Le colonialisme néerlandais et le nationalisme indonésien

Par Clément Rivière,

Un mouvement national est par définition un mouvement unificateur qui tend à exprimer les tendances d’une réalité nationale en formation [1]. Mais dans cet archipel où s’oppose différentes préoccupations vis à vis de la colonisation, le mouvement nationaliste indonésien rencontre une multitude d’organisations, ce qui retarde la formation d’une unité nationale contre les hollandais.

À partir du XVIe siècle la Hollande devient une véritable puissance hégémonique avec l’une des plus puissantes forces maritimes. Les hollandais vont se démarquer des autres empires coloniaux, vis à vis de la conquête territoriale, puisque celle-ci se fait par le biais de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), créée en 1602. Elle est pendant près de deux siècles l’un des piliers de la puissance capitaliste et de l’impérialisme néerlandais [2]. En effet, les marchands hollandais s’entendent pour établir une grande compagnie commune de manière à lancer l’expansion commerciale. Le déclin maritime du Portugal permet à la VOC de s’étendre pour le contrôle du territoire. Ainsi, la colonisation passe premièrement par la mise en place d’une série de comptoirs commerciaux et se fait par l’appui des pouvoirs locaux représentés par les Sultans [3]. Mais plus le pouvoir de la compagnie devient important et plus les rebellions locales se mettent en place.

Un grand changement a lieu à la fin du XVIIIe siècle quand la couronne hollandaise veut nationaliser la multinationale. Le droit d’exploitation de la VOC n’est pas renouvelé et c’est l’État qui prend le contrôle de l’archipel indonésien à partir de 1800 [4]. L’administration hollandaise préserve dans un premier temps l’ordre traditionnel. C’est à dire que le pouvoir reste dans les mains des Sultans locaux qui jouent le rôle d’intermédiaire avec la puissance étrangère. Cependant, la force colonisatrice recherche le profit et assurer le maintient des traditions devient très couteux. Dès lors, la couronne hollandaise crée une administration bureaucratique et cherche à étendre son contrôle sur le territoire [5].

La bureaucratie commence à employer de jeunes bureaucrates indonésiens qui vont être déplacés, au fur et à mesure, autour de l’espace colonial pour qu’ils ne puissent avoir le temps de sympathiser avec les locaux. Or, en sortant de leurs communautés, ces jeunes vont commencer à s’imaginer un Nous indonésien. La construction d’un mouvement nationaliste, s’opposant au régime hollandais, émerge avec la frustration de ces fonctionnaires locaux qui, malgré avoir travaillé excessivement fort, n’ont pas vraiment été promu par l’administration coloniale [6]. Ce mouvement réformiste, en réaction aux abus hollandais, va connaître différentes phases.

La première est marquée par la coopération. Les mouvements nationaux vont demander en premier lieu, l’accès à l’éducation, pour améliorer le statut des indonésiens à l’intérieure de la colonie. Ainsi, avec la création d’écoles, on voit se créer un premier mouvement réformiste dès 1910 qui est divisé en trois tendances : le Sarekat Islam privilégiant les questions économiques pour la population musulmane, le Muhammadiyah regroupant plusieurs modernistes musulmans, et le Isvd formant un groupe marxiste plus radical. Dès 1912, c’est le Sarekat qui devient un mouvement de masse avec pour volonté de collaborer avec l’administration coloniale, dans le but d’obtenir des concessions [7].

Les hollandais répondent favorablement en créant une première élection au sein des Indes orientales néerlandaises, en 1917. Mais la seconde phase commence, celle de l’opposition radicale, et se crée une résistance avec la création d’un bloc nationaliste. Étant donné que la prise de décisions reste le fruit des colons hollandais, les indonésiens se radicalisent. Les activités politiques sont marquées par la formation du Parti Communiste indonésien (PKI), au début des années 1920, et par l’arrestation de plusieurs militants par les hollandais. On voit émerger de nombreux soulèvements populaires et se crée plusieurs cellules nationalistes au niveau local [8].

Dès lors, le régime hollandais resserre son contrôle du territoire et la répression armée va être de plus en plus forte à partir de 1925. C’est alors que commence la troisième phase, celle de la non coopération. Et, l’opposition au régime s’organise selon différentes logiques : celle de l’Islam avec le fonctionnement des madrasas (écoles musulmanes) et celle des étudiants indonésiens, avec l’émergence des grands leaders nationalistes, dont Sukarno, qui mélangent l’islam, le nationalisme et le marxisme [9].

La dernière phase est dut à l’unification des mouvements nationalistes devant le refus des autorités hollandaises de collaborer avec la résistance indonésienne contre l’impérialisme du Japon. La révolte contre la puissance colonisatrice se fait sentir, et avec l’arrivée des japonais, les nationalistes vont pouvoir chasser les hollandais, affaiblis par la montée du fascisme. En même temps, on assiste à une multiplication des mouvements de résistance avec l’émergence de milices locales, luttant contre les japonais, qui vont être les pionniers de l’État Nation indonésien. Après la défaite des japonais, l’indépendance est proclamée en 1945, par Sukarno qui devient le premier président, mais les hollandais reviennent pour tenter de se réapproprier l’Indonésie. Donc, la résistance s’organise et mène une guerre de guérilla, pendant quatre ans, contre les hollandais [10].

Suite à la révolution, la souveraineté du territoire revient finalement à la République d’Indonésie, en 1949, dont le chef d’État est Sukarno, et les premiers dirigeants vont donc être les nationalistes qui se sont battus à la fois contre les hollandais et les japonais [11].

Bibliographie

[1] BRUHAT, Jean (1976), Histoire de l’Indonésie, Paris, 3e édition, Presses Universitaires de France, p. 20-90.

[2] idem.

[3] idem.

[4] idem.

[5] RICHER, Philippe (1981), L’Asie du Sud-Est : indépendances et communismes, Paris, Notre Siècle, p. 60-69.

[6] idem.

[7] WILD, Collin et CAREY, Peter (1986), « Born in Fire : the Indonesian struggle for Independance », Ohio University Press, p. 12-90.

[8] idem.

[9] idem.

[10] idem.

[11] idem.

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