Par Roseline Lambert
ça commence par une fracture qui ne guérit pas la fenêtre sur des printemps à perte qui ne viennent jamais nous délivrer on est dedans murés dans le noir notre vent nous atterre on est pris dans le plâtre et nos ailes se fanent
ça commence par des vagues blanches de gerçures ça blanchit tranquillement des morceaux d’os craqués de toi et moi qui se heurtent nos plaques se touchent se caressent mais ça fait une fissure en deux moitiés qu’on n’est pas
ça commence par des glaçons qui tombent au milieu de la cuisine quand on ne prépare plus un repas semblant d’amour mais qu’on est machine à cuire à brûler à se jeter nourritures au visage on ne s’y attend pas une glaciation ça arrive
ça commence dans le froid du lit je gèle tu ne t’approches pas des zones de froid extrême mon ventre ma peau mes mains n’habitent pas ici tu te retrouves étranger loin de mon cou qui se casse en deux
ça commence en rafales d’oublis de parler au nous de penser à l’autre on s’absente partout les silences se givrent on ne déglace pas les grands espaces qui s’étendent entre ta main et ma main on ne se donne pas la peine la peine la peine qui s’abat et la grêle
ça commence par des tremblements on se frictionne seuls sur la céramique blanche les larmes se condensent sur la vitre qui nous sépare on ne se protège pas sans peaux sans fourrures juste les os vers toi je te les offre en petit paquet bien ficelé tu n’en veux pas
ça commence quand je perds ton grand manteau pour me blottir tu t’enfermes les couches de neige s’accumulent dans le salon je dors sur la montagne au milieu du couloir je me roule dans la douceur des flocons qui me fendent rouge la peau
ça commence et l’hiver ne finit plus
Roseline Lambert est anthropologue et s’intéresse à l’intimité et aux territoires. Son premier recueil, Clinique, paraîtra aux éditions Poètes de brousse en mai 2016. Ses poèmes ont été publiés dans la revue Estuaire, Art Le Sabord, La Revue de la Compagnie à Numéro et l’Agenda des femmes 2014.