Par Michel Ponce
LES ABEILLES
Je vois de douces abeilles qui butinent
Qui butinent
Dans les poubelles de la ville
Parmi les fleurs qu’elles voient seules
Dans les poubelles de la ville
De mon cœur…
QU’EST-CE ?
Est-ce une rosée sur ta corolle offerte,
Ou un embrun léger que la marée te porte ?
Une étoile semble naître sur ta tige …
Tandis qu’au large s’enflamme l’horizon
De ton parfum, je voudrais interpréter le signe ;
Mais, finalement, c’est l’azur qui te révèle :
Femme, d’amour tu pleures, …
Homme, d’amour je tremble …
LA BRANCHE CASSÉE
Une branche de l’arbre est tombée
En même temps que mon cœur ;
Tandis que de Chopin
Vous terminiez une très joyeuse ballade …
Votre clavier semblait bien tempéré,
Alors qu’en réalité il sonnait faux.
Tandis que de Liszt
Vous terminiez une autre très joyeuse ballade,
Votre baiser m’a paru si sincère,
Quoique votre bouche trop lourdement fardée.
À ces musiques en réalité tristes,
Qui ne reconnaîtrait Chopin,
Qui ne reconnaîtrait Liszt ?
Mais toi, mon cœur, qui reconnaîtra ta douleur,
Si ce n’est la branche en même temps tombée,
Si ce n’est la branche cassée ?
C’EST LA NUIT
C’est la nuit. Y aurait-il autre chose ? Un oiseau qui roucoule … Y aurait-il autre chose ? Un lieu, une maison, un espace, qui soient restés inoccupés ? Un langage, jusque-là inconnu, pour ajouter du nouveau ?
Tous les mots sont usés ; toutes les énigmes, résolues. Que reste-t-il ? On aurait tout compris ; alors qu’en réalité personne ne comprend plus rien : il n’y a plus de Mystères …
Ceux-là qui déstabilisent, sapent les fondations, renversent les pensées, troublent la raison, réduisent le confort, empêchent tout progrès, soi-disant ; par une opération savante, une mathématique subtile, ils ont été oblitérés de la mémoire humaine.
Le bas devient le haut, la droite se confond avec la gauche, le mal avec le bien, l’insensé avec le sage.
Bien mieux que l’homme, dont les paroles ne veulent plus rien dire, ou presque, l’orage continue d’éclater, l’oiseau de roucouler, le chat de miauler, le chien de japper, … : derniers soubresauts de la nature, ultimes avertissements, devant la menace qui pèse et qui gronde sur tous les horizons.
Biographie
Michel Ponce, poète montréalais, a publié chez Humanitas un premier recueil de poèmes intitulé Là-bas, Toujours (2008), et un deuxième en France : Le Poème Suffisant (2015, Éditions Baudelaire); il a également étudié la guitare classique auprès d’André Rodrigues à l’Université de Montréal.