Par Mariana Uviña
Parmi les sujets les plus inquiétants dans la vie, se trouve la santé. Il convient d’abord de spécifier les concepts qu’englobe ce terme. Je prendrai ici la santé, comme la mesure de la capacité d’un individu ou d’un groupe à satisfaire ses besoins et à réaliser ses ambitions, à évoluer ou à s’adapter à son milieu. Nous incluons la partie physique, mentale, émotionnelle et sociale en tant qu’ensemble de caractéristiques définissant le bien-être comme résultat d’une qualité de vie ; nous pouvons donc la percevoir comme une ressource de la vie quotidienne à laquelle tous ont droit et dont tous ont besoin.
Se loger, avoir accès à de la nourriture, à un revenu, être en condition de se procurer tout ça d’une façon autonome, et soutenir ses enfants, ses personnes âgées et les personnes les plus vulnérables dans notre système social… Cela comprend les besoins fondamentaux d’affection, de justice sociale, d’équité, de paix, de soins sanitaires, d’éducation, de culture ainsi qu’un écosystème sain et stable.
Une bonne santé est une ressource primordiale pour le progrès individuel, social et économique de l’être humain et donc, un aspect important de la qualité de la vie. Les facteurs biologiques, sociaux, culturels, économiques, environnementaux, politiques et comportementaux peuvent tous intervenir en faveur ou contre la santé.
Nos concitoyens ne peuvent accomplir leur potentiel de santé optimal s’ils ne prennent pas en charge les éléments qui déterminent leur état de santé.
Nous pouvons dire que de bons programmes de santé se créent dans le monde entier. Les gouvernements, le secteur de la santé et les groupements professionnels et sociaux, tout comme les personnels de la santé, les acteurs sociaux et économiques, les organismes et associations bénévoles, les autorités locales, provinciales et nationales, l’industrie pharmaceutique et les médias ; les gens de tous les milieux interviennent en tant qu’individus, familles et communautés en faveur de la santé. Mais dans une société qui déborde de membres atteints de maladies d’ordre physique et mental, les ressources ne suffisent pas.
Dans mon expérience comme intervenante bénévole dans une association de soutien en santé mentale dans la région de la Montérégie, au sud de Montréal, je constate, depuis plus de deux ans, que le nombre de personnes qui souffrent d’une maladie ou d’un déséquilibre mental a augmenté de façon astronomique.
Dans ce secteur de la santé, les protocoles – dans le but de donner des services – suivent immédiatement un diagnostic, c’est-à-dire au tout début de l’intervention, à partir du moment où une personne a dû être hospitalisée ou a souffert d’un déclenchement des symptômes graves liés à une maladie mentale. C’est alors qu’on lui vient en aide et qu’elle peut recevoir des services du programme de santé pertinent.
Le patient passe par une consultation avec son médecin de famille, qui l’envoie chez un spécialiste (psychiatre, psychologue, travailleur social, etc.) pour définir quelle sorte d’intervention sera nécessaire et annoncer quel est le diagnostic officiel au patient et à sa famille. Ces services sont offerts aussi lorsqu’il y a une récidive ou une crise. Jusqu’ici, tout va bien. Malgré la maladie, l’aide est là. Mais que se passe-t-il après sa sortie de l’hôpital et lorsque le patient voudra reprendre sa vie en main ?
Dans les intervalles suivant ou entre ses étapes, la personne est référée aux associations et aux groupes et programmes de soutien, ces protocoles changeant selon les programmes de chaque région ou pays. Lorsque les incidents sont récents, les patients se sentent motivés à participer aux groupes et activités, à prendre leurs médicaments et à garder l’espoir de se rétablir et de s’adapter.
Par exemple, dans le cas de la schizophrénie, lorsque les diagnostics sont clairs et sévères, ça veut dire que la maladie se contrôle, sans pouvoir toutefois être guérie. Les patients entament alors un long pèlerinage de programme en programme et de crise en crise, et c’est à ce moment-là que les associations et groupes de personnes intéressées à offrir de l’aide entrent en action.
Un patient qui est diagnostiqué schizophrène à l’âge de 17 ou 20 ans, par exemple, et qui a maintenant 65 ans ou plus, a déjà fait un long parcours entre les périodes inter épisodiques de sa maladie, des admissions à l’hôpital et des congés et les différents groupes et activités de soutien auxquels il a été référé par les travailleurs sociaux.
Il peut choisir de faire appel aux groupes qu’il trouve par ses propres moyens, parce qu’il peut être lassant de fréquenter le même endroit durant des années. Il faut que la personne évolue et se renouvelle, qu’elle fasse de nouvelles connaissances et expériences, pour arriver à mener une vie où le concept de santé, dont je parle au début, puisse s’exprimer de manière optimale.
Dans les cas de maladies mentales transitoires comme la dépression ou les troubles d’anxiété, de la névrose, par exemple, les patients doivent aussi être aidés par ces groupes de soutien, mais ils vont chercher de l’aide au besoin auprès des associations de soutien en santé mentale.
À un moment donné, ces personnes atteintes de façon chronique, ainsi que les personnes qui ont seulement des épisodes de troubles non chroniques, mais pour des périodes prolongées d’une maladie mentale, se trouvent dans un « vide » des programmes sociaux. On peut dire qu’il n’y a pas de services publics de soutien pour eux. Ils sont privés d’accompagnement et de la relation d’aide dont ils ont besoin. Ils se sentent perdus et entreprennent un pèlerinage dans des groupes qui ne sont pas supervisés. Ils peuvent faire de mauvaises expériences avec un coaching déficient.
Cela dit, il existe un bon nombre d’associations et d’institutions que fournissent à la société des services et des programmes de soutien. Quelques-unes survivent avec des subventions du gouvernement, avec un faible nombre d’emplois rémunérés, mais la plus grande partie survit grâce au bénévolat.
Certaines associations fonctionnent avec leurs propres moyens ; les membres apportent des contributions en argent et les bénévoles donnent de leur temps pour arriver à offrir des services de secours aux personnes vivant dans ce territoire désert de l’assistance sociale. L’État se désengage et le soutien public laisse de plus en plus la responsabilité de ce secteur aux associations formées, organisées et soutenues par des particuliers.
Je décrirai à présent mes deux dernières années de bénévolat dans les services de soutien en santé mentale. J’ai observé des lacunes et un manque de coordination dans ce genre de groupes. Tout d’abord, il nous faut courir sans cesse derrière les fonds, les cueillettes ne donnant pas les résultats escomptés depuis quelques années. Les activités organisées pour recueillir de l’argent exigent un grand nombre de bénévoles et ne donnent pas suffisamment de fruits.
Les rappels que l’on fait au système de santé géré par le gouvernement obtiennent des réponses fort tardives, lorsqu’elles viennent, ou alors des actions très limitées dans leurs budgets. En général, ils rapportent, dans la plupart des cas, une subvention équivalant au salaire annuel d’une seule personne, tout au plus. Mais une association ne peut pas donner des services miraculeusement ; elle doit payer un loyer, de l’électricité, des assurances, des salaires, ne serait-ce que celui d’un ou d’une secrétaire et d’un travailleur (se) social(e) ou intervenant(e) agréé(e), le reste de l’équipe pouvant être bénévole.
Dans le centre où je suis bénévole, il y a une vingtaine de personnes qui font du volontariat, en plus de ceux qui y viennent de temps en temps pour participer à des activités. La gamme de services que l’association offre est très vaste. Nous avons des groupes de soutien pour les personnes atteintes d’une maladie mentale, telle que la schizophrénie, la dépression, les troubles de la personnalité limite, etc.
Dans le cadre de plusieurs programmes, nous offrons des activités pour aider nos clients à se réinsérer sur le marché du travail, avec des cours pour améliorer la langue anglaise et française, de l’art-thérapie, des conférences sur la santé mentale et de l’aide de psychologues et d’intervenants en travail social, entre autres. Ces services sont aussi offerts aux personnes prestataires de l’aide sociale ou de la solidarité sociale qui, malgré leur motivation, ne réussissent pas à occuper un emploi ou qui se retrouvent dans des situations qui les freinent ou les empêchent de participer au marché du travail. La clientèle est en majeure partie locale, mais nous accueillons quelques immigrants également. Les résultats sont encourageants. Présentement, nous travaillons à un projet prometteur d’actualisation de nos services, incluant des ateliers et des conférences offerts à la population en général.
Les gens qui travaillent dans ces centres finissent par se lasser de chercher comment continuer à travailler sans les fonds fournis par le système responsable. Ils essayent alors de le faire en puisant dans leurs poches. Cela signifie qu’ils consacrent leurs économies personnelles au soutien de la partie qui ne peut pas être complétée pour les frais d’opération, en plus de donner des heures de travail sans être payés. Certains font des heures supplémentaires pour suppléer au manque de bénévoles. Cette situation, je la vois très fréquemment depuis trois ans, dans mon emploi au centre de soins de longue durée et dans des résidences pour personnes âgées. Dans certains centres, il est fort difficile de trouver des bénévoles prêts à aider pour les activités récréatives et d’accompagnement pour les gens de l’âge d’or.
Par ailleurs, la qualité des services que certaines associations offrent est à remettre en question. Les programmes ne fonctionnent pas parce qu’il n’y a pas de programmes destinés à aider d’une façon effective. Les services sont donnés par des personnes pleines de volonté, qui ont du cœur, mais qui n’ont pas la possibilité de se renouveler elles-mêmes, de se perfectionner pour mieux aider autrui. Elles ne sont pas rémunérées pour le temps qu’elles donnent, et il faut bien gagner de l’argent pour vivre. De plus, elles ne peuvent pas guérir leurs propres blessures psychologiques, s’actualiser. Voilà le panorama de plus en plus dramatique dans la sphère du soutien et de la relation d’aide en santé mentale.
Les méthodes utilisées sont anciennes. Les intervenants ne vont pas chercher ni les nouvelles approches ni des formations plus actuelles (les coûts des formations étant prohibitifs). Bref, ils ne veulent pas réapprendre, n’en voyant pas la nécessité et en comptant uniquement sur leur expérience. Il est difficile de présenter de nouveaux programmes, soit pour informer notre patientèle, soit pour démystifier les maladies mentales auprès de la population.
Les professionnels de la santé mentale n’ont pas le temps de s’occuper gratuitement de ces programmes ou patients livrés à eux-mêmes. Vu les exigences d’une telle carrière, c’est fort compréhensible.
Dans une de mes expériences antérieures, j’avais quasiment abandonné l’idée d’introduire des nouvelles informations qu’on pourrait qualifier de « nouvel âge ». À ma dernière tentative, je me suis fait conseiller de suivre les anciennes recettes. Je devais laisser les gens répéter leur récit (déjà écoutés par des intervenants depuis des années) sans que nous proposions de nouvelles approches et des activités d’introspection émotionnelle. J’aurais voulu les guider dans la gestion de leurs émotions, par exemple, pour les aider à avoir une vision différente de leur situation, pour qu’elle soit plus facile à gérer de manière autonome et qu’ils puissent lâcher un peu la bouée de secours. J’ai persévéré parce que je sais qu’une société, pour progresser, a besoin de temps pour amorcer les prochaines étapes vers l’amélioration de la santé mentale collective ; de temps avant de commencer à accepter de nouvelles techniques comme le biodécodage et des informations provenant de l’épigénétique ou de l’analyse transgénérationnelle.
Lors de mes passages dans divers groupes, il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir l’impression que certains secteurs de ces centres ne sont pas désireux de voir les personnes malades s’améliorer – pour une période de leur vie à tout le moins – qu’elles arrivent à être plus indépendantes et qu’elles guérissent.
Qu’en penser ? Les centres d’aide ont peut-être peur de les perdre, que si leurs patients se sentent bien et sont enfin capables de reprendre leur vie en main, ils repartiront tout simplement, en laissant ces associations et groupes et « leur cause » sans clientèle. Il arrive, me semble-t-il, qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils tournent en rond avec des désirs contradictoires. Ils veulent faire du bien, mais à qui ? Malgré leur bonne volonté, certains sont aussi malades que leur clientèle. Voila peut-être pourquoi les autorités responsables de la santé au Québec ne veulent pas accorder d’aide monétaire supplémentaire sans voir des résultats positifs qui se reflètent dans cette fraction de la société, qui aspire à devenir plus saine et indépendante du « papa gouvernement ».
D’autre part, j’aimerais explorer le côté du client, le patient, la personne atteinte de maladie mentale. Il est certain qu’il existe des centaines de groupes, d’associations et de programmes qui fonctionnent très bien ; peut-être ceux qui jouissent de juteuses subventions et arrivent à justifier leurs salaires et leurs besoins financiers et qui offrent des résultats tangibles relatifs aux statistiques de récupération ou de réinsertion sur le marché du travail. Je sais que certains clients sont sincèrement déterminés à se sortir de leur situation de manque de santé ou d’équilibre mental.
J’entends souvent des clients me dire qu’ils ne reçoivent pas suffisamment d’aide financière, qu’ils ne bénéficient pas du soutien nécessaire, que s’ils sont malades, c’est de la faute du système, du gouvernement. Certaines personnes sont éternellement insatisfaites de l’aide qui leur est offerte. L’être humain a tendance à chercher et à trouver des coupables pour ses malheurs. Ça lui donne une excuse pour ne pas prendre sa part de responsabilité dans sa propre situation.
J’ai remarqué que si ces clients font au moins l’effort d’assister régulièrement aux activités des programmes proposés, s’ils sont disciplinés, s’ils arrêtent de se plaindre, s’ils administrent leur budget, s’ils tentent de s’incorporer au marché de travail en exécutant des tâches simples ou du bénévolat, cela change la donne. Je préconise donc une participation minimale, faire sa part au lieu de se contenter de critiquer un système qui, bien qu’il ne soit ni complet ni le plus généreux, ne nous abandonne pas complètement à notre malchance.
Aux possibles causes liées aux maladies et aux déséquilibres d’ordre mental, j’aimerais ajouter que la communauté scientifique nous prévient depuis longtemps des affections et de la désorientation causées dans les hémisphères cérébraux, et sur le champ électromagnétique du cœur qui est lié au champ électromagnétique de la Terre. Il existe une longue liste de phénomènes et d’évènements planétaires qui peuvent contribuer à l’augmentation de ces désordres (ondes psychotroniques, infrasons, pollution électromagnétique, pollution lumineuse et autres) ; tout cela nous donne un panorama suffisamment étendu pour nous faire comprendre qu’il faut changer pour nous adapter aux conditions actuelles de la vie sur Terre ou commencer à accepter la folie collective et apprendre à cohabiter avec elle.
En conclusion, nous sommes dans une ère de renouvellement qu’aucun secteur de notre organisation sociale ne peut rater. À part remettre en question la médecine allopathe, par exemple, je crois qu’il serait utile, pour commencer, de prendre nos responsabilités au sérieux en apprenant à gérer nos émotions, à nous préparer, à nous informer au-delà de ce qui est écrit dans les journaux et diffusé à la télévision, à lire des articles scientifiques sans se forcer à tout comprendre, à sortir de l’indifférence et de l’apathie, à mieux nous connaître et à analyser nos schémas de penser et nos comportements destructifs. Reconnaître que l’on contribue à enflammer l’inconscient collectif avec nos croyances et nos paradigmes erronés, nos peurs et nos malheurs. Et ça se passe avant tout dans l’esprit. La reconnaissance étant la même chose que la prise de conscience.
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D’origine mexicaine, Mariana Uviña est intervenante en travail social et naturopathe. Son intérêt pour la philosophie l’a amenée à étudier le bouddhisme, le judaïsme, la culture pharaonique, l’hindouisme et la culture toltèque. Mariana préside le conseil d’administration d’un centre d’aide en santé mentale et dirige également un groupe d’entraide pour les immigrants.