La liberté religieuse au Vietnam: une liberté de façade seulement

Par Guillaume Lévesque

Selon la constitution de 1978, la liberté religieuse est garantie(1), mais à la condition qu’elle ne soit pas un obstacle à la construction du socialisme. Cette loi est ambiguë et contient des failles, car est difficile pour les autorités vietnamiennes de juger si un rassemblement ou un mouvement religieux contrevient à l’autorité du parti. En février 2007 le père Ly a été arrêté et condamné à huit ans de prison ferme pour  avoir appartenu au mouvement « Bloc  8 406», un  mouvement pacifique prônant le respect des droits de l’homme et de la liberté religieuse (1).Bref, les religions possèdent un rôle ambigu dans la société vietnamienne, même si elles sont aujourd’hui  pratiquée plus que jamais auparavant dans l’histoire moderne du pays,  elle est crainte des autorités.

Durant la période précédant la réunification jusqu’aux années 80, la religion était grandement réprimée, car elle constituait en quelque sorte un obstacle à la révolution socialiste. La religion la plus touché fut le catholicisme, car en plus d’être un obstacle au socialisme, elle était associée à l’ennemi capitaliste et colonialiste. Avec l’arrivé  du doi moi en 1986, la religion a graduellement reprit de l’importance dans la société vietnamienne tout en restant encadré par le parti. (4) On assiste quand même à une progression vis-à-vis la tolérance religieuse, l’islam, une religion qui compte 100 000 adeptes au Vietnam,  avait été banni en 1975. Depuis 1992, elle est acceptée.(2) Le renouveau religieux passe aussi par le renouvellement des clergés. Les lieux de formations qui avaient été fermé après 1975 sont maintenant présents dans  les trois villes principales.

Le retour de l’influence religieuse va pourtant à l’encontre de l’idéal marxiste- léniniste. Selon cette idéologie, les religions étaient appelées à disparaître d’elle-même lors de l’implantation de la société socialiste (2). L’historien Philipe Papin perçoit le phénomène autrement. Il considère ce «réinvestissement des traditions religieuses autorisées et contrôlées par le pouvoir, comme une stratégie d’accommodement plus adapté que la propagande idéologique, destinée à assoir une légitimité politique .» (5)

Même si en apparence le Vietnam a progressé depuis les années 90 en matière de liberté religieuse, il s’agit d’une liberté toujours sous contrôle. Plusieurs moyens sont utilisés pour contrôler les religions. Premièrement, le ministère de  l’intérieur se charge de la surveillance et l’infiltration des lieux de culte. Deuxièmement dans chaque province est présent un représentent  du bureau des affaires religieuses qui est chargé de gérer administrativement les institutions religieuses Troisièmement, chaque publication faite par une organisation religieuse doit être soumise aux autorités qui se gardent le droit de les censurer. Dernièrement, les organisations religieuses ne peuvent pas recevoir de support monétaire autre que celui du gouvernement(3). En quelque sorte les organisations religieuses sont vues comme des forces concurrentes au parti. Le parti craint que son monopole soit usurpé par ce genre d’organisations. Pourtant, généralement les organisations religieuses veulent seulement aider les gens en leurs permettant d’obtenir des meilleurs conditions de vie. Le parti n’a pas à craindre ce genre d’organisations.

Les organisations internationales de la défense de droits de l’homme  manifestent souvent leur mécontentement envers le gouvernement vietnamien par rapport au non-respect des droits religieux. Il ne faut pas oublier que de nombreux prisonniers politiques vietnamiens proviennent d’organisations religieuses. Depuis 2007, on assiste à une recrudescence de la répression envers les religieux. Entre autre, les catholiques de la province de Hanoi ont manifesté  pacifiquement pour retrouver des biens d’églises confisqué par l’État. Des messes et des processions organisées à cette occasion furent réprimées par les autorités vietnamiennes qui ont « mobilisé les forces de police autant que des casseurs théoriquement indépendant pour réprimer le mouvement» (1) . Il est parfois difficile de penser qu’au 21ième siècle de simples manifestations pacifiques puissent être réprimées à ce point, pourtant il s’agit de pratiques courantes au Vietnam.

Bref même si l’on assiste  depuis les années 90  à une amélioration des  droits concernant la religion, il s’agit surtout d’une liberté de façade, une liberté réglementée en tout point par le parti communiste vietnamien. Il reste à améliorer de nombreux points pour que la véritable liberté religieuse soit présente au Vietnam. Pour ce faire, il faut changer  les mentalités et appeler les autorités religieuses et politiques à la réconciliation.

1.Chéron, Bénédicte.2009. Le Viet Nam, des blessures de l’histoire à l’Asie du XXIème siècle. Paris : Éditions du Jubilé. p 76-81.

2.Dorvert, Stéphane, Benoit de Tréglodé.2004. Viet Nam contemporain. Paris : les Indes Savantes. p 369-382.

3.Abuza Zachary.2001. Renovating politics in contemporary Vietnam. Londre : Lynne Rienner. p 183-210.

4.Evers Georg.2003. La situation des droits de l’home dans la république socialiste du Vietnam : La liberté de religion. Aix-la-Chapelle : Missio.

5.Papin Philipe.2003. Viet Nam Parcours d’une nation. Paris : Asie plurielle. P 94-95.

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