Les causes du coup d’État de 2006 en Thaïlande

Par Xavier Faraire

La Thaïlande est, tout comme le Canada, une monarchie constitutionnelle parlementaire. Le pays est dirigé officiellement par le roi. De facto, c’est le premier ministre, chef du parti ayant fait élire le plus de députés, qui mène la politique du pays[1]. Il y a cependant un facteur majeur qui distingue le paysage politique de la Thaïlande : le rôle de l’armée. En effet, depuis que le pays est devenu une monarchie constitutionnelle en1932, l’armée semble avoir un rôle de chien de garde de la société, étant  intervenu à de multiples reprises dans les affaires politiques du pays pour assurer une certaine stabilité du régime. Elle a orchestré une multitude de coups d’États pour rétablir l’ordre. Le dernier en lice a destitué le premier ministre Thaksin Shinawatra, en 2006, alors qu’il venait d’être réélu avec une écrasante majorité la même année[2]. Un régime militaire transitoire ainsi qu’une nouvelle constitution s’en sont suivis. Dans ce 4e billet, nous allons examiner les raisons qui ont servi de justification aux militaires pour provoquer un énième coup d’État. Nous allons traiter plus précisément de trois points : la lutte anti-drogue et ses résultats mitigés, la répression contre les séparatistes musulmans et enfin, la fraude fiscale.

Le premier élément qui est venu entacher la présidence de Thaksin est sa guerre contre la drogue, lancée en 2003. Son gouvernement était déterminé à lutter contre le trafic de stupéfiants en utilisant des moyens musclés. Le 1er février, immédiatement après l’annonce de la campagne qui devait durer trois mois, un nombre important de personnes soupçonnées de trafic de méthamphétamines ont été tuées. Parmi les victimes, on comptait aussi des femmes, des enfants et des personnes âgées[3]. On estime que plus de 1000 personnes ont ainsi perdu la vie. La violence de cette campagne a grandement choqué la population, d’autant plus que l’on a appris que plusieurs personnes ont été exécutées sans même subir de procès[4].  Le gouvernement a justifié ces assassinats en prétendant que ce sont les trafiquants  qui ont commencé à s’entretuer à la suite du déclenchement de l’opération. Or, il a été démontré par un comité sénatorial que la plupart des victimes figuraient sur une liste noire de la police[5]. Ce premier événement terni l’image de Thaksin auprès de la population, y voyant une forme d’autoritarisme violent. Des organismes internationaux comme Amnistie internationale ont également condamné le massacre.

Le deuxième événement à l’origine de la chute de Thaksin Shinawatra est l’intervention musclée dans le sud du pays. Dans les trois provinces du sud, Pattani, Yala et Narathiwat, vivent une majorité importante de musulmans qui souhaitent se séparer de la Thaïlande[6]. Au début de 2004, les actes de violence se font de plus nombreux dans la région. Le 28 avril 2004, une centaine de jeunes combattants, peu armés, coordonnent des attaques contre des postes de police. Le gouvernement réagit, mais de manière violente en envoyant l’armée. Au total, 107 insurgés sont tués alors qu’ils s’étaient réfugiés dans une mosquée[7]. Cet autre événement a contribué à durcir la perception autoritariste de la population envers Thaskin.

Le dernier événement qui a fait déborder le vase, est l’allégation de fraude fiscale à l’endroit de Thaskin. En 2006, il a vendu les parts qu’il détenait dans la Shin Corp,  un empire médiatique important du pays, à des intérêts singapouriens,  pour la coquette somme de 2 milliards de dollars américains. Le hic c’est qu’il n’aurait pas payé d’impôts sur les bénéfices de la vente. De plus, afin de faciliter la transaction, son gouvernement a abrogé une loi qui limitait les investissements étrangers dans le secteur des médias[8]. Il n’en fallait pas plus pour accuser Thaksin et son gouvernement de corruption.

La suite des choses est bien connue. En septembre 2006, alors que Thaksin Shinawatra est à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies, l’armée s’empare du pouvoir.  Des centaines de soldats et de chars entrent à Bangkok. Le régime est renversé sans qu’un seul coup de feu ne soit tiré, ce qui peut en dire long sur l’opinion publique face à ce putsch[9].

Bibliographie

Connors, Michael K. 2008. «Thailand- four elections and a coup». Australian journal of international affairs. Vol 62, no4. P.478-496.

Patani, Berjihad di. 2006. «Islam, radicalism and violence in southern thailand». Critical asian studies. Vol 38, no1. P.119-144.

Daoudi, Mounia. 2004. «Flambée de violences dans le Sud musulman». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/actufr/articles/052/article_27694.asp (Page consultée le 22 novembre 2009)

Dubus, Arnaud. «La campagne anti-drogue fait plus d’un millier de morts». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/actufr/articles/038/article_5355.asp (Page consultée le 22 novembre 2009)

Couve, Philippe. «Lendemain de coup d’État à Bangkok». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/francais/actu/articles/081/article_46269.asp (Page consultée le 22 novembre 2009)

Thaïlande-actualité.2008. Encyclopédie Universalis. En ligne. http://www.universalis-edu.com/article2.php?napp=31205&nref=PS97174 (Page consultée le 22 novembre 2009)

France. Ambassade de France en Thaïlande-mission économique.2009. Thailande : Fiche signalétique. En ligne. http://www.franceasean.com/_repository/files/thailande/Fiche%20signal%C3%A9tique%20Tha%C3%AFlande.pdf (Page consultée le 22 novembre 2009)


[1] France. Ambassade de France en Thaïlande-mission économique.2009. Thailande : Fiche signalétique. En ligne. http://www.franceasean.com/_repository/files/thailande/Fiche%20signal%C3%A9tique%20Tha%C3%AFlande.pdf

[2] Thaïlande-actualité.2008. Encyclopédie Universalis. En ligne. http://www.universalis-edu.com/article2.php?napp=31205&nref=PS97174

[3] Dubus, Arnaud. «La campagne anti-drogue fait plus d’un millier de morts». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/actufr/articles/038/article_5355.asp

[4] Connors, Michael K. 2008. «Thailand- four elections and a coup». Australian journal of international affairs. Vol 62, no4. P.478-496.

[5] Dubus, Arnaud. «La campagne anti-drogue fait plus d’un millier de morts». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/actufr/articles/038/article_5355.asp

[6] Patani, Berjihad di. «Islam, radicalism and violence in southern thailand». Critical asian studies. Vol 38, no1. P.119-144.

[7] Daoudi, Mounia. 2004. «Flambée de violences dans le Sud musulman». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/actufr/articles/052/article_27694.asp

[8] Connors, Michael K. 2008. «Thailand- four elections and a coup». Australian journal of international affairs. Vol 62, no4. P.478-496.

[9] Couve, Philippe. «Lendemain de coup d’État à Bangkok». Rfi. En ligne. http://www.rfi.fr/francais/actu/articles/081/article_46269.asp

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