Quatre poèmes

Par Odelin Salmeron
Traduits de l’espagnol par l’auteur

 

El momento de los hechizos


Fénix de agua
extiendo mis alas en el paisaje.


Mi sangre se derrama en cada hoja
que convierte en espejos.

Mis garras de oro
trazan laberintos
por tu pensamiento.


Cierro las fronteras a las leyes del olvido.

La claridad lunar no me toca:
sumerge una jauría de silencios
entre nuestros gemidos.


Me deslizo en la brisa
y ahí mismo lavo mis plumas.

Mi aroma añil te sigue por todas partes.


Ya no camino por las edades
sino por los rayos
con un vértigo tatuado en la espera.

Yo viajo para robar los mitos

a las cuerdas de lo inconmensurable.


El cielo se abre en tu nombre
alarga su silueta
fusionándose con el mío.


En su argot de arena
el horizonte lo repite
a lo largo de su línea taciturna.

Un destello de cuchillos ilumina mis pupilas
y mi visión se convierte en polvareda.


Sin agitar las aguas
el halcón amarillo se sumerge en un deseo
donde nuestro pasado se ahoga.


Todavía tengo sed de relámpagos
de navíos innombrables
cuando escribo el océano con mis labios.

La muerte naufraga.
Solo falta tu oración
para cerrar el lazo del encanto.

Sin reposo
las horas bailan su vals de lobreguez
y pisotean la muerte del presente
hasta destruir los calendarios.

¿Después del último latido del amanecer
cuántos cadáveres nos preceden?

 

Moment de sortilèges

 

Phénix d’eau

je déploie mes ailes sur le paysage.

 

Mon sang se déverse sur chaque feuille

les transforme en miroirs.

 

Mes ergots d’or 

tracent des labyrinthes

pour ta pensée.

 

Je ferme les frontières aux lois de l’oubli.

 

La clarté lunaire ne me touche point. 

Elle submerge la meute de silences

entre nos gémissements.

 

Je me glisse dans la brise

j’y lave mes plumes.

 

Mon arôme indigo te suit partout.

 

Je ne marche plus sur les âges

mais sur les éclairs

un vertige tatoué sur l’attente. 

 

Je voyage pour dérober les mythes

aux cordes de l’incommensurable.

 

Le ciel s’ouvre en ton nom

allonge sa silhouette

se fusionne au mien.

 

Dans son argot de sable

l’horizon le répète

tout au long de sa ligne taciturne.

 

Un scintillement de lames allume mes pupilles

et ma vision se change en nuage de poussière.

 

Sans remuer les eaux

le faucon jaune plonge dans un désir

où notre passé se noie.

 

J’ai toujours cette soif de foudres 

de navires innommables

quand j’écris l’océan avec mes lèvres.

 

La mort fait naufrage. 

Il ne manque que ta prière 

pour refermer la boucle du charme.

 

Sans répit

les heures dansent leur valse de noirceur

et piétinent la mort du présent

à en détruire les calendriers.

 

Depuis le dernier battement de l’aube

combien de cadavres nous précèdent ?  

 

Reescritura

Tuvimos muchos desgarros
sin nunca aprender
cómo decirnos adiós.

Rodeados de horizontes y de agua
teníamos todo para ganar
todo para perder
pero los puentes se derrumbaron
antes de nuestra travesía.

¿Quién hubiera podido

liberarnos del acoso del río?

Todavía me pregunto
¿dónde está nuestro puerto?
¿nuestra barca?
¿y nuestro faro?

Oscuro
nuestro amor estaba allí
a una simple palada

imponiéndonos su gusto por la muerte.

Vi nuestras máscaras pasar
en fila india 

con apariencia alegre
para participar en la próxima actuación.

Lo sé: el invierno nos ha cristalizado los recuerdos.

Sin embargo, mis deseos flotan 

ahora 

y se repiten
para encontrar su lugar en tu memoria.

¿Cómo traducir tu ausencia
si la noche me obliga a reescribir las sombras?

 

Réécriture

 

Nous avons eu maints déchirements

sans jamais avoir appris

à nous dire adieu.

 

Entourés d’horizons et d’eau

on avait tout à gagner

tout à perdre

mais les ponts se sont écroulés

avant notre passage.

 

Qui aurait pu

nous livrer du harcèlement du fleuve ?

 

Je me demande encore

où est notre port ?

et notre barque ?

et notre phare ?

 

Obscur

notre amour était là

à portée de rame

nous imposant son désir de mort.

 

J’ai vu nos masques passer

à la file indienne 

avec un semblant de sourire

pour aller rejoindre la prochaine représentation.

 

Je le sais

l’hiver a cristallisé nos souvenirs.

 

Pourtant

mes vœux flottent

maintenant

et se répètent

jusqu’à retrouver leur place dans ta mémoire.

 

Comment traduire ton absence

si la nuit m’oblige à réécrire les ombres ?

 

Desaparición


Pronuncio tu nombre
y te detienes de repente en mis labios.
Repito los murmullos de agua
recomponiendo las melodías del atardecer.

El olor de los templos quemados se dispersa
cuando las últimas gotas de mi llamada
caen en las nubes de esparto.

Las horas están girando
entonces los relojes marcan el camino del exilio
envenenado por el tiempo.


Todo forma círculos etéreos
incluso la muerte
escondida en el sol de cada crepúsculo.

Mis manos están trazando el mapa de la despedida.
¿Tus ojos se ciegan
o bebí tu mirada?

Tus ventanas ya no escrutan nada más.

Las cenizas de ayer

cubren el fuego negro de hoy.

 

Disparition

 

Je prononce ton nom

et tu t’arrêtes sec sur mes lèvres.

Je répète les murmures de l’eau

en recomposant les mélodies du couchant.

 

L’odeur de temples brûlés se répand

lorsque les dernières gouttes de mon appel 

tombent sur les nuages de sparte. 

 

Les heures tournoient

puis les horloges marquent le chemin de l’exil

empoisonné par le temps.

 

Tout forme des cercles éthérés

même la mort

cachée dans le soleil à chaque crépuscule. 

 

Mes mains tracent la cartographie de l’adieu.

Tes yeux s’aveuglent

ou est-ce moi qui ai bu ton regard ?

 

Tes fenêtres ne scrutent plus rien. 

 

Les cendres d’hier

recouvrent le feu noir d’aujourd’hui.

 

Recordatorio


Me he convertido en piel de amor
de las tantas personas que existen en mí.

Rodeado de auroras boreales
he alcanzado el fin del mundo.

El tiempo tenebroso ha terminado.
Hacia el futuro
mis años de cautiverio van huyendo.

Sin encontrar los límites del dolor
a perpetuidad

cabalgo el viento.

Soy el verdugo del silencio
de este siglo sin verbos.

Mi aullido de Adán resuena
y controla el chisporroteo de tu fuego
cuando miras atrás
a los recovecos íntimos de la ceguera.

Te sostengo en mis labios
y formo
con tu nombre
mi eternidad.

Mi vida es la tierra sagrada de tus vestigios.
Mi sombra sigue siendo el territorio de tus deseos.

Mis pupilas son los ojos de la brisa.
Todavía puedo ver tu risa rebosante de miedo.

Sé que ni siquiera un relámpago
robará de tu cuerpo la huella de mis manos
ni borrará el lenguaje de mi carne en tu memoria.

Aún tú estás
sumergido en un temor

salvaje e imperecedero.

Cierro las puertas de la oscuridad.

Sobreviviente de nosotros
abro el mar
las alforjas llenas de nuestra lluvia.

Un océano emerge de estas líneas.

Mi tormenta soplará
en las muescas del tiempo.

 

Petit rappel

 

Je suis devenu peau d’amour

de ces gens qui existent en moi.

 

Entouré d’aurores boréales

j’ai atteint la fin du monde.

 

Le temps de noirceur est fini.

Vers l’avenir

mes années captives fuient.

 

Sans trouver les bornes de la douleur

à perpétuité

je chevauche le vent.

 

Je suis le bourreau du silence 

de ce siècle sans verbe.

 

Mon hurlement d’Adam résonne 

et maîtrise le crépitement de ton feu

au moment où tu retournes le regard

vers les recoins intimes de la cécité.

 

Je te tiens entre mes lèvres

et forme

avec ton nom

mon éternité.

 

Ma vie est la terre sacrée de tes vestiges.

Mon ombre demeure le territoire de tes désirs.

 

Mes pupilles sont les yeux de la brise.

Je vois encore ton rire débordant de peur.

 

Je sais que même la foudre 

ne dérobera de ton corps l’empreinte de mes mains

ni n’effacera de ta mémoire le langage de ma chair.

 

Tu restes

submergé dans une crainte

sauvage    impérissable.

 

Je ferme les portes de l’obscurité.

 

Seul rescapé d’entre nous-mêmes

j’ouvre la mer 

la besace remplie de nos pluies.

 

Un océan émerge d’entre ces lignes.

 

Ma tempête soufflera 

sur les entailles du temps.

 

***

Odelin Salmeron est né à Cuba en 1943 et réside au Québec depuis 1988. Il a publié quatre recueils de poésie. Deux chez Le Noroît : Rencontre, en 1995 et L’alphabet des étoiles en 2000. Il a fait paraître Les sept chemins du vent chez L’Harmattan en 2008. Son dernier recueil, Le guerrier de soi, fut publié aux Éditions La Grenouillère en 2015. Il a traduit le recueil Exit de la poète mexicaine Ingrid Valencia, paru chez le même éditeur. Il est périodiquement publié en diverses revues au Québec et en Europe.

 

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