Les Hmongs du Laos et l’écotourisme

Par Mercedes Lussier-Trépanier

La plupart des pays de l’Asie du Sud-Est, subissent des critiques face au type de tourisme qu’ils pratiquent, car le tourisme de masse est dommageable pour la préservation et l’intégrité de la culture. En réponse à ces critiques, nous voyons depuis quelques années l’apparition, dans la région, d’un nouveau type de tourisme : l’écotourisme. Ce virage vert du tourisme est un mouvement qui limite les impacts sociaux, environnementaux et économiques du tourisme traditionnel.

Depuis la mise en place de l’écotourisme, les gouvernements des pays de l’Asie du Sud-Est ont su, pour la plupart, le tourner à leur avantage politique et/ou économique. Ce phénomène est observable au sein de la communauté autochtone Hmong, une ethnie originaire du sud de la Chine, que l’on retrouve aujourd’hui dans les montagnes du nord du Vietnam et du Laos. Ce billet portera seulement sur la situation contradictoire des Hmongs du Loas.

Ce même peuple vit deux réalités bien différentes, car le clan de la province de Xieng Khuang (dans le sud du Laos) est constamment pourchassé par l’armée laotienne, tandis que ceux de la province de Luand Parbang plus au nord sont utilisés par l’industrie de l’écotourisme. Le Laos étant un État communiste, le gouvernement a une politique extrêmement répressive en ce qui concerne le capitalisme. Ainsi, les Hmongs qui se sont rangés du côté français lors de la guerre d’Indochine et qui ont combattu auprès des Américains durant la guerre du Vietnam sont vus comme des impérialistes, ou du moins, comme une menace pour le gouvernement laotien et donc celui-ci les pourchasse depuis plus de trente ans. Ce phénomène engendre des conséquences sociales discriminatoires graves, car « Hmong stereotypes depict the Lao to be clever and indolent, whereas the Hmong self is caracterized by attributes shuch as hot-headedness and stubbborness. »[1] La discrimination entre les deux ethnies est flagrante au Laos et les Hmongs sont socialement rejetés, ils sont vus comme des traîtres et la prise de décision des autorités laotiennes de les persécuter par l’armée en découle. À force d’être traqué dans les montagnes laotiennes, des « 300 000 ressortissants [Hmongs des] années 60…il en reste aujourd’hui [que] 8000 ! »[2]. Cette situation méconnue de la communauté internationale, mais pourtant catastrophique, à comme conséquence qu’ils doivent vivre dans des conditions de vie déplorables. Ils sont nomades, ils n’ont pas accès aux soins ni aux médicaments, aucune nourriture, aucun vêtement et un enfant sur deux ne survivra pas le seuil des cinq ans. De plus, les ONG et l’ONU ne peuvent venir en aide à la communauté étant donné que l’armée bloque leur passage et leur interdit le passage dans la montagne de Xieng Khuang. C’est la raison du nombre restreint de reportages ou d’informations qui sont disponibles sur le sujet. Seulement une poignée d’occidentaux ont réussi à atteindre les Hmomgs laotiens et le reportage le plus récent et réaliste est celui de Grégoire Deniau, fait en 2005 pour la chaîne télévisée France 2. Le reportage intitulé « Guerre secrète au Laos » est un exploit et révèle au grand jour l’abus de pouvoir du gouvernement laotien sur la minorité ethnique Hmongs.  http://www.uhasie.org/index.php?2008/05/17/17-guerre-secrete-au-laos-reportage-de-gregoire-deniau.

Pour bien fourvoyer la communauté internationale, ce conflit secret est dissimulé par les autorités communistes, avec l’élaboration d’un projet pilote d’écotourisme dans la province de Luang Prabang. Celui-ci consiste à faire découvrir aux tourismes les traditions de la communauté Hmong du village de la montagne coupée, et ce, sous la formule « bed and breakfast », donc les gens arrivent dans le village, les familles sont dans l’obligation de les nourrir et de les loger pendant une ou deux nuits. Le chef du village a dû accepter le projet étant donné la situation économique médiocre du village et la coopération avec le gouvernement les a sauvé des persécutions. Évidemment, les études sur le sujet dévoilent que les répercutions sociologiques de l’écotourisme sur le village à la montagne coupée sont négatifs, car les Hmongs « doivent composer avec des règles qui ne sont pas les leurs [et] un système tout entier leur est imposé »[3]. De plus, l’industrie de l’écotourisme provoque malgré tout la détérioration de leur culture, une preuve étant qu’ils doivent maintenant rester sédentaires alors qu’ils étaient nomades. En bref, malgré le fait que le projet d’écotourisme du gouvernement laotien ait favorisé le progrès économique du village Hmong de la montagne coupée, il amène aussi l’occidentalisation de leur culture et il n’est qu’un prétexte pour détourner l’attention de la communauté internationale sur les actions de persécutions portées sur la majorité de la communauté Hmongs ailleurs dans le pays.

Bibliographie

Baumann, Gerd et André Gingrich. 2004. Grammars of identity/alterity. New York : Berghahn Books.

Bourque, Sophie. 2007. Les Hmongs de Luang Prabang : acteurs du développement de l’écotourisme au village de la montagne coupée. Mémoire de maitrise. Département d’anthropologie. Université de Montréal.

Culas, Christian. 2005. Le messianisme hmong aux XIXe siècles : la dynamique religieuse comme instrument politique. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

« Le triste destin de certains Hmongs du Laos ». 2005. http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-triste-destin-de-certains-4467 (page consultée le 12 novembre 2009)

Warner, Roger. 2009. « Pour les Hmongs, la guerre du Vietnam n’est pas finie » Courrier international, No 995. 19 février, 38-9.

2007. Voyage Forum. En Ligne. http://voyageforum.com/voyage/le_genocide_hmongs_au_laos_D1291043/ (page consultée le 15 novembre 2009)


[1] Baumann, Gerd et Andre Gingrich, Grammars of identiy/alterity (New York : Berghabn Books, 2004), 106.

[2] http://voyageforum.com/voyage/le_genocide_hmongs_au_laos_D1291043/

[3] Sophie Bourque, « Les Hmong de Luang Prabang : acteurs du développement de l’écotourisme au village de la montagne coupé », Mémoire de thèse no GN 4 U45 (Montréal : Département d’anthropologie, CREDIT, Université de Montréal, 2007).

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