Par Odelin Salmeron
Traduits de l’espagnol par l’auteur
El momento de los hechizos
Fénix de agua
extiendo mis alas en el paisaje.
Mi sangre se derrama en cada hoja
que convierte en espejos.
Mis garras de oro
trazan laberintos
por tu pensamiento.
Cierro las fronteras a las leyes del olvido.
La claridad lunar no me toca:
sumerge una jauría de silencios
entre nuestros gemidos.
Me deslizo en la brisa
y ahí mismo lavo mis plumas.
Mi aroma añil te sigue por todas partes.
Ya no camino por las edades
sino por los rayos
con un vértigo tatuado en la espera.
Yo viajo para robar los mitos
a las cuerdas de lo inconmensurable.
El cielo se abre en tu nombre
alarga su silueta
fusionándose con el mío.
En su argot de arena
el horizonte lo repite
a lo largo de su línea taciturna.
Un destello de cuchillos ilumina mis pupilas
y mi visión se convierte en polvareda.
Sin agitar las aguas
el halcón amarillo se sumerge en un deseo
donde nuestro pasado se ahoga.
Todavía tengo sed de relámpagos
de navíos innombrables
cuando escribo el océano con mis labios.
La muerte naufraga.
Solo falta tu oración
para cerrar el lazo del encanto.
Sin reposo
las horas bailan su vals de lobreguez
y pisotean la muerte del presente
hasta destruir los calendarios.
¿Después del último latido del amanecer
cuántos cadáveres nos preceden?
Moment de sortilèges
Phénix d’eau
je déploie mes ailes sur le paysage.
Mon sang se déverse sur chaque feuille
les transforme en miroirs.
Mes ergots d’or
tracent des labyrinthes
pour ta pensée.
Je ferme les frontières aux lois de l’oubli.
La clarté lunaire ne me touche point.
Elle submerge la meute de silences
entre nos gémissements.
Je me glisse dans la brise
j’y lave mes plumes.
Mon arôme indigo te suit partout.
Je ne marche plus sur les âges
mais sur les éclairs
un vertige tatoué sur l’attente.
Je voyage pour dérober les mythes
aux cordes de l’incommensurable.
Le ciel s’ouvre en ton nom
allonge sa silhouette
se fusionne au mien.
Dans son argot de sable
l’horizon le répète
tout au long de sa ligne taciturne.
Un scintillement de lames allume mes pupilles
et ma vision se change en nuage de poussière.
Sans remuer les eaux
le faucon jaune plonge dans un désir
où notre passé se noie.
J’ai toujours cette soif de foudres
de navires innommables
quand j’écris l’océan avec mes lèvres.
La mort fait naufrage.
Il ne manque que ta prière
pour refermer la boucle du charme.
Sans répit
les heures dansent leur valse de noirceur
et piétinent la mort du présent
à en détruire les calendriers.
Depuis le dernier battement de l’aube
combien de cadavres nous précèdent ?
Reescritura
Tuvimos muchos desgarros
sin nunca aprender
cómo decirnos adiós.
Rodeados de horizontes y de agua
teníamos todo para ganar
todo para perder
pero los puentes se derrumbaron
antes de nuestra travesía.
¿Quién hubiera podido
liberarnos del acoso del río?
Todavía me pregunto
¿dónde está nuestro puerto?
¿nuestra barca?
¿y nuestro faro?
Oscuro
nuestro amor estaba allí
a una simple palada
imponiéndonos su gusto por la muerte.
Vi nuestras máscaras pasar
en fila india
con apariencia alegre
para participar en la próxima actuación.
Lo sé: el invierno nos ha cristalizado los recuerdos.
Sin embargo, mis deseos flotan
ahora
y se repiten
para encontrar su lugar en tu memoria.
¿Cómo traducir tu ausencia
si la noche me obliga a reescribir las sombras?
Réécriture
Nous avons eu maints déchirements
sans jamais avoir appris
à nous dire adieu.
Entourés d’horizons et d’eau
on avait tout à gagner
tout à perdre
mais les ponts se sont écroulés
avant notre passage.
Qui aurait pu
nous livrer du harcèlement du fleuve ?
Je me demande encore
où est notre port ?
et notre barque ?
et notre phare ?
Obscur
notre amour était là
à portée de rame
nous imposant son désir de mort.
J’ai vu nos masques passer
à la file indienne
avec un semblant de sourire
pour aller rejoindre la prochaine représentation.
Je le sais
l’hiver a cristallisé nos souvenirs.
Pourtant
mes vœux flottent
maintenant
et se répètent
jusqu’à retrouver leur place dans ta mémoire.
Comment traduire ton absence
si la nuit m’oblige à réécrire les ombres ?
Desaparición
Pronuncio tu nombre
y te detienes de repente en mis labios.
Repito los murmullos de agua
recomponiendo las melodías del atardecer.
El olor de los templos quemados se dispersa
cuando las últimas gotas de mi llamada
caen en las nubes de esparto.
Las horas están girando
entonces los relojes marcan el camino del exilio
envenenado por el tiempo.
Todo forma círculos etéreos
incluso la muerte
escondida en el sol de cada crepúsculo.
Mis manos están trazando el mapa de la despedida.
¿Tus ojos se ciegan
o bebí tu mirada?
Tus ventanas ya no escrutan nada más.
Las cenizas de ayer
cubren el fuego negro de hoy.
Disparition
Je prononce ton nom
et tu t’arrêtes sec sur mes lèvres.
Je répète les murmures de l’eau
en recomposant les mélodies du couchant.
L’odeur de temples brûlés se répand
lorsque les dernières gouttes de mon appel
tombent sur les nuages de sparte.
Les heures tournoient
puis les horloges marquent le chemin de l’exil
empoisonné par le temps.
Tout forme des cercles éthérés
même la mort
cachée dans le soleil à chaque crépuscule.
Mes mains tracent la cartographie de l’adieu.
Tes yeux s’aveuglent
ou est-ce moi qui ai bu ton regard ?
Tes fenêtres ne scrutent plus rien.
Les cendres d’hier
recouvrent le feu noir d’aujourd’hui.
Recordatorio
Me he convertido en piel de amor
de las tantas personas que existen en mí.
Rodeado de auroras boreales
he alcanzado el fin del mundo.
El tiempo tenebroso ha terminado.
Hacia el futuro
mis años de cautiverio van huyendo.
Sin encontrar los límites del dolor
a perpetuidad
cabalgo el viento.
Soy el verdugo del silencio
de este siglo sin verbos.
Mi aullido de Adán resuena
y controla el chisporroteo de tu fuego
cuando miras atrás
a los recovecos íntimos de la ceguera.
Te sostengo en mis labios
y formo
con tu nombre
mi eternidad.
Mi vida es la tierra sagrada de tus vestigios.
Mi sombra sigue siendo el territorio de tus deseos.
Mis pupilas son los ojos de la brisa.
Todavía puedo ver tu risa rebosante de miedo.
Sé que ni siquiera un relámpago
robará de tu cuerpo la huella de mis manos
ni borrará el lenguaje de mi carne en tu memoria.
Aún tú estás
sumergido en un temor
salvaje e imperecedero.
Cierro las puertas de la oscuridad.
Sobreviviente de nosotros
abro el mar
las alforjas llenas de nuestra lluvia.
Un océano emerge de estas líneas.
Mi tormenta soplará
en las muescas del tiempo.
Petit rappel
Je suis devenu peau d’amour
de ces gens qui existent en moi.
Entouré d’aurores boréales
j’ai atteint la fin du monde.
Le temps de noirceur est fini.
Vers l’avenir
mes années captives fuient.
Sans trouver les bornes de la douleur
à perpétuité
je chevauche le vent.
Je suis le bourreau du silence
de ce siècle sans verbe.
Mon hurlement d’Adam résonne
et maîtrise le crépitement de ton feu
au moment où tu retournes le regard
vers les recoins intimes de la cécité.
Je te tiens entre mes lèvres
et forme
avec ton nom
mon éternité.
Ma vie est la terre sacrée de tes vestiges.
Mon ombre demeure le territoire de tes désirs.
Mes pupilles sont les yeux de la brise.
Je vois encore ton rire débordant de peur.
Je sais que même la foudre
ne dérobera de ton corps l’empreinte de mes mains
ni n’effacera de ta mémoire le langage de ma chair.
Tu restes
submergé dans une crainte
sauvage impérissable.
Je ferme les portes de l’obscurité.
Seul rescapé d’entre nous-mêmes
j’ouvre la mer
la besace remplie de nos pluies.
Un océan émerge d’entre ces lignes.
Ma tempête soufflera
sur les entailles du temps.
***
Odelin Salmeron est né à Cuba en 1943 et réside au Québec depuis 1988. Il a publié quatre recueils de poésie. Deux chez Le Noroît : Rencontre, en 1995 et L’alphabet des étoiles en 2000. Il a fait paraître Les sept chemins du vent chez L’Harmattan en 2008. Son dernier recueil, Le guerrier de soi, fut publié aux Éditions La Grenouillère en 2015. Il a traduit le recueil Exit de la poète mexicaine Ingrid Valencia, paru chez le même éditeur. Il est périodiquement publié en diverses revues au Québec et en Europe.