Par Guennadi Aïgui
Traduit du russe par Anatoly Orlovsky
et l’homme passe dans le champ
comme une parole, un souffle
parmi les arbres qui semblent entendre leur nom
pour la première fois
*
Sorbier – clameur
ô vif-transparent balbutiement
braqué sur le ciel –
tourmente ! –
ô vaste étendard tacheté de sang ! –
ô clameur : l’air-bruissant-de-vermeil
*
l’aurore – bouleaux à travers le feu
comme si vers l’infini la soie
sans fond crépitante
et malade de moi
comme si hurlant
vers l’âme
À Dieu
une lueur aveuglante
venant du jardin
s’élargissant
jusqu’à la peur
ouverte comme
avec un couteau
***
Guennadi Aïgui (1934-2006), poète chuvache russe, a édifié une œuvre distillant l’unique vision et spirituelle culture de son peuple autochtone, tout en laissant une empreinte indélébile sur la littérature russe moderne. Son amitié avec Boris Pasternak, disgracié par l’état soviétique pour la publication de Docteur Zhivago, a valu à Aïgui d’être expulsé de l’Institut littéraire Gorky, l’amenant à fonder une société d’artistes moscovites « underground ». Nonobstant ces épreuves, Aïgui devint le premier lauréat du prix Pasternak en 2000, après avoir remporté le prix Pétrarque (1993), le prix Andreï Biély (1987) et, déjà en 1972, le prix de l’Académie française pour son anthologie de la poésie française en langue chuvache. Par ailleurs, la renommée compositrice Sofia Gubaïdulina, elle-même d’origine tartare, a mis en musique plusieurs poèmes de Guennadi Aïgui, dont le fils Alekseï est également compositeur.
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Note
Traduit du russe par Anatoly Orlovsky en 2010, à partir de versions originales alors diffusées publiquement sur le web.