Le nationalisme thaïlandais d’hier à aujourd’hui

Pour les pays de l’Asie du Sud-Est, le XIXè siècle a été une période charnière en ce qui a trait à la question identitaire. Le contact avec les Européens introduisit la conception du nationalisme et de l’État-Nation. Par ailleurs, chacun de ces pays a adopté à sa façon le concept, que ce soit par l’idée du territoire, d’une ethnie ou de loyauté envers leur colonisateur. Dans le cas qui nous intéresse, on se penchera sur le cas de la Thaïlande, autrefois nommée Siam, société multiethnique et les éléments qui font qu’on est Thaï ou non.

Du XIXè siècle jusqu’à aujourd’hui, la conception du nationalisme thaï sera conçu de trois différentes façons.

L‘établissement du nationalisme thaïlandais

L’apparition du nationalisme apparaît en Thaïlande suite à la seconde visite des Occidentaux en Asie du Sud-Est. Au fil des

roi Chulalongkorn

roi Chulalongkorn

échanges avec l’Occident, la noblesse siamoise adoptera le discours racial pour déterminer la race thaï. Elle emploiera dès lors le mot chat (qui signifie origine, naissance). À cette époque, est Thaï celui qui parle un des dialectes thaï et qui réside sur les terres du roi et qui sont ses sujets (1). Ces deux caractéristiques se retrouvent très clairement dans les paroles du roi Chulalonkorn : « ‘The Thaî, the Lao, and the Shan all consider themselves peoples of the same race. They all respect me as their supreme sovereign, the protector of their well-being’»(2). En quelque sorte, on peut voir là une certaine forme de nationalisme territorial puisqu’une personne est considérée comme Thaï celle qui est sous le pouvoir du roi, donc là où le pouvoir du roi est effectif sur un espace physique délimité. On peut également considérer que le nationalisme thaï se base sur une religion, le bouddhisme, et une langue commune. Ces éléments s’explique par le fait que le roi Chulalongkorn s’en remit à la congrégation bouddhique Thammayut pour accélérer le processus de réforme de l’éducation. Les moines utilisèrent ainsi la langue et l’alphabet thaï pour diffuser l’enseignement. (3) En plus, pour faciliter l’appartenance à la race thaï, la noblesse du Siam va même jusqu’à changer les noms de Lao et de Malay pour des noms en sanskrit. En 1902, le Siam se rapproche de plus en plus de son nom actuel alors qu’on le nomme pratchat thaî, c’est-à-dire « Pays des Thaïs » (4).

La première métamorphorse du nationalisme thaï

À partir de la fin des années 1920, la conception du nationalisme thaï connaîtra sa première métamorphose. On délaisse

Thaïlande 1

Thaïlande 1

la conception territoriale du nationalisme pour se concentrer sur le côté ethnique(5). Cette nouvelle définition de la nationalité va alors causer des problèmes à deux catégories d’individus : les Chinois ainsi que les minorités ethniques qui sont aux frontières du pays. Pour le cas des minorités ethniques, il est importants qu’au cours des années précédentes, le Siam avait réussi à se réapproprier les terres qu’il avait cédées aux empires britannique et français. Ainsi, à l’origine, ces minorités n’avaient pas été affectées par les réformes du pays.

Dans un premier temps, le nationalisme ethnique thaïlandais cause des problèmes à la communauté chinoise dans la mesure où en 1909, la Chine émit une loi permettant à tous les enfants issus d’un père chinois d’acquérir la nationalité chinoise. Quelques années plus tard, une loi thaïlandaise donnera la nationalité thaïlandaise à toute personne né dans le pays ou si son père est Thaï. Cela fera donc en sorte que les Chinois de Thaïlande peuvent revendiquer une double nationalité (6). Dès lors, les Chinois « thaï » sont mal perçus et seront ostracisés au point qu’il finiront par créer leur propre chambre de commerce (7).

De l’autre côté, les minorités ethniques de la Thaïlande sont affectées dans la mesure où la définition du nationalisme ethnique qui est proposée reflète uniquement les caractéristiques des Thaïs qui sont au centre du pays. Ces derniers, bien que minoritaire dans l’ensemble du territoire, sont dominant dans le domaine du politique. On assiste donc à l’assimilation d’une majorité d’individus sous l’influence politique d’une minorité qui désire imposer ses caractéristiques régionaux (8).

Bouddha

Bouddha

La seconde métamorphose : le nationalisme culturelle

À partir des années 90, avec le phénomène de globalisation, principalement caractérisée par des échanges culturelles qui sont de moins en moins limités par l’espace, provenant d’une multitude de pays (9), la Thaïlande a décidé de revoir sa conception du nationalisme. Le nationalisme ethnique a été remplacé par un nationalisme culturelle. Pour définir cette culture thaïlandaise, l’élite intellectuelle de diverses discipline s’est penchée sur le passé de leur pays pour définir qui était un Thaï. Cette dernière a redéfini l’identité thaï en fonction de l’histoire, du politique, des langues, etc. (10). De plus cette période est également marquée par une affirmation culturelle des minorités ethniques au sein de la culture thaïandaise (11). Néanmoins, on peut se demander si cette affirmation des minorités ethniques ne cache pas un enjeu d’ordre touristique, donc économique. Dans les années 80, on développe le Chiang Mai, une région au nord-ouest de la Thaïlande, en y mettant l’accent sur le tourisme (12)(13).

En résumé, le nationalisme thaïlandais a connu des modifications importantes depuis le moment de son élaboration et continuera sans doute à se modifier selon les événements qui se produiront ultérieurement.

(1) Baker, Chris et Pasuk Phongpaichit. 2005. A history of Thailand. New York: Cambridge University press. P.63.

(2) Ibid, p.64.

(3) Gabaude, Louis. 2001. « Politique et religion en Thaïlande: dépendance et responsabilité ». Revue d’études comparatives Est-Ouest. Vol.32. No 1. p.154.

(4) Baker, Chris et Pasuk Phongpaichit, op. Cit.. p.64.

(5) Ibid, p.113.

(6) Ibid, p.113-114.

(7) Ibid, p.114-115.

(8) Leich LePoer, Barbara. 1989. Thailand, a country study. Washington D.C. : The division. P.70-71

(9) Rasse, Paul. 2010. « La mondialisation de la culture: du terroir aux nouveaux univers virtuels ». Les cahiers du Musée des confluences. No 5. p.39-40.

(10) Kahn, Joel S..1998. Southeast Asian identities: culture and the politics of representation in Indonesia, Malaysia, Singapore, and Thailand. Singapore: Institute of Southeast Asian Studies. P.137.

(11) Ibid. p.138.

(12) Toyota, Mika.2003. « Contested Chinese identities among ethnics minorities in the China, Burma and Thai borderlands ». Ethnic and Racial Studies. Vol. 26. No.2. p.313.

(13)http://www.thaiwaysmagazine.com/chiang_mai/chiang_mai_attractions_city_tour.html#art_gallery (voir Chiang Mai City Arts & Culture Centre).

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