Par Gilles Matte
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malgré les mots croisés du hasard
malgré les publications inédites de la mémoire
l’épine trop lourde posée au front de l’eau
malgré l’incantation dans la paume
le pétrole sec du chant des seringues
malgré les grands blocs d’air entre nos pas
le désir use son frein
malgré les saveurs obéissantes de la pluie
malgré les marais intimes de la lumière
malgré le langage des limes son licou trop léger
malgré le cœur tourné brut aux enchères du manège
et la musique décapsulée à la hâte
le désir use son frein
et le délire casse des tuiles de lumière dans la tête des amoureux
malgré le large lent cri muet des peintres
malgré la courroie de distribution des poètes
malgré les vêtements aveugles et les cils étroits des marchands
les écoles de justice
les barreaux du doute recyclé à toutes les fenêtres
le désir use son frein
avec la poussière chaude et rouge dans l’écuelle du voyageur
avec la mémoire trouée des arbres
avec les alinéas d’un sommeil d’usure
avec la prière bouturée et musquée dans la corbeille cuite de midi
avec l’enfance totem des délinquances
brigand le chant des oiseaux du jeu
avec la radio abstraite des fourmis et des processions
la raison sans préjugés des oiseaux de proie
le désir use son frein
avec au creux du cœur la mangue rôtie du soleil
avec le parchemin usé des enfances de cuir
avec la main noyée dans l’attente des pluies
avec les insectes de bois creux la nuit
avec l’absence de noms pour les oiseaux
avec le silence
avec le silence dans la caméra
le désir encore use son frein
malgré le scalpel des tabous à froid sur le plaisir
malgré les cocktails Molotov pacifiques à longueur de rues
malgré la sueur nue livrée au couteau du ventilateur
malgré avec les cargos de rebuts
malgré avec la marée rampante des odeurs macérées
malgré avec l’espoir aux racines brûlées
malgré avec la seule arme du cri et le sextant des bousculades
malgré avec chaque chose qui reste là où elle finit
ici et ailleurs
le même désir use son frein
ici et ailleurs la même lumière martèle le même tambour de terre
ici et ailleurs la nuit la mer à nos pieds ébruite la lumière
ici et ailleurs
les gestes des femmes sont des vagues
ici et ailleurs au volant du désir les montagnes égrainent le chapelet
/des routes
ici et ailleurs
fowté fowré
ici et ailleurs
ici
ailleurs
ainsi
soit-il
(Piedmont 2005, Conakry 2006)