais le résultat «normal» de l’émergence d’une région en tant que hub du trafic maritime.

 

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References

[i] http://torredibabel.com/2013/09/16/le-detroit-de-malacca-un-haut-lieu-de-la-piraterie-maritime-dans-le-monde/

[ii] http://www.cnbc.com/id/101969104#.

[iii] https://economics.rabobank.com/publications/2013/october/the-driving-forces-behind-chinas-foreign-policy-has-china-become-more-assertive/

[iv] http://www.memoireonline.com/04/11/4452/m_Le-detroit-de-Malacca-enjeu-asiatique-et-mondial-majeur1.html

[v] http://torredibabel.com/2013/09/16/le-detroit-de-malacca-un-haut-lieu-de-la-piraterie-maritime-dans-le-monde/

[vi] Ibid

[vii] Ibid

[viii] http://www.er.uqam.ca/nobel/cepes/pdf/BULL72.pdf

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Bibliographie

David Shambaugh, Chapitre 7 China’s Global Security Presence, China Goes Global, Toronto, Oxford, 2013, p. 269-306.

Institut des études internationales de Montréal. 2004. En ligne. http://www.er.uqam.ca/nobel/cepes/pdf/BULL72.pdf (site consulté le 13 novembre 2014)

Menindes Arnaud. 2014. En ligne. http://www.memoireonline.com/04/11/4452/m_Le-detroit-de-Malacca-enjeu-asiatique-et-mondial-majeur1.html (site consulté le 14 novembre 2014)

Economic Research Departement. 2013. En ligne. https://economics.rabobank.com/publications/2013/october/the-driving-forces-behind-chinas-foreign-policy-has-china-become-more-assertive/ (site consulté le 13 novembre 2014)

Rassaert Charles. 2013. En ligne. http://torredibabel.com/2013/09/16/le-detroit-de-malacca-un-haut-lieu-de-la-piraterie-maritime-dans-le-monde/ (site consulté le 13 novembre 2014)

CNBC. 2014. En ligne. http://www.cnbc.com/id/101969104#. (site consulté le 14 novembre 2014)

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