Chapelet

Par Gilles Matte

Voir PDF: vol40no2_chapelet_matte

malgré les mots croisés du hasard

malgré les publications inédites de la mémoire

l’épine trop lourde posée au front de l’eau

malgré l’incantation dans la paume

le pétrole sec du chant des seringues

malgré les grands blocs d’air entre nos pas

le désir use son frein

malgré les saveurs obéissantes de la pluie

malgré les marais intimes de la lumière

malgré le langage des limes son licou trop léger

malgré le cœur tourné brut aux enchères du manège

et la musique décapsulée à la hâte

le désir use son frein

et le délire casse des tuiles de lumière dans la tête des amoureux

malgré le large lent cri muet des peintres

malgré la courroie de distribution des poètes

malgré les vêtements aveugles et les cils étroits des marchands

les écoles de justice

les barreaux du doute  recyclé à toutes les fenêtres

le désir use son frein

avec la poussière chaude et rouge dans l’écuelle du voyageur

avec la mémoire trouée des arbres

avec les alinéas d’un sommeil d’usure

avec la prière bouturée et musquée dans la corbeille cuite de midi

avec l’enfance totem des délinquances

brigand le chant des oiseaux du jeu

avec la radio abstraite des fourmis et des processions

la raison sans préjugés des oiseaux de proie

le désir use son frein

avec au creux du cœur la mangue rôtie du soleil

avec le parchemin usé des enfances de cuir

avec la main noyée dans l’attente des pluies

avec les insectes de bois creux la nuit

avec l’absence de noms pour les oiseaux

avec le silence

avec le silence dans la caméra

le désir encore use son frein

malgré le scalpel des tabous à froid sur le plaisir

malgré les cocktails Molotov pacifiques à longueur de rues

malgré la sueur nue livrée au couteau du ventilateur

malgré avec les cargos de rebuts

malgré avec la marée rampante des odeurs macérées

malgré avec l’espoir aux  racines brûlées

malgré avec la seule arme du cri et le sextant des bousculades

malgré avec chaque chose qui reste là où elle finit

ici et ailleurs

le même désir use son frein

ici et ailleurs la même lumière martèle le même tambour de terre

ici et ailleurs la nuit la mer à nos pieds ébruite la lumière

ici et ailleurs

les gestes des femmes sont des vagues

ici et ailleurs au volant du désir les montagnes égrainent le chapelet

                                                                                           /des routes

ici et ailleurs

fowté fowré

ici et ailleurs

ici

ailleurs

ainsi

soit-il

(Piedmont 2005, Conakry 2006)

Laisser un commentaire