Par Maxime Catellier
Toronto, 1er décembre 2018
Sur la route
entre Montréal et Toronto
j’ai vu des faux blonds
excités par le truck stop
de Trenton Ontariodans un parking inhumain
danser la gloire
du vendredi soir
espérant trouver la drogue
qui les ferait parler
malgré la honte
et la proximité
des bobettes sales
qui traînent
depuis trop longtemps
sur le plancher
du palais mystique
qui leur révèle
soudainement
la clé du trafic
dans les langes inodores
de la vitesse
en jetant par les vitres
le papier taché de gras
avec lequel on emballe
les tas de viande
qu’ils avalent en se dépêchant
de repartir vers nulle part
dans une roulade de gymnastique
dont les fesses creusent la tombe
pendant qu’on se nourrit
dans le dos des mots
avec l’inutilité parfaite
d’une langue qu’on efface
pour mieux parler
pour mieux se faire comprendre
dans le coin où elle se tasse
parce qu’elle passe son temps
à allumer des feux
dans notre bouche
qui la remplace par une danse
de Saint-Guy et soulage
son envie de pisser
sur la flamme
de l’Homme invisible
un petit gars de Timmins
qui a fait prendre le train
à ses valises
sans partir de chez lui
en se laissant tomber
au fond du rêve
comme un chien
que la langue fait courir
dans le terrain vague
qui s’étend
d’une frontière à l’autre
de ce pays aphone
qui ne répond jamais
quand on l’appelle
par son nom de jeune fille
un pays bâti sur
une idée trop salée
pour se rouler
dans le sucre des mots
de la langue des sœurs Dionne
qui a l’air d’une feuille
qui continue de s’accrocher
à la branche en plein novembre
avec ses couleurs dans la pluie
qui brillent pour faire mentir
ceux qui disent que la langue
est faite pour parler.
Biographie
Maxime Catellier est né en 1983 à Rimouski. Après avoir abandonné sa maîtrise au département de littérature comparée de l’Université de Montréal, il exerce tour à tour les métiers de réceptionniste, pigiste, chef de pupitre, agent de communication, cuisinier, gérant de salle… tout en publiant au fil des années recueils de poèmes, essais et romans qui lui valent une certaine reconnaissance critique. Il enseigne depuis 2012 la littérature au Collège de Valleyfield. Derniers titres parus : Le Temps présent (Boréal, 2018) et Mont de rien (L’Oie de Cravan, 2018).