Diversité, au-delà du (fait) divers

Par Dawy Ludewic Makasso

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Diversité est un mot contemporain, ancien, ordinaire, et aussi une réalité indéniable puisque nous sommes tous et chacun des faits du divers (par notre constitution identitaire aux multiples identifications), nous sommes des faits divers (comme une réalité identitaire composée d’éléments hétérogènes), personne n’y échappe. Pourtant, si cette observation montre que diversité est au fond une donnée naturelle, le propre même de la nature humaine, de toute réalité sociale, un fait aussi intemporel qu’universel, et qu’il ne devrait pas réellement poser problème, il n’en demeure pas moins qu’en nos temps (hyper/post)modernes, malgré les discours sur la tolérance la fraternité le respect l’inclusion le richesse du divers, – diversité est un mot trouble (qui désoriente la compréhension), un mot fauteur de trouble(s) (il présume et/ou dit le conflit). En ce sens, c’est un mot qui rime avec crise identitaire, avec les ismes de la haine (racisme, terrorisme, etc.), avec xénophobie, avec polémique(s) sur le(s) modèle(s) multiculturaliste(s) ou assimilationniste(s) voire interculturaliste(s), avec la construction de l’invisibilité des uns autant dans l’espace social que dans la mémoire collective, avec l’exclusion des uns dans la participation effective dans la Cité, avec la stigmatisation des uns à cause de certains particularismes identitaires, etc. : Diversité dans la Cité du divers – la divers-Cité – dit la guerre, l’injustice, le déni de reconnaissance, la méconnaissance, et l’inhumanité (déshumanisation, infrahumanisation, sous-humanisation, etc.). Dans les actualités de notre quotidienneté, cela se lit dans les récits de discrimination, dans les actes de génocide, etc. Dans nos relations micro-sociales, cela s’expérimente en attitudes de mépris, de dépréciation de la valeur (de la dignité) humaine, en actes d’humiliation, en gestes de rejet, en paroles hostiles, etc.

C’est dans cette contemporanéité de diversité que je voudrais présenter quelques enjeux théoriques et philosophiques de la reconnaissance de la diversité (liés aux différentes observations précédentes). Cette reconnaissance soulève trois interrogations principales : qui reconnaît, que reconnaît-on, qu’est-ce que cela signifie ? Sans parler des questions subséquentes : pourquoi reconnaître, sur quels principes ou au nom de quoi, dans quel(s) but(s) ? Des interrogations qui suggèrent que la reconnaissance est une question «posée et adressée à », qui en appelle à une réponse adéquate. Une question qui est potentiellement conflictuelle (réponse inadéquate, absence de réponse). Une question qui peut se résumer simplement par « Me vois-tu ? » qui laisse entendre « Je voudrais (enfin) que tu me voies ». Une question qui peut être celle de l’estime sociale d’un individu, dont la réponse adéquate est importante pour la réalisation de soi. Une question qui peut porter sur les expériences d’injustice vécues par des individus et qui interroge le fait moral de reconnaître (ou le caractère immoral d’un déni ou refus de reconnaissance). Et toutes celles-ci, au fond, en fin de compte, s’articulent autour d’une grande question : celle de la dignité, de la valeur de la personne, de la juste appréciation d’une telle valeur. Ce sont toutes ces interrogations, comme enjeux, que j’aborde dans cette contribution.

Reconnaissance(s) dans la divers-Cité : une demande adressée et une réponse donnée

Essentiellement, la reconnaissance est une réponse donnée à une demande d’attestation, à une attente de confirmation. On atteste un étant (par exemple pour ce qui est de la responsabilité, de l’imputabilité morale, juridique) (Ricoeur 2004), on confirme un étant (par exemple pour ce qui est de la face que nous présente l’Autre), on met fin à l’invisibilité, on octroie un statut et une valeur. Dans cette idée, la reconnaissance peut prendre trois formes : amour/amitié, droit, solidarité (Boukala & Pastinelli 2016, 10). Ces formes de réponses sont, selon la théorie honnethienne de la reconnaissance, les trois principes de reconnaissance des sociétés modernes.

Le principe de l’amour ou de la sollicitude (sphère de l’intimité) concerne les rapports affectifs forts (rapport amical, amoureux, familial). C’est l’expérience de l’amour qui fait en sorte que vous et moi puissions accéder à la confiance en soi.

Le principe de l’égalité (sphère juridique) permet à tout un chacun de développer le sentiment de respect de soi car vous et moi pouvons sentir que nous avons les mêmes droits.

Le principe de la solidarité (sphère de la collectivité) c’est de se sentir considéré comme utile à la collectivité en y participant ou en y apportant sa contribution. C’est en sentant que l’on est utile à la collectivité que l’on peut avoir accès au sentiment d’estime de soi.

L’absence de reconnaissance, comme théorisée par Ronald Laing (1971), est soit le déni de reconnaissance soit le rejet de reconnaissance. Ce qui peut être la cause d’un conflit et provoquer des luttes de reconnaissance. Ce conflit et ces luttes de reconnaissance sont la source de ré-actualisation de l’Autre.

Reconnaissance(s) dans la divers-Cité : le conflit, source de ré-actualisation de l’Autre

Diversité est un fait naturel qui tout aussi naturellement engendre une lutte conflictuelle, et fait que cette dernière est « une force structurante dans le développement moral de la société » (Boukala & Pastinelli 2016, 10).

Le conflit oblige à re-voir l’Autre :  le re-connaître (le re-signifier, se re-signifier par la même occasion) – sur ce plan cognitif il s’agit d’exercer une compétence d’identification (Ricoeur 2004). Reconnaître, c’est répondre à son exigence et son droit d’être en tant que (singularité) et comme (semblable) – sur le plan pratique il s’agit de l’attester, de le confirmer, de l’apprécier, dans ce qu’il demande d’être (Honneth 2002 ; Honneth 2006) ou dans ce qu’il est (Ricoeur 2004).

Ainsi, le conflit permet une ré-actualisation de (la connaissance de) l’Autre, et dans cette mesure implique aussi une ré-actualisation de celui qui re-connaît. Puisqu’il s’agit également de ré-évaluer, par le double processus d’identification et de normalisation de l’Autre, son propre univers de sens et de significations (son propre système normatif de valeurs ou son propre cadre symbolique) (Trigano 2007, 150). Mais, pour que cela soit possible, encore faut-il voir l’Autre. Un enjeu d’importance qui soulève l’interrogation suivante : « qui » et « que » voit-on chez l’Autre quand l’on reconnaît ? Interrogation elle-même liée à celle-ci : « qui » (identité singulière) est l’Autre et « qu’est-ce que » (nature) l’Autre ?

Reconnaissance, une question de voir l’Autre

Dans certaines situations comme celles touchant aux questions de la mémoire et du souvenir, la reconnaissance consiste à s’assurer que l’Autre soit vu afin qu’il ne disparaisse, ne soit oublié, et que quelqu’un puisse être en mesure de s’en souvenir (Margalit 2006). Faire disparaître, oublier ou ne pas se souvenir, est une autre mise à mort de l’Autre : trépassé et gommé de la mémoire (Kundera 1985, 14-15).

La reconnaissance comme devoir de mémoire est un impératif parce qu’elle rend justice par le souvenir à un autre que soi (Ricoeur 2000). Dans cette situation, la reconnaissance consiste à restituer ou à rétablir l’Autre dans sa dignité (Krog 2004, 70), à restaurer la dignité de l’Autre (parce que cette dignité est atteinte, abîmée, par l’offense). Dans cette idée, reconnaître passe par un double processus de constatation que quelqu’un a existé (que quelqu’un existe) – de le sortir de l’invisibilité, (quelque chose a eu lieu) (Dufoix 2009), et de singularisation de ce quelqu’un ou de cet événement en lui conférant un sens (moral, historique) et/ou une valeur (morale, historique) intrinsèquement distincts des autres.

Ce fût le cas de la reconnaissance récente du génocide culturel (Niezen & Gadoua 2014) qu’a été l’épisode de l’histoire canadienne des pensionnats autochtones. Il s’agissait de reconnaître institutionnellement un fait, de le faire sortir de l’oubli ou de l’inexistence, de lui faire une juste place dans le souvenir national (Bousquet 2016). Se souvenir des pensionnats autochtones comme mettre fin à l’invisibilité mémorielle, comme restituer la dignité de l’Autochtone et restaurer sa dignité. Voir sa souffrance et le re-voir.

De cette façon, reconnaître c’est octroyer à une personne un statut distinct des autres, par exemple le statut de victime. La victime n’est pas simplement regardée comme une simple partie participante, elle est vue comme une souffrance parce qu’ayant subi un préjudice, et souvent demandant réparation. Et c’est parce qu’elle est ainsi vue qu’elle est traitée en conséquence. Vue, reconnue, il est lui est possible d’envisager le pardon, la réconciliation, et la guérison. En ce sens, la reconnaissance joue un « rôle de convertisseur de la guerre en paix » (Rémy 2012, 35) en rendant possible la fin de la rancœur. Elle offre l’opportunité de faire sortir les parties participantes du cercle vicieux de la contre-offense répondant à l’offense – ou autrement formulé du ressentiment, de la vendetta perpétuelle, de l’escalade de violence.

Voir n’est pas regarder, cette dernière action relève davantage de la constatation ou la conscience d’un état (ou d’un fait, d’une réalité). Voir, c’est aller au-delà du constat de l’Autre comme (un) existant – comme (un) divers ou (un) fait divers, (un) fait du divers. C’est le saisir dans ce qu’il a de plus substantiel ou substantifique, et c’est la dignité humaine. L’Autre est d’abord une dignité humaine, c’est la nature intrinsèque de chaque individu.

Voir l’Autre, c’est ensuite le valider comme singularité – comme « qui  Je [suis]», une singularité à nulle autre pareille. Singulariser, c’est le détacher de la masse, mettre fin à son anonymat, ensuite le replacer dans un cadre symbolique (ou idéologique) global (unité de sens) afin de le normaliser (Trigano 2007, 149-150).

Normaliser en le rapprochant du connu, de l’identique, du Même afin qu’il prenne sens (Trigano 2007, 150). Toutefois, cette normalisation dans mon propos n’est pas la dissolution de l’Autre en tant que singularité dans la Totalité du Même (Levinas 1961). Puisque bien qu’en étant inscrit dans une unité de sens, celui-ci reste une autonomie de la volonté, suggérant non seulement un caractère irréductible mais surtout la possibilité qu’il se meuve en dehors du cadre (je veux dire toute singularité est évolutive, elle n’est pas réductible à une case identitaire – pour l’éternité, tout individu a une identité qui est de mouvements et en mouvement, et s’il est ainsi c’est parce qu’il exerce d’une façon comme d’une autre une certaine autonomie de la volonté). Cette réalité fait en sorte qu’un tel individu peut rendre obsolète et non-pertinent le sens initial du cadre symbolique. Aussi, ce sens initial, à la fois objectivation et subjectivation de l’Autre, découle du moment et du contexte de saisissement.  Cette réalité, encore une fois, fait en sorte que voir l’Autre n’est pas seulement une interprétation et une compréhension finales (définitives) de l’Autre mais oblige à une constante (re)découverte de l’Autre, un quasi éternel re-commencement, une re-évaluation permanente du cadre symbolique global (tout au moins partiellement), un ré-amendement de l’unité de sens. C’est ainsi qu’il serait envisageable de réduire le risque de méconnaissance de l’Autre – c’est-à-dire faire endosser à l’Autre une identité différente de son Soi, de s’assurer que l’on réponde adéquatement à la demande de reconnaissance formulée, de permettre que l’Autre puisse « apparaître en public sans honte » (Dubet 2007, 22), et lui donner « l’assurance plénière de son identité » tout en lui confirmant « son empire de capacités » (Ricoeur 2004, 383).

Par ce fait de voir l’Autre, de le re-voir, comme processus renouvelé de saisissement de l’Autre, la reconnaissance est une re-connaissance, qui lorsqu’elle se comprend comme processus social dans La Société du mépris (Honneth 2006) permet la juste valorisation de l’Autre. Cette juste valorisation de l’Autre, entendue par exemple comme le fait de conférer une valeur sociale à l’individu, permet de ne pas tomber dans le piège d’une estimation sociale de l’Autre seulement à partir du système de référence en vigueur dans la Cité (« la conception culturelle qu’une société se fait d’elle-même » – Honneth 2002, 148), mais de mesurer sa valeur sociale au-delà – c’est-à-dire d’abord sur ses « qualités caractéristiques » en tant que « personne particulière » (Honneth 2002, 138).

Certes, si la valeur sociale des individus « se mesure à la contribution qu’ils semblent pouvoir apporter à la réalisation des fins poursuivies par la société » (Honneth 2002, 148), il n’en demeure pas moins que la reconnaissance comme une réponse donnée à « des demandes d’estime dont le Moi de chacun et le Nous de chaque groupe sont à la fois la cible et l’enjeu » (Dubet 2007, 22) passe nécessairement par une attention portée aux capacités singulières des individus qui ne peuvent pas uniquement être vues dans une perspective matérialiste de leur contribution sociale. Peut-être parce que les individus peuvent ne pas avoir la capacité de contribuer effectivement à la vie matérielle sociale (par exemple ceux souffrant d’un handicap) ou vivre réellement des situations d’absence de capabilités (par exemple les individus appartenant à des milieux sociaux défavorisés). Ainsi, reconnaître c’est les voir dans leur contexte particulier et leur situation précise. C’est en les voyant dans leurs réalités qu’il est possible d’amender le système de référence ou de s’en écarter afin que l’estime sociale puisse favoriser la réalisation de soi. Dasns le cas contraire, la reconnaissance serait inadéquate ; il y aurait un rejet ou un déni de reconnaissance qui ferait vivre à de tels individus des expériences de mépris, d’humiliation, de colère, d’injustice.

Reconnaissance, une question de justice

Et c’est à cause de cette expérience du mépris que la quête de la reconnaissance devient une lutte sociale (Honneth 2002, 194). Dans la théorie honnethienne de la reconnaissance, les luttes de reconnaissance sont ainsi « une affaire de réalisation de soi » (Fraser 2004, 158). Dans la théorie taylorienne de la reconnaissance, il est davantage question du « bien » (Fraser 2004, 158).

Les deux théories sont critiquées par Fraser (2004) parce qu’elles ne permettent pas, dans un contexte de pluralisme des valeurs où il n’y a pas de conceptions universellement partagées de la réalisation de soi et du bien, de justifier le fait que les demandes de reconnaissance puissent être moralement contraignantes (Fraser 2004, 158). Les théories honnethienne et taylorienne ne permettent pas dès lors de rendre normativement contraignantes des demandes de reconnaissance ne partageant ni l’une ni l’autre des conceptions éthiques des deux théoriciens (Fraser 2004, 158).

Pour Fraser (2004, 158), le déni de reconnaissance est une question de justice, bien plus que de réalisation de soi et une question du bien. Dans cette idée, le déni de reconnaissance est « un tort relevant de l’ordre du statut, situé dans les relations sociales » (Fraser 2004, 159) et non de la psychologie. La psychologisation de la reconnaissance constituant un piège qui peut, en transformant le déni de reconnaissance en « déformation de la conscience de soi de l’opprimé » (Fraser 2004, 159), permettre de blâmer la victime et de ce fait d’« ajouter l’insulte à l’injure » (Fraser 2004, 159).

De l’autre côté, la psychologisation de la reconnaissance fait du déni de reconnaissance « l’équivalent d’un préjugé dans l’esprit des oppresseurs » (Fraser 2004, 159) dont la solution consisterait à « policer leurs croyances, ce qui est une approche autoritaire » (Fraser 2004, 159). Ainsi, en adoptant la reconnaissance comme une théorie de la justice, il est possible de voir dans le réel qu’est l’existence sociale (actes rendus publics dans l’espace social) des obstacles « à la jouissance du statut de membres à part entière de la société pour certaines personnes, et [que] ces obstacles sont moralement indéfendables […] » (Fraser 2004, 159).

Sous un autre angle, la théorie de la justice permet de ne pas « supposer d’un droit à l’estime sociale égal pour tous » car cette « position est intenable » (Fraser 2004, 159). Intenable simplement du fait que l’estime est en soi une question de mérite. Le mérite dit une singularisation par rapport au commun. Le mérite est lié aux capacités propres de tout un chacun (tout le monde n’est pas pareil en ce sens) ; dans l’intersubjectivité (amour, amitié) il dépend entre autres choses de qui évalue de telles capacités et à partir de quelle(s) valeur(s) (par exemple, valeur esthétique, valeur érotique, etc.), valeurs qui disent une signification et un sens donnés à l’Autre. De la sorte, il est donc difficile de justifier en toute logique un droit légitime à l’estime sociale pareil pour tous comme le laisse penser , selon Fraser (2004, 159) la théorie honnethienne notamment. Pour Fraser, estime ne signifierait plus grand-chose, une telle approche théorique réduirait « à l’insignifiance l’idée même d’estime » (Fraser 2004, 159).

Pour Fraser, en regardant la reconnaissance comme une question de justice, il est possible d’induire que chacun a, non pas un droit à l’estime sociale égal pour tous, mais un droit égal à rechercher l’estime sociale dans des conditions équitables d’égalité des chances (Fraser 2004, 159).  L’estime sociale est dans cette perspective une question de distribution équitable de la valeur accordée aux individus.

C’est en ayant cette lecture fraserienne de la reconnaissance que l’on peut observer que certaines conditions permettant la réalisation de soi ne sont pas remplies (Fraser 2004, 159). Certains individus ou groupes d’individus du fait de l’interprétation et de l’évaluation institutionnelle donnée à «divers» (par exemple l’homosexualité) sont déclassés. Ces faits divers rencontrent des difficultés dans leur recherche d’estime sociale que les autres ne reconnaissent pas (Fraser 2004, 160). Formulé autrement, pour se réaliser, encore faut-il en avoir les moyens mais surtout le pouvoir comme opportunité véritable de faire.

C’est à partir de tous ces aspects que le déni de reconnaissance est le fait d’« être empêché de participer en tant que pair à la vie sociale » (Fraser 2004, 159), au-delà même d’être victimes des attitudes, des croyances et des représentations méprisantes, dépréciatives ou hostiles des autres (Fraser 2004, 159). Le déni de reconnaissance est moralement condamnable parce qu’à cause de modèles institutionnalisés de valeurs culturelles –il refuse à certains individus et à certains groupes la possibilité de participer à l’interaction sociale sur un même pied d’égalité que les autres (Fraser 2004, 158). C’est un déni du statut de «partenaires à part entière» dans l’espace social.

Ce déni de reconnaissance est aussi moralement condamnable (Fraser 2004, 158) parce que – toujours en raison des modèles institutionnalisés de valeurs culturelles – certains individus et certains groupes voient leurs caractéristiques distinctives dépréciées, ou qu’ils se voient attribuer des caractéristiques distinctives dépréciatives, ce qui a pour conséquence de les empêcher de participer au même titre que les autres à la vie sociale ou aux interactions sociales. Ainsi, dans cette théorie de la justice, c’est la « notion de parité de participation » (Fraser 2004, 161) qui constitue le pivot normatif.

La reconnaissance comme justice, c’est dès lors nécessairement : 1/ l’instauration de normes formelles d’égalité juridique, renforcées tout aussi nécessairement par 2/ une distribution équitable des ressources matérielles aux participants de la vie sociale (des interactions sociales) afin de s’assurer leur indépendance et la possibilité de s’exprimer (c’est la condition objective), et 3/ par l’instauration ou la révision des modèles institutionnalisés d’interprétation et d’évaluation exprimant « un égal respect pour tous les participants [et assurant] l’égalité des chances dans la recherche de l’estime sociale » (c’est la condition intersubjective) (Fraser 2004, 162).

Ainsi, reconnaître c’est avant tout objectivement éliminer les formes d’inégalité matérielle et de dépendance économique qui sont des obstacles à la participation (Fraser 2004, 162). Et intersubjectivement, c’est bannir “les modèles institutionnalisés de valeurs qui dénient à certaines personnes le statut de partenaires à part entière” (Fraser 2004, 162). Une telle reconnaissance mobilise en effet deux approches théoriques : celle de la théorie de la justice distributive et celle de la philosophie de la reconnaissance (Fraser 2004, 162).

Reconnaissance, une question de (principe) moral

Si la reconnaissance est une question de justice et que le déni de la parité de participation est une situation moralement condamnable, cela suggère qu’il existe un principe philosophique moral permettant de constater une violation et de déterminer l’immoralité d’une telle situation. Si un tel principe moral existe, l’on pourrait se demander s’il est le propre d’une Cité particulière ou est universel. Également, peut-être surtout, de savoir s’il peut être compris de la même manière par tous (autant pour tous les membres d’une Cité particulière que par tous les membres de l’Humanité) et qu’il puisse être appliqué à toutes les situations sans qu’il ne génère lui-même des expériences de l’injustice (que le juste ne crée pas l’injuste). Autrement dit, la reconnaissance comme justice « requiert-elle de placer la reconnaissance des caractères distincts des individus [reconnaissance de la différence] et des groupes au-dessus de la reconnaissance de leur commune humanité [reconnaissance de l’égalité] ? » (Fraser 2004, 162).

Pour Fraser (2004, 162), « la parité de participation est une notion universaliste » parce d’un « elle embrasse tous les partenaires adultes de l’interaction » sociale, et de deux « elle présuppose l’égale valeur morale des êtres humains ». Et donc, c’est un universalisme moral. Seulement Fraser (2004, 162-164) se refuse d’adopter une position théorique philosophique sur la question de savoir si c’est sur le principal moral du droit à la différence ou celui du droit à l’égalité qu’est fondé cet universalisme moral. Ce refus est justifié par Fraser (2004, 163) au nom de la diversité des expériences de l’injustice vécues et observables dans la divers-Cité. C’est-à-dire que de façon pragmatique (et loin d’une conceptualisation théorique abstraite) il n’est pas « possible de répondre à cette question » (Fraser 2004, 163) en ayant « recours à des arguments philosophiques abstraits » (Fraser 2004, 163). Le réel l’exige.

Dans le réel, il existe des cas de déni de reconnaissance qui sont moralement condamnables parce qu’il viole le principe du droit à la différence sans lequel la participation paritaire de certains individus dans les interactions sociales n’est pas effectivement possible. Il existe aussi des cas où la violation du principe du droit à l’égalité est la source de la non-participation paritaire de certains autres. Il peut exister aussi des cas où le déni de reconnaissance consiste en une combinaison des deux principes moraux.

De la sorte, confirmant une éthique déontologique de la reconnaissance, Fraser (2004, 163) considère qu’il importe d’éviter d’élaborer des théories plus ou moins holistes et décontextualisées qui peuvent être inopérantes dans le réel (par exemple dans l’identification des situations moralement condamnables et dans l’explication de la raison de leur immoralité).

Pour Fraser (2004, 163), il faut considérer la reconnaissance comme une théorie de la justice dans le cadre d’une théorie critique de la société. Voir en la reconnaissance davantage un remède à l’injustice que simplement une question de besoin humain (selon une approche taylorienne). Ainsi, dans tous les cas, le remède (reconnaissance de la différence, reconnaissance de l’égalité) doit être « adapté au tort subi » (Fraser 2004, 163).

Une position critiquée par Dubet (2007, 17) pour qui la théorie honnethienne voit juste dans sa capacité à regarder la reconnaissance comme une atteinte à l’estime de soi. Sans nier le fait que le mépris soit « le dénominateur commun d’une palette de souffrances sociales » et que les injustices sociales « sont aujourd’hui vécues comme une atteinte à l’identité, à l’estime de soi, à la capacité d’agir et de se sentir pleinement membre d’une société », il n’en reste pas moins que la théorie honnethienne en sociologie est une « critique immanente dont le point de vue normatif est […] une expérience fondamentale et constante de l’humanité » parce que les individus ont non seulement besoin de se réaliser eux-mêmes mais ils ont aussi besoin des autres pour y parvenir. Toutefois, pour Dubet (2007, 17) la théorie honnethienne ne peut pas « se substituer à une théorie de la justice », et cela s’observe empiriquement.

La lecture dubetienne de la reconnaissance permet d’abord de constater que « ce n’est pas parce qu’une expérience fait souffrir qu’elle est nécessairement injustice, même si elle appelle de la compassion » (Dubet 2007, 18). En outre, toutes les revendications de reconnaissance ne sont pas « fatalement justes et légitimes » (Dubet 2007, 18). C’est aussi là un réel. Dès lors, pour Dubet (2007, 18), il convient de distinguer reconnaissance et justice. Et même, la reconnaissance n’est pas un principe de justice (Dubet 2007, 18) sans que cela n’enlève rien à l’exigence de reconnaissance (Dubet 2007, 18). Si la reconnaissance n’est pas une affaire de justice, elle est davantage selon Dubet (2007, 23) une affaire d’anthropologie morale définissant « les fondements d’une nature humaine épanouie et d’une autoréalisation individuelle » bien plus qu’elle ne renvoie aux « conditions d’une société et d’institutions justes ».

Pour Dubet (2007, 29-34), il existe trois principes de justice en termes de participation sociale : 1/ le principe de l’égalité qui établit une reconnaissance de non-différenciation entre les individus (ce qui est une reconnaissance élémentaire); 2/ le principe de mérite (différencier, singulariser, en valorisant différemment un sujet par rapport aux autres en raison de ses capacités propres – distinction) qui établit une reconnaissance de différence entre les individus, et dont la violation peut causer un déni de reconnaissance vécue par les sujets comme une expérience de l’injustice (le refus de reconnaître le mérite et donc par exemple le refus d’avoir accès à une juste rétribution); 3/ le principe d’autonomie (ici, il est question à la fois de l’aliénation du sujet à qui il est empêché de pouvoir disposer librement de soi, ce qui peut constituer un obstacle à la construction de sa singularité et dans l’exercice de sa créativité).

Ces principes dans le monde social du travail (étudié par Dubet) sont mobilisés comme revendications de la reconnaissance et leurs violations vécues, soit comme des expériences de l’injustice soit comme des dénis de reconnaissance n’impliquant pas forcément une expérience de l’injustice. Ce qui paradoxalement confirme la diversité fraserienne de possibles expériences de l’injustice (ou non) vécues par les individus, donc de la nécessité de contextualiser et de faire preuve de pragmatisme.

Ainsi, distinguer les principes de justice qui sont mobilisés dans l’espace social aux fins de reconnaissance est un impératif afin de comprendre les motifs des luttes sociales et d’y répondre adéquatement. Le principe de l’égalité « repose sur un postulat ontologique fondamental » (Dubet 2007, 33), le principe de mérite « procède du calcul des contributions et des rétributions » (Dubet 2007, 33), le principe d’autonomie « est de nature éthique et se construit comme rapport à soi » (Dubet 2007, 33).

Reconnaissance, une question de dignité

Dans une autre perspective, la reconnaissance peut s’observer comme une forme d’échange entre les subjectivités que sont les individus et dont l’objet est la dignité. S’il est possible de le voir de cette façon, l’on pourrait analyser la reconnaissance de la manière suivante : la face que je te présente est celle d’une personne de dignité, la tienne aussi, j’ai besoin que tu m’estimes parce que je suis avant tout une dignité et toi de même – c’est-à-dire une dignité humaine semblable à moi. Ainsi, quand je te reconnais, je confirme valide, réciproquement, cette dignité chez toi,. Et te reconnaitre, c’est réciproquement, re-prendre conscience de cette dignité,.

La dignité humaine étant – si l’on adopte une lecture kantienne (Kant 2018) – une valeur intrinsèque à l’Humain, elle est absolue (une fin morale objective, une fin en soi, puisqu’étant ce que chacun doit vouloir) et universelle (puisqu’elle est inhérente à la personne). Cette dignité humaine dans la perspective kantienne n’a donc pas de prix. Nous avons, fondamentalement et de façon non-négociable, parce que personne, le même prix chacun, même si on pense le contraire. C’est dans la lecture kantienne une réalité qui s’impose à tous, de telle sorte que la dignité humaine ne saurait être dépréciée (ou mesurée de façon dépréciative). Ainsi, l’on pourrait en déduire que la reconnaissance comme validation et appréciation juste de l’Autre est essentiellement celle de la valeur de la dignité humaine. Et cette appréciation ne saurait être autrement juste que si elle n’est pas dépréciée, parce qu’une telle dépréciation nierait en soi la dignité humaine même.

Mais pour Pharo (2007, 107), adoptant une lecture sociologique morale de la dignité, cette dignité humaine « enfin reconnue » reste dans le réel – pour dire dans la quotidienneté – pour « beaucoup de gens […] encore très hypothétique ». Ce que les gens vivent dans le réel c’est « la stigmatisation, l’illégitimation, le déni de valeur, le mépris, la condescendance, l’humiliation, l’indifférence, l’abandon qui frappent toutes sortes de parties de la société […] ». En se voulant plus réaliste, Pharo (2007, 108) considère que reconnaître c’est considérer « trois ordres de valeurs qui semblent prédominantes dans l’appréciation d’un homme, et considérer chacun des deux principaux points de vue [intersubjectif et réflexif] qu’on peut adopter » à son égard.

Pour Pharo (2007, 108) ces trois ordres de valeur sont : 1/ la valeur fonctionnelle (utilité, désirabilité ou attractivité – Pharo 2007, 109-110); 2/ la valeur d’agrément (une question de goût, elle se situe en partant d’une catégorisation wébérienne développée dans la Sociologie de la religion dans les sphères esthétique et érotique – c’est-à-dire une personne a de la valeur parce qu’elle plaît ou dit autrement parce qu’elle est belle, parle bien, a de l’entregent, est sexuellement attirante ou séduisante, intellectuellement distrayante ou amusante ou qu’elle procure « cette sensation du bonheur extrême qu’il y a à triompher du rationnel » – Pharo 2007, 112-114); 3/ la valeur juridique (elle a trait au droit commun qui donne une valeur égale à tous, aux droits particuliers qui crée des valeurs inégales, permet de « protéger l’individu et pallier les injustices éventuelles dans la distribution des valeurs fonctionnelles » – Pharo 2007, 116-117) et morale (qui garantit « la valeur intrinsèque des personnes », c’est la valeur « irréductible d’un homme », elle « apparaît en effet comme une garantie universelle contre les aléas intersubjectifs de l’évaluation sociale ordinaire et comme le puissant adjuvant d’une estime de soi fragilisée par cette évaluation » – Pharo 2007, 117-118).

Sur ce dernier point qu’est la valeur morale de la personne, Pharo (2007, 118) observe que le principe qui la fonde est « celui de l’égale dignité ou de la valeur éminente de la personne humaine ». Et ce principe est autant reconnu par les morales religieuses que les morales républicaines (Pharo 2007, 118). Toutefois, note Pharo (2007, 118) le principe de l’égale dignité n’empêche pas dans le réel de faire cesser les expériences de l’injustice et les souffrances (par exemple, la stigmatisation sociale).

Ce principe de l’égale dignité dit aussi une éthique ambigüe puisqu’il renvoie « à la fois aux qualités morales ou aux vertus réelles de la personne et au respect et à la considération qu’on lui doit, en tant qu’elle est une personne, quelles que soient ses vertus réelles » (Pharo 2007, 118). De ce fait, le principe de l’égale dignité comme argument éthique « n’a pas exactement la même signification ni la même efficacité suivant qu’il se situe sur le plan intersubjectif, c’est-à-dire ce qu’on pense d’un sujet, ou sur le plan réflexif, c’est-à-dire ce qu’il pense de lui-même » (Pharo 2007, 118). C’est en partant de cette observation que Pharo (2007, 118) remarque que si le principe d’égale dignité est considéré comme celui d’égal accès pour chacun à une « existence reconnue dans sa dignité par les autres et par lui-même », il ne permet pas de voir la valeur particulière des personnes. En revanche, le principe d’égale dignité peut créer « des devoirs à autrui pour faire reconnaître le droit de chacun » (Pharo 2007, 119) et rendre possible entre les individus l’instauration d’un rapport de solidarité (acte de soutien, de sollicitude, de présence pour autrui).

De manière plus réflexive, Pharo (2007, 119) situe la question de la dignité dans ce que l’individu se conçoit lui-même (reconnaît ou exige de lui-même) – pour dire, un individu peut ne pas être convaincu de sa propre dignité et de son « éminente valeur ». La dignité dépend ainsi de la valeur morale particulière de tout un chacun. Un individu peut dans le réel lui-même se déprécier en termes de dignité ou déprécier la valeur de sa dignité, cela est possible notamment pour un individu ne disposant pas « des capabilités de base lui assurant les moyens minima de contrôle sur le cours de sa vie » (Pharo 2007, 119).

Ainsi, même s’il est vrai que dans l’intersubjectivité se joue une question de face à face (face dans le sens goffmanien – Goffman 1973), de confirmation réciproque des faces, que l’estime de soi est conditionnée par la dignité intersubjective, il importe selon Pharo (2007, 119) de considérer aussi que l’individu est capable d’une autonomie du jugement réflexif. Ce dernier pourrait, hors de toute comparaison sociale ou en y étant moins sensible, « se convaincre lui-même de sa propre valeur » (Pharo 2007, 119).

Conclusion

En somme, reconnaître le divers, le fait divers, l’Autre, soulève des enjeux théoriques et philosophiques d’une grande diversité. Dans la quotidienneté de la divers-Cité, ces enjeux se vivent par les individus et s’observent chez eux, ils ne sont donc pas ainsi simplement des questions abstraites. Ces questions bien vivantes débouchent sur une pluralité de réponses qui illustrent le fait qu’il n’y a pas de vérité dans la reconnaissance de la diversité, mais plutôt des sens divers comme des perspectives à adopter afin de reconnaître adéquatement, de juste reconnaître. Et il a été montré dans cette modeste contribution que pour rendre possible une reconnaissance adéquate, une juste reconnaissance, de la diversité, il me semblait impératif de voir et re-voir l’Autre. Cela demande d’aller au-delà du simple regard qui constate et qui prend conscience de l’Autre comme fait du divers, comme fait divers, pour le connaître, le re-connaître, c’est-à-dire le saisir en tant que et comme. En tant que singularité et comme semblable. Le saisir dans sa substance, de le saisir comme raison, dans son empire de capacités, dans sa réalité, comme dignité (humaine). Voir et re-voir l’Autre transforme celui qui voit et re-voit, car son cadre symbolique (de sens et de significations) en est affecté, personne ainsi ne sort indemne ou pareille de la reconnaissance qui se joue dans l’intersubjectivité. Ce qui au fond est tout à fait naturel sans être dénué de conflit (avec soi-même, avec l’Autre). En même temps, le conflit n’est pas si mal.

Biographie

Davy Ludewic Makasso est étudiant à la maîtrise en études internationales) à l’Université de Montréal.

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