Le nationalisme Thaïlandais

Par Arlette Tampan Cifuentes

Le nationalisme thaïlandais est un nationalisme ethnique. Celui-ci est mis en place par la royauté qui désire créer une nation partageant une langue commune, des valeurs et une culture. Le monarque, Vajiravudh, définit l’identité Thaï sans considérer les minorités ethniques sur le territoire, ce qui amène à distinguer les ¨vrais¨ Thaï  des non-Thaï. À ses débuts le nationalisme se compose de trois éléments : le roi, la nation et la religion. En 1932, l’État-nation établi par la royauté est remis en question par les militaires. Ces derniers prendront le pouvoir et tenteront de redéfinir le nationalisme Thaï (Kratoska, 1999).

La Thaïlande est le seul pays de l’Asie du Sud-Est à ne pas être colonisée par les grandes puissances. Pour garder son indépendance politique, elle conclut des accords commerciaux avec l’Angleterre et la France. Par contre, les Français désirent que la Thaïlande se plie à des concessions  politiques et religieuses (De Koninck,  2005). De plus, la croissance démographique de la minorité chinoise dans le pays inquiète la royauté. Ces menaces sur la souveraineté pousse la monarchie a créé un mouvement nationaliste. Le roi Chulalongkorn (règne de 1868 à 1910) propose un nationalisme basé sur la royauté, la soumission du peuple à celle-ci et la création d’une nation thaïe.

Le nationalisme prend davantage forme sous le règne de Vajiravudh (1910 à 1925). Ce dernier met l’accent sur la modernisation de l’État à travers la technologie et la science. Il mise également sur les traditions et valeurs thaïes. Vajiravudh met l’accent sur l’aspect culturel pour définir ce qu’est un vrai Thaïlandais. Les éléments clés sont : la religion bouddhiste et la loyauté au roi. Selon sa vision, il n’y a pas de distinction de classes dans la population, mais uniquement le roi et le peuple. Son slogan est ¨le roi, la nation et la religion¨. Le roi crée de multiples organisations en but de montrer l’avancement du pays et de promouvoir  son idéologie nationale (Kratoska, 1999). Le nationalisme de Vajiravudh est loin de plaire à tous.

Le successeur de Vajiravudh, Prajadhipok (1925 à 1935) tente de mener le nationalisme dans une nouvelle direction. Il est moins inspiré par les éléments nationalistes basés autour de la monarchie. Prajadhipok parle d’harmonie et d’amitié entre les minorités ethniques et les Thaïlandais. Le roi cesse de créer des institutions de propagande comme son prédécesseur (puisque les excès de Vajiravudh ont mené au déclin de l’économie). Il faut comprendre que le régime d’absolutisme monarchique ne plaisait pas à une grande partie de la population puisqu’il se retrouvait défavorisé. L’élite est l’unique parti qui retire des avantages politiques, économiques et sociaux. Des rébellions paysannes ont eu lieu, mais celles-ci étaient soit ignorées ou réprimées sous les ordres du roi. Malgré les efforts de Prajadhipok, le rôle de la royauté dans l’état changera en 1932 (Kratoska, 1999).

En 1932, les militaires organisent un coup d’État pour en finir avec l’absolutisme monarchique. Le parti en question se nomme le parti du Peuple (People’s Party). Ce parti dérive d’un ancien mouvement étudiant désirant un état séculaire. Lors du coup d’État, ils ne sont que 100 partisans.

Il y a une division interne sur la position politique que devrait prendre le parti. Certains désirent une administration civile et d’autres veulent laisser la place aux militaires (Cheong, 1999). Un partisan dénommé Pridi, écrit une constitution. Celle-ci est abolie, car les partisans promilitaires considèrent que le plan économique a des tendances communistes. La conséquence de ce refus amène l’établissement d’un régime de monarchie constitutionnelle.

Les années s’écoulent et le Parti du Peuple semble élire des premiers ministres de plus en plus favorables aux militaires. En 1938, le premier ministre aussi commandant des forces armées,  Phibun reprend les concepts du nationalisme de Vajiravudh; avec la différence que la loyauté au roi change d’acteur et donc le peuple doit reconnaître sa loyauté au premier ministre. La promotion des valeurs Thaï et la soumission de la population se véhiculent à travers le bouddhisme, l’économie nationale et la militarisation (Cheong, 1999).
Le nationalisme ethnique promu par les militaires reste dominant jusqu’aux années 1980. Il y a des tentatives de prise de pouvoir par d’autres partis politiques. Ils désirent tous une démocratisation à différents degrés, mais cela ne dure pas (Kratoska, 1999). La monarchie a perdu une bonne partie de son pouvoir aux militaires. Elle reste quand même une influence symbolique dans les affaires de l’État. Les militaires utilisent leur force pour dominer la population. Les principes du nationalisme ethnique qui prône la loyauté, la soumission du peuple et l’identité thaïe par le partage d’une culture continuent d’être utilisés. On ne fait que changer de chef d’État. De plus, le sentiment national thaï n’est pas ressenti par tous puisque les minorités ethniques ne rentrent pas dans le cadre d’un ¨vrai¨ Thaï.

Références

De Koninck, Rodolphe,  ¨Les premiers sédiments de l’histoire¨ et ¨La formation des domains coloniaux¨,  L’Asie du Sud-Est,  2e édition revue et corrigée, Paris:  Armand Colin,  2005: Chapitres 3 et 4:  pp.39-75.
Kratoska, Paul.  ¨Nationalism and Modernist Reform¨, The Cambridge History of Southeast Asia, Vol. 3. Cambridge: Cambridge University Press,  1999 : pp. 286-314.

Cheong, Yong Mun.  ¨The Political Structure of the Independent States¨, The Cambridge History of Southeast Asia, Vol. 4. Cambridge: Cambridge University Press,  1999 : pp.59-131

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