NDLR. Saviez-vous que la première pièce de théâtre en français sur le territoire nord-américain a été jouée en 1606 par des colons français à Port-Royal, en Acadie, et que cette pièce inclut des rôles d’autochtones micmacs ? C’est une autre trace de l’excellente concorde des Français avec certaines Nations du nord de l’Amérique d’avant la colonisation anglaise, la Conquête et la création du Canada, et que Champlain avait aussi relatée dans ses écrits. Un autre fait impressionne avec cette pièce : la « modernité » de la mise en scène ; la pièce se passe à l’extérieur et les « Sauvages » arrivent en canot avant de réciter leur texte. Le public doit aussi se déplacer pendant la pièce.
Plusieurs interprétations de cette pièce peuvent être faites, au regard des us et coutumes de l’époque, en sachant que Champlain a voyagé avec des autochtones.
Le théâtre de Neptune : une première
par Philippe Legault, bibliothécaire, Direction de la Collection nationale et des services spécialisés
C’est en Acadie, deux ans avant la fondation de Québec, que le « rideau se lève » sur la première pièce de théâtre jouée en Nouvelle-France. Le 14 novembre 1606, Le théâtre de Neptune en la Nouvelle-France, écrit et mis en scène par Marc Lescarbot, est joué à Port-Royal. Il s’agit d’un spectacle dramatique en trois actes : l’un sur l’eau, l’autre sur le rivage et le troisième, à la porte du fort de la colonie naissante. Cette unique représentation déployée en plein air rend hommage à Jean de Biencourt, sieur de Poutrincourt, commandant du premier établissement permanent fondé en Acadie, ainsi qu’à Samuel de Champlain et à son équipage, de retour d’une expédition sur mer chez les Armouchiquois, aujourd’hui les Micmacs de la Nouvelle-Angleterre.
Neptune, le dieu des mers et des océans, entouré de sa cour de six tritons et de quatre Amérindiens, tous sur des embarcations, déclament, tour à tour, les 243 vers qui constituent ce poème théâtral à une audience surprise de cet accueil inusité. S’il est possible encore aujourd’hui de préciser ces détails sur cette fête nautique, c’est que Lescarbot a bien pris soin de consigner le texte et de décrire la représentation de sa pièce dans son ouvrage phare, Histoire de la Nouvelle France, publié en 1609 et aujourd’hui disponible en ligne à partir du catalogue Iris de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
Marc Lescarbot, dites-vous ?
Le poème théâtral de Lescarbot aura surmonté l’épreuve du temps, du XVIIe au XXIe siècle, plutôt grâce à ses récits de voyage, semble-t-il. Mais qui est donc ce Marc Lescarbot ?
Le Dictionnaire biographique du Canada le décrit comme avocat, voyageur et écrivain. Il est aussi souvent cité comme le premier historien de la Nouvelle- France1. Désillusionné du droit, il quitte La Rochelle le 13 mai 1606 pour l’Acadie, où il demeure une seule année, toute la population de la colonie devant retourner en France à la suite de la révocation du monopole du commerce des fourrures.
Durant son séjour en Nouvelle-France, Lescarbot côtoie, outre Champlain et Poutrincourt, d’autres personnages importants de l’histoire de la colonie, tels Pierre Du Gua De Monts, fondateur de l’Acadie, et Louis Hébert, premier colon et premier apothicaire de Québec.
La pratique théâtrale au Québec a considérablement cheminé depuis Lescarbot : depuis les 11 premiers comédiens en 1606, plus de 2200 comédiens québécois poursuivent toujours la tradition de la scène 400 ans plus tard.
Source : Philippe Legault, « Le théâtre de Neptune une première »,
À rayons ouverts, no89, p.5 et 6
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Dictionnaire biographique du Canada, vol. I : De l’an 1000 à 1700, Québec, Presses de l’Université Laval, 1967, p. 480.
Renseignements supplémentaires : http://eco.canadiana.ca.res.banq.qc.ca/view/oocihm.36652