Les femmes et le féminisme naissant

Par Elina Wattebled

Un constat au cours de nos différentes analyses : les femmes en Asie du Sud-est sont oppressées par un régime patriarcal ancré dans des traditions ancestrales, où la femme est un être inférieur, une partie négligeable de la société. Nous avons cependant vu aussi que la femme commence à se libérer petit à petit dans l’économie, la politique et plus globalement dans la culture. C’est cette libération que nous allons tenter de décrypter ici, avec comme pays phare : le Vietnam.

Vision Globale

Depuis peu de temps, les femmes en Asie du Sud-est contribuent à la vie de leurs pays et à leur développement. Pour ce faire, il a fallu une déconstruction des traditions et de l’historique de ces pays.

Par exemple, dans le domaine littéraire[1], les publications faites par des femmes de cette partie du monde se sont développées de façon exponentielle. Depuis 1991, l’Université du Wisconsin a compté plus de 600 nouveaux ouvrages à propos des femmes en Asie du Sud-est, ce qui est le double de ce qui a été reçu pendant la période allant de 1981 à 1985 et 30% de plus qu’entre 1986 et 1990. Pendant longtemps, ce sont des auteurs extérieurs au pays qui écrivaient sur cette partie de la population mais de plus en plus, ce sont ces femmes elles-mêmes qui ont écrit sur leur propre condition, ouvrant ainsi la porte à un courant féministe latent.

En 1996, il y a eu à Beijin la 4ème Conférence mondiale pour les femmes. Par anticipation, de nombreux pamphlets ont vu le jour sous forme de lettres d’information, et pour la première fois, un vrai journal féministe a vu le jour, ainsi qu’un des premiers mouvements : Reaching Out. Cette conférence a servi de prétexte pour le développement du féminisme en Asie du Sud-est, comme une sorte de tremplin, leur permettant de s’organiser pour leur lutte. Cela a commencé par le Groupe de Travail de l’Asie du Pacifique NGO.

Il y a eu une recentralisation des efforts des groupes féministes pour régler les problèmes les plus graves comme la violence contre les femmes, par une concentration des efforts et par l’appel à des organisations internationales afin de les rallier à des causes plus locales. Toutefois, beaucoup de périodiques qui avaient vu le jour ont disparu, malgré cela la lutte n’a pas cessé bien au contraire. Les Universités, par exemple, ont institutionnalisé le droit des femmes à l’éducation, ce qui représente un grand pas en avant.

Une des plus grandes et des plus anciennes organisations féministes en Asie du Sud-est est le PPSEAWA ou Pan-Pacific and South East Asia Women’s Association. Elle existe depuis les années 30 et était alors la seule et unique organisation de ce type dans la région.

Le cas du Vietnam[2]

Au Vietnam, le pouvoir de l’homme se base sur les régimes colonial et féodal, où celui-ci a une place prépondérante, centrale, au détriment du statut de la femme assujettie et passive. La révolution de 1944 pour l’indépendance a ébranlé cet ordre des choses même et si tout ne s’est pas fait en un jour, la place des femmes a commencé à évoluer. En effet, lutter pour survivre a été le déclencheur à leur désir de liberté et d’être considéré au même titre qu’un homme. C’est au cours de réunions de justice populaire que les femmes ont pris conscience de leur propre force. Elles servaient, en effet, de gardes armés à la Cour, faisant partie de la milice de leur village, par exemple. Elles pouvaient de plus être accusatrices à l’encontre de personnes qui les avaient violentées, ce qui n’existait pas jusqu’alors, car la femme devait se soumettre sexuellement à l’homme, qui pouvait violer ou faire subir des violences aux femmes sans être inquiété.

Dans le Sud du pays, c’est la politisation qui fut le déclencheur de mouvements féministes. Les femmes ont alors commencé à s’instruire, et à occuper des postes de cadres. Une lutte contre l’isolement de la femme à la maison a débuté, car le manque de socialisation était la cause principale de leur soumission. Des mouvements dans les années 60 ont voulu renverser la tendance. Cependant, en 1960, le 2ème Congrès de l’Union des Femmes Vietnamiennes à Hanoi, a relevé l’insuffisance des structures ainsi destinées aux femmes, afin de les promouvoir à des postes responsables. L’Union des Femmes pour la Libération du Sud Vietnam a créé l’école Minh Khaï afin d’enseigner aux femmes la direction de la vie politique et le commandement militaire. Cette école organisait des stages de 3 mois afin de les préparer à combattre. En 1973, cette même association a créé 30 centres d’apprentissage afin de d’enseigner à un millier de femmes. Cela était fait dans le but d’aider leurs villages mais aussi de leur apprendre à se défendre elles-mêmes. En parallèle, la même année, l’Ecole Centrale de Femmes du Nord Vietnam a formé 3000 femmes cadres.

Ce sont les années de lutte qui ont été les plus profitables aux femmes vietnamiennes ; leur place dans la milice a engendré une plus grande égalité des sexes car miliciens ou miliciennes, même combat. Les associations se sont battues afin qu’elles puissent accéder à des plus hauts grades dans l’armée, afin de les sortir de leur vie solitaire au sein du foyer, qui les maintenait soumises à l’autorité du père ou du mari. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour les associations mais le chemin a été tracé et il suffit juste de poursuivre la marche.

Bibliographie

Carol L. Mitchell, Sisterhood is Local: The Rise of Feminist Journals in Southeast Asia dans Journal article. (Bulletin of Concerned Asian Scholars, Vol. 28, 1996)

Kathryn L. Norsworthy, Feminist Interventions for Southeast Asian Women Trauma Survivors : Descontructing gender-based violence and developing structures of peace (Rollins College)

Arlene Eisen Bergman, Femmes du Vietnam (Ed. Des Femmes)


[1] Carol L. Mitchell, Sisterhood is Local: The Rise of Feminist Journals in Southeast Asia (Bulletin of Concerned Asian Scholars, Vol. 28, 1996)

[2] Arlene Eisen Bergman, Femmes du Vietnam (Ed. Des Femmes)

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