Par Vicki Laforce
Prologue (ad libitum) – Presto con fuoco – Tre intermezzi (Temps de valse, Adagietto, Andante cantabile) – Molto Adagio – Allegro appassionato(1)
… tu deviendras l’illuminé de ta propre renverse
la perte nerveuse du contrôle des modernes
est ta survie sublime
POÉSIE BRUTALE DE LA FOI
ABRUPTEMENT
1. Presto con fuoco
Ma vie d’artiste
Est-elle une malédiction
du corps
l’âme se porte dans le creux
des rêves
à perte de vue loin des rails
seul manque
le contact
le choc du réel
un tango cruel
qui frappe
tintamarre d’un disco
stroboscope, coke, clean poetry
la décadence est
ma tête mise à prix
sur le fil sans visage
nul besoin que d’un tapis de drogue
ou d’un soir de plein vide
que voilà
bénédiction dans les sens
l’explosion
non ma vie d’artiste n’est pas
une vie en rose
mais un fleuve qui en appelle
à l’urgence de vivre
au-delà de la faillite du désert
2. Tre intermezzi drammatici
Temps de valse – moderato con anima e molto espressione
à présent, à présent
marcher, foncer dans le plein jour
avoir quitté le désert
l’exil traînant derrière moi
soupire
sans sa proie
les corbeaux guettent
les corbeaux guettent l’heure
je me retournerai
entrer à nouveau
la valse de l’inconnu, chaos
qui en appelle
plus d’un
toute petite
embarquer sur le nuage
à travers la fenêtre
à travers la fenêtre
une maison dans l’éternel
le soupir des fauves
qui avalent les corbeaux
Adagietto
… je détiens un bon nombre de mots
pour dire ce que le paradoxe renferme
de douleurs, de mystères, de pénombres
de clairs-obscurs
les lettres des eaux premières
sont inlassablement répétitives
et ma plume se froisse
Bourrasques – Andante cantabile
Tout ce temps est passé entre l’attente
Et l’infinie joie à repriser les fentes
Dans l’heur où s’étendent les ombres grisâtres
Se tisse l’œuvre des destins les plus folâtres
Quand les vents balaient ce qui nous restait d’hier
Gronde au cœur des bois une pluie de prières
Qui va berçant d’une symphonique cadence
Mon cœur réjoui quand je suis ce concert dense
De toutes les saisons transhumant les âmes
Celle qui se distingue feue ne condamne
Ni la soif, ni le puits qu’absorbe l’errance
Haut! Elle les élève en maîtres d’abondance!
3. Molto adagio
… le temps des démembrements
est aussi celui des plaines
des gisants et
des orants
Dans le silence se dresse le cantique
Tout autour de moi semble figé
Je n’entends plus le murmure de la rivière intérieure
Je n’entends plus l’écho des pas des chevaux
En ma plaine
Tout semble désert
Être tombé sous les barreaux du mirage
Ai-je ainsi rêvé de mon retour
Ou suis-je sous le joug des dieux
*
je suis tombée parce que le ciel s’est ouvert
je les suivais un à un
les pas lents, les graves, notes basses
là où je suis allée
avec les empreintes livrées sur papier
les chats rôdent et les lions dominent
sur tes lèvres, je n’ai pu me cacher dans le pli
lointain de dieu
il sait lui, il savait que le chemin passait
par en bas
de mon cœur à toi
4. Finale – Allegro appassionato
… devant toi, devant toi
je suis comme toi
un verbe éclaté
… je veux mourir sur un lit de neige brûlant …
Supplique pour la beauté du monde
la poésie sert de lumière
mille fois nous l’avons dit
que la beauté sauvera le monde
or il est des lieux où l’ombre s’infiltre
crier, supplier pour de la lumière
ne fait parfois qu’alarmer le mal
je me réfugie alors
dans du grand Mozart
il sait faire tourner les têtes
proclamer le génie de l’amour
qui nous glisse entre les mains
mains que nous ne voulons plus ouvrir
à force d’éclats, tracas et trous
noirs
*
… je veux mourir sur un lit de neige brûlant
entendre Brel chanter
et tenir ta main sans frémir dans l’astrale demeure qui sera nôtre
un livre en papier odorant l’encre
l’indigo de l’Ouest pour dernier oracle
le chant des signes gravé
bleu sur blanc
***
Originaire de Montréal, Vicki Laforce habite la Montérégie. Elle détient une maîtrise en Histoire et une maîtrise en Études du religieux contemporain. Ses études l’ont amenée à pratiquer dans le milieu de la santé; elle est intervenante en soins spirituels. Le reste du temps, elle écrit. Elle a remporté le Prix du Club Richelieu en 2015, a publié 4 recueils de poésie et travaille actuellement sur un roman.
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Notes
(1) Avec l’accord de Vicki Laforce : « Mise en sonate » par A. Orlovsky ˗ titres musicaux (« Sonata … », ses mouvements et sections), ordre des extraits et poèmes de l’auteure. Seuls les titres sans référence à la musique sont de V. Laforce : « Bourrasques » et « Supplique pour la beauté du monde »; ce dernier poème, par ailleurs, se termine avant l’astérisque (*) qui, en général, autant que le changement de style de police – régulier ou italiques – sert à séparer les textes. Naturellement, tous les mots hormis les titres musicaux appartiennent exclusivement à Vicki Laforce.