Îles-de-la-Madeleine. La pêche vaut mieux que Old Harry

Petrole_Annie

Par Annie Landry

  1 — Un golfe menacé

La civilisation maritime

Passer l’été aux Iles-de-la-Madeleine, en plein centre du golfe du Saint-Laurent, assis sur la plage les pieds plantés dans le sable, hypnotisé pas le roulement des vagues : c’est paradisiaque. Ça l’est pour vrai! Encore faut-il s’y rendre et savoir lâcher prise. Mais ce point de vue, que l’on retrouve dans les publicités et les guides de voyage est différent du nôtre. Pour la plupart des Madelinots le luxe, c’est de sortir des Îles. Étant moi-même Madelinienne, Acadienne d’origine, jeune j’ai souvent vu mon archipel comme étant le pire des trous, le «bout du monde» avec la mer comme barrière tout le tour, mon Guantanamo.

Cependant, plus les politiciens se sont mis à venir nous parler d’Old Harry, plus j’ai réalisé dans quel environnement sain j’ai eu la chance de grandir. Je crois même que c’est le jour où la ministre Nathalie Normandeau a traité le chenal Laurentien de «fond lunaire» que je me suis définitivement mise à m’informer, à prendre la parole et à m’intéresser aux autres espèces qui vivent dans le Golfe comme moi, mais qui ne peuvent pas se défendre. L’idée du «fond lunaire» m’a insultée! Il n’y a pas de pêche commerciale ni de communautés côtières sur la lune, que je me suis dit, et il est hors de question qu’on les laisse faire leur sale industrie chez nous, dans notre garde-manger.

Le golfe du Saint-Laurent, je l’ai vu déchaîné souvent, infranchissable, puis silencieux, immobile du nord au sud et d’est en ouest l’hiver. Au printemps, je suis chaque fois impressionnée de l’entendre rager et tonner, glace contre glace comme autant de bateaux qui se fonceraient dedans. Durant plusieurs semaines, les glaces s’éloignent puis reviennent, s’empilent et chavirent sous la force des vents et des courants. Le Golfe a englouti des centaines de navires avec leur équipage à bord et c’est ce que nous insinuons en répétant souvent que «la mer ne pardonne pas.»

Alors nous, les Madelinots, comme les autres Acadiens et communautés de la grande région du Golfe Saint-Laurent, avons en commun ces valeurs qui sont reliées à la mer. Nous sommes des peuples de la mer, nous la connaissons et nous en méfions. Notre sentiment identitaire et nos savoirs collectifs proviennent en énorme partie du Golfe Saint-Laurent et c’est dans ce sens que le texte qui suit montre que nous n’avons pas la même vision du développement pétrolier dans le Golfe que les gouvernements; nous ne sommes pas des groupes environnementaux ou «de pression» non plus. Nous ne travaillons pas contre Old Harry: nous travaillons pour la pérennité de la pêche dans notre Golfe.

Une industrie ancrée dans le Golfe

Les territoires concernés par les projets de forages en mer sont la côte est du Nouveau-Brunswick, la côte nord de la Nouvelle-Écosse jusqu’au détroit de Cabot, la côte ouest de Terre-Neuve jusqu’au détroit de Belle-Ile, le sud du Labrador, de la Côte-Nord puis tout le tour de la Gaspésie. Ensuite il y a toutes les Iles du Golfe : Anticosti, Ile-du-Prince-Édouard, île Saint-Paul, le Cap-Breton, l’île Bonaventure, l’île Brion, et enfin ses trois archipels : les Iles-de-la-Madeleine, Saint-Pierre-et-Miquelon et l’Archipel-de-Mingan. En tout, des milliers de kilomètres de falaises et de plages qui, depuis des siècles, se font sculpter selon la dynamique des vents et des vagues de cette mer circulaire d’environ 290 km de diamètres. Les vents y sont quasi omniprésents et le nombre de tempêtes violentes va en augmentation.

Acclimatées, les centaines de communautés dont la mienne, et les milliers de côtiers que nous sommes, vivons des ressources renouvelables de la pêche. Aujourd’hui, les principales espèces commerciales que nous commercialisons sont le homard, les crabes commun et araigne, le pétoncle, les différents poissons de fond (sébaste, plie, morue, aiglefin, flétan atlantique et du Groenland, merluche et loup de mer), les poissons pélagiques (le hareng, le maquereau, le thon, l’anguille, l’éperlan et le capelan), le buccin, la crevette, le couteau de l’Atlantique, la mactre de Stimpson et celle de l’Atlantique, la mye, les oursins et le fameux phoque du Groenland. En tout plus de 200 zones de pêche différentes qui se chevauchent et ne laissent aucun secteur qui n’en fasse pas partie. Le golfe du Saint-Laurent c’est notre garde-manger. Combien vaut-il par année exactement et combien rapporte-il en salaire dans nos communautés? Nous aimerions le savoir pour comparer avec les hypothétiques revenus du pétrole.

Le damné préjugé favorable vs le front commun des pêcheries

Pourtant, dans ses tentatives de tout mettre en place pour aller de l’avant avec des forages à Old Harry, le gouvernement québécois fait fi et refi du conflit d’usage avec les pêches commerciales dans le Golfe. Il n’est pas seulement question de la pêche dans la partie québécoise, mais bien de l’ensemble des cinq provinces concernées. Les élus et hauts-fonctionnaires de l’Assemblée nationale qui gravitent autour des Ressources naturelles et de l’environnement ne semblent pas être au courant des efforts qui sont déployés dans les Maritimes pour assurer la pérennité des espèces. Ne parlent-ils donc jamais avec les gens du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation? Visiblement non et c’en est décourageant.

Même le Ministère des Ressources naturelles de Terre-Neuve, qui se fait reprocher d’avoir le pied sur l’accélérateur, ne semble pas savoir être utilisé comme bouc émissaire dans les médias québécois. Par contre, les communautés autochtones du golfe, les 5000 entreprises de pêche et les centaines de représentants des industriels se sont mobilisées contre le projet de Old Harry. Par voie de lettre qu’ils ont co-signée en juillet dernier, ils font front commun pour demander aux trois ministres fédéraux concernés une commission d’examen, soit une commission d’experts complètement indépendante qui devra évaluer les impacts de l’exploration pétrolière sur les activités de pêche des cinq provinces. Ils soulignent que «la Loi canadienne sur les évaluations environnementales, la Loi sur les océans, la Loi sur les pêches et la Loi sur les espèces en péril doivent être respectées.»

Parmi les signataires, le porte-parole de l’Association des pêcheurs propriétaires de la Gaspésie, M. Réginald Cotton, soutient «qu’il est grand temps d’unir les forces pour renverser la vapeur et forcer les gouvernements à faire volte-face.»

Tandis que de son côté, la directrice de la Nova Scotia Fish Packers Association, Marilyn Clark, est d’avis que «les gouvernements n’ont aucune idée des impacts que pourrait avoir l’exploration pétrolière dans le Golfe.»

Enfin, Troy Jérôme, le directeur exécutif du Mi’gmawei Mawiomi Secretariat explique dans le communiqué qui accompagne la lettre que «l’évaluation environnementale stratégique (ÉES) du Québec a répertorié de nombreuses lacunes de connaissances scientifiques et techniques sur le golfe du Saint-Laurent. Nous avons des droits aborigènes reconnus et des droits issus de traités reconnus par la Cour suprême du Canada. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger notre mode de vie et prévenir tout projet d’exploration pétrolière de se dérouler dans le golfe.»

C’est qu’ils ont tous tellement à perdre! De façon générale, l’industrie de la pêche dans le golfe du Saint-Laurent a amorcé un important virage afin de demeurer compétitive sur le marché international. On parle maintenant d’écocertification, de traçabilité et de journaux de bord électroniques tant pour le homard que le crabe et la crevette. Les flottilles des cinq provinces se sont ainsi tournées vers le Marine Stewardship Council (MSC) afin d’obtenir la certification «pêcherie durable», ce qui implique certaines modifications dans leur façon de faire et de nouveaux investissements pour la pérennité des stocks. Pourtant, on a beau éplucher les études produites par le gouvernement québécois, nulle part il n’est question de cela.

Industrie éphémère contre activités durables

Une certification «pêche durable», cela signifie que l’ensemble des pêcheurs qui exploitent une même ressource dans une zone de pêche déterminée doivent garantir qu’ils ne portent pas atteinte aux fonds marins, aux autres espèces et ainsi qu’ils pratiquent leur pêche selon les principes du développement durable. Ils doivent démontrer, suivant de longues et coûteuses évaluations, qu’ils pêchent sélectivement de façon à assurer la régénération des stocks pour les générations futures.

Cette nouveauté, qui semble n’être qu’une tendance pour certains, est en réalité un important enjeu commercial.  La mise en marché des produits de la mer étant rendue à ce point exigeante et sélective, l’industrie des pêches de l’Atlantique doit suivre, au risque de perdre ses marchés actuels en mutation.

En cas de déversement mineur, l’exploration pétrolière dans le Golfe (qui va carrément à l’encontre des efforts déployés par les pêcheurs et industriels) risque de faire perdre l’éco certification des produits de la mer, puisqu’elle ne peut que nuire à la santé de l’environnement et la reproduction des espèces marines qu’elle voisine. Même si le gouvernement voit Old Harry comme une source de revenus, nous voyons surtout ce projet comme une source de pollution.

En cas de déversement majeur, c’est toute la capture qui serait interrompue: le travail dans les usines suivant, ce serait un terrible coup dans les reins de notre industrie première. Nous ne pouvons pas mettre notre présent et notre futur à ce point entre les mains du gouvernement du Québec, ni d’aucun autre. Mais on le voit, on l’entend : notre propre gouvernement est prêt à jouer à la roulette russe avec les centaines de communautés qui vivent simplement comme nous aux Iles-de-la-Madeleine : dépendants de la mer. Il serait donc souhaitable  que le gouvernement québécois le reconnaisse et se  concentre à mettre en valeur des ressources renouvelables au lieu de gaspiller temps et argent dans une exploration non conventionnelle et d’une brièveté garantie. J’ai pas mal honte de ce Québec-là!

Une implantation improbable

En théorie, l’exploration, l’exploitation et la fermeture étanche des forages en mer ne se font pas de la même manière que dans le cas de forages sur la terre ferme, multipliant ainsi des coûts d’opération. De façon à économiser, il est classique de voir les compagnies minimiser les risques et ainsi diminuer les dépenses au niveau de la sécurité.

En pratique, un accident causé par négligence lors de l’exploration, de l’exploitation ou d’une mauvaise fermeture de puits à Old Harry imposerait à la compagnie de compenser financièrement pour toutes les activités de pêche et de transformation importunées. Elle devrait aussi compenser pour la réhabilitation des récifs artificiels, de l’ensemble des côtes et des milieux humides contaminés. La contention de la nappe de pétrole pourrait être très compliquée et les opérations coûteuses en raison des courants, des vents et des vagues causées par les fréquentes tempêtes. La navigation en cargo devrait être déviée de sa trajectoire avec compensation aussi. La réaction des nombreuses espèces en péril et l’altération des zones de fraie à proximité devraient être sévèrement étudiées. C’est donc un fond d’assurance responsabilité astronomique qui doit être imposé et réservé avant toute opération par la compagnie pour qu’un tel projet soit envisageable dans le Golfe.   Il est évident que forer dans le Golfe ne fait aucun sens.

La roulette russe version québécoise

Au prix d’une habile – et hypocrite – campagne de communication auprès de la population québécoise, beaucoup de députés de l’Assemblée nationale du Québec font la promotion de l’exploitation des hydrocarbures en milieu marin sans même connaître la question. Nous, qui connaissons très bien la mer et la pêche, les voyons patiner lorsqu’ils sont interviewés sur ces questions. «Nous sommes conscients des inquiétudes des Madelinots» qu’ils disent. «Les Madelinots seront consultés.» On peut tous les écouter sur You tubes, c’en est décourageant. Ils nous répètent leur ligne de parti lorsqu’on tente de les amener à prendre position sur des éléments clés du projet, font de la propagande, parlent de milliards de barils et de dollars et fuient automatiquement les questions relatives à la pêche.

Ainsi circule sur le web une vraie propagande visant à influencer l’opinion publique. Je ne serais même pas étonnée que le jour où la question des pêches commerciales sera enfin dans le débat, que les politiciens du Québec se mettent la dénigrer notre mode de vie et à marginaliser nos revenus de la pêche pour aller chercher encore plus d’appuis. Si le gouvernement se donne du poids et du pouvoir en allant chercher l’acceptabilité sociale pour Old Harry à Montréal et à Québec… on va avoir de sérieux problèmes dans l’Est.

Déjà dans les journaux et médias on retrouve des représentations idéalisées du projet Old Harry, des utopies colportées d’un parti politique à l’autre, d’une campagne électorale à l’autre. C’est pourquoi il est maintenant primordial de faire la lumière sur les conflits d’intérêts entre les pêches commerciales et l’exploration pétrolière dans le Golfe.

|| QUELQUES MYTHES

Mythe 1 : L’exploitation des gisements gaziers et pétroliers du Golfe Saint-Laurent pourrait rapporter 50 G$ dans les coffres de l’État québécois en cinq ans

À Terre-Neuve il a fallu, par exemple, forer 42 puits avant de statuer sur l’endroit exact où l’on a construit Hibernia. Or, un seul forage exploratoire nécessite énormément de préparation et de soutien logistique. Dans l’émission de Découverte, consacrée au sujet, on nous confirme qu’un seul forage en mer est «un projet coûteux, dans les 60 millions de dollars, qui pose, à lui seul, la majorité des questions de sécurité et d’impact environnemental sur le milieu physique et humain.» Donc on ne sait pas si ce projet  pourrait rapporter ou faire perdre de l’argent, mais on peut se douter qu’un seul forage dans le golfe Saint-Laurent pourrait entraîner un déversement majeur qui pourrait, à lui seul, détruire l’ensemble des pêches commerciales pour des décennies. 

Mythe 2 : Old Harry pourrait contenir jusqu’à 10 milliards de barils de pétrole.

On sait très bien que la surévaluation du potentiel gazier et pétrolier fait prodigieusement monter en bourse les actions des compagnies qui en détiennent les permis d’exploitation, ou les «claims», comme on les appelle communément. En 2000, Corridor évaluait le potentiel de Old Harry à 1,5 voir 2 milliards de barils. Dans un document émis par le Ministère des Ressources naturelles du Québec six ans plus tard, on statuait à 2 milliards. En 2009 la Commission géologique du Canada a ramené le chiffre à 1.5 milliard de barils. Mais en 2012, dans un document visant spécifiquement la recherche d’investisseurs, Corridor Ressource fait mention d’un potentiel de 5 milliards de barils. L’institut économique de Montréal en rajoute un autre dans son document intitulé «Les avantages du développement des hydrocarbures au Québec» la même année, puis Pauline Maoris nous fait sauter à 10 milliards de barils dans la revue l’Actualité en 2013.

Cependant, en 2015 les chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique se sont penchés sur toute la littérature et les travaux géologiques disponibles pour statuer sur un potentiel de 98,8 millions de barils.

Qui dit vrai?

Mythe 3 : Les conditions dans la mer du Nord, en Norvège, ressemblent aux nôtres.

Le Golfe est une mer intérieure qui s’ouvre sur l’Atlantique par les détroits de Cabot et de Belle-Isle. On connaît mal les risques pour sa faune et sa flore, constatait l’étude environnementale stratégique déposée au gouvernement à l’automne 2013. Le Golfe est une mer semi-fermée, six fois plus petite que le golfe du Mexique, et est déjà sous la pression de polluants provenant des Grands-Lacs et des déversements industriels qui viennent des rives du fleuve Saint-Laurent. L’introduction de l’industrie pétrolière ajouterait des milliers de barils de boues de forages et d’eau souillée, dans compter les déversements mineurs qui surviennent fréquemment et qui sont considérés comme «normaux». Toute nouvelle source de pollution mettra à risque la productivité des zones de pêche, leur fermeture en raison de nouvelles installations ou de déversements non-contenus.   

Mythe 4 : La technologie sécuritaire existe.

Depuis le début des discussions au sujet de Old Harry, les Madelinots insistent sur le besoin d’une approche intégrée des risques. Si la structure réglementaire actuellement en place (les offices pétroliers Canada-province) est appliquée à l’ensemble du Golfe Saint-Laurent, il y aura 5 offices pétroliers sur un bassin de 290 km de diamètre. La supervision de l’ensemble sera impossible. Il y aura de la pollution mais personne ne s’en portera politiquement responsable. Les résidents du Québec seront affectés par le développement de la partie Nouvelle-Écossaise, le Nouveau-Brunswick subira les impacts des erreurs provenant de l’Île-du-Prince-Édouard et ainsi de suite, mais aucune des provinces n’aura les moyens de rendre le gouvernement de sa voisine responsable. D’autant plus que l’eau du Golfe se déplace de façon générale dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, donc à partir du site Old Harry, la pollution suivant l’eau aura tendance à se déplacer vers l’intérieur du Golfe et en bordure des côtes au lieu de se diriger vers l’océan Atlantique. Sans approche intégrée de la gestion du risque et des déversements pétroliers dans le Golfe, aucun forage pétrolier ne peut être envisagé, quelle que soit la technologie «sécuritaire» utilisée.

La question nous intéresse particulièrement dans le cas où les pêcheries commerciales d’une province seraient affectées par une autre. Comme l’eau et les poissons voyagent librement sans aucune considération des lignes imaginaires que l’on tente de se donner comme frontières, l’approche fragmentaire du Golfe n’a aucune pertinence et met à risque l’ensemble des pêcheries commerciales des 5 provinces.

Mythe 5 : Terre-Neuve va aller de l’avant donc il faut y aller avant eux

T-N n’a pas d’intérêt pour ce petit projet, jouant déjà dans la cour des grands du côté Atlantique. Corridor Ressource, qui détient les permis d’exploration sur les deux parties de Old Harry, est à la recherche de partenaires financiers depuis très longtemps et ce n’est plus un secret pour personne : Corridor n’a pas la capacité financière d’aller de l’avant. Aussi, on se rappeler que l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador a rejeté la simulation de déversement déposée par Corridor Ressource dans le cadre de son étude d’impact en 2012. On pouvait y lire, entre autres, «qu’une nappe de pétrole en cas de déversement majeur ne parcourrait pas plus de 20 km et devrait s’évaporer en moins d’une journée. » Or, «Il n’existe aucun cas où les nappes disparaissent, et surtout pas aussi rapidement» ont répliqué les spécialistes d’Environnement Canada quelques jours plus tard. Il était donc évident, à partir ce cette analyse grossière, que même si Corridor Ressource détient les permis sur les deux parties de Old Harry, la compagnie junior est loin d’avoir les compétences et la crédibilité requises pour avoir la permission gouvernementale d’aller de l’avant. Le gouvernement québécois, ne tenant pas compte de ces informations, sera forcé d’en tenir compte.

La plupart des partis à l’Assemblée nationale accusent Terre-Neuve d’avoir le pied sur l’accélérateur, mais ce n’est qu’une piètre stratégie de communication. François Legault a énoncé en conférence de presse qu’il se souvient de Bernard Drainville qui, a plusieurs reprises depuis une quinzaine d’années, a demandé au gouvernement libéral d’accélérer le développement d’Old Harry. Jean Charest, Philippe Couillard, Pauline Marois ont aussi emboîté le pas

Mythe 6 : L’exploitation du pétrole offshore peut se faire en vertu du principe de développement durable

Le gouvernement québécois ne prend pas au sérieux les conflits d’usages entre les pêches commerciales et l’industrie pétrolière qu’ils veulent implanter dans le golfe Saint-Laurent. Il est faux de penser que le développement du pétrole peut se faire selon les règles du développement durable et dans le respect des communautés concernées, puisque ce n’est pas le gouvernement mais les compagnies pétrolières qui surveillent leurs déversements. Suivant les règles établies par l’Accord Atlantique, elles remplissent leurs propres rapports et ne sont en aucun cas tenues de divulguer les impacts environnementaux associés à leurs opérations.

Mythe 7 : L’exploration et l’exploitation de Old Harry vont amener un boom incroyable aux Iles-de-la-Madeleine

En réalité, les employés des plateformes pétrolières sont transportés par hélicoptères depuis le continent et sont hébergés sur la plateforme durant tout leur séjour de travail. Les plateformes sont aussi approvisionnées par cargo et par hélicoptère. Les Iles-de-la-Madeleine ne récolteront en aucun cas des redevances (si un jour il y en a). Les seuls emplois éventuels pour les Madelinots seront au nettoyage des plages et des falaises.

Mythe 8 : L’Office Canada-Québec sera l’instance idéale pour lancer le Québec dans l’exploitation de son pétrole.

Les offices de pétrole, comme ils sont constitués au Canada et aux États-Unis se trouvent tous dans une situation de conflit d’intérêt : c’est ce qui esr ressorti une première fois lors de l’Enquête sur la sécurité des hélicoptères offshore à Terre-Neuve et une seconde fois lors de l’explosion de la plateforme Deep Water Horizon dans le golfe du Mexique. C’est qu’en faisant à la fois la promotion de projets générateurs de revenus et en assurant la sécurité de ses opérations, l’Office confond ses divers mandats. Il permet donc de nombreux projets en minimisant les risques environnementaux et néglige ainsi d’importants frais relatifs aux mécanismes de sécurité. Ceci inclut la mise en marche de projets de développement malgré l’existence d’espèces en péril protégées, mais l’ensemble des pêcheurs étaient volontairement tenus dans l’ignorance de ces faits.

||| Ce que nous devons défendre

Nous considérons que le projet de Old Harry, tel que conçu par le gouvernement du Québec, est un coup mal monté par des gens qui ne connaissent pas la mer, et, qui plus est, ne considèrent pas la pêche commerciale comme tombant en conflit d’usage avec le projet. Une plateforme de pétrole dans le golfe du Saint-Laurent s’introduirait exactement comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et les résidents, comme les milliers de visiteurs que nous recevons chaque année, ne la laisserait pas entrer. Les industriels et associations de pêcheurs unissent leurs voix pour défendre leurs intérêts communs avec plus de force et de pouvoir économique. De plus, tous ensemble, nous combattons le discours pessimiste qui pense qu’on ne pourra rien faire et qu’ils vont forer Old Harry. Nous résistons.

L’industrie du tourisme, qui a tout à perdre aussi, pourrait s’inspirer du front commun des pêcheries et s’opposer au développement pétrolier dans le Golfe. Les risques pour elle sont très importants et l’apparition de plateformes à l’horizon va définitivement décourager des touristes, notamment ceux qui prennent le large à bord de voiliers et de navires de croisières internationales pour naviguer au milieu du Golfe.

«Comment pouvons-nous quantifier les dommages à des espèces vivantes qui ont peuplé le golfe depuis des millénaires ?» se questionne Marilyn Clark en parlant de cette mer au centre de laquelle elle est née.

Le projet de Old Harry est mauvais pour tout le monde: il faut qu’on se le dise et qu’on se fasse respecter par les différents gouvernements. Tout sera en danger : la pêche et le tourisme principalement, alors que c’est ce qui fait vivre des milliers de citoyens et garde en vie toutes les communautés qui habitent les territoires du Golfe. Si un désastre se produit, on ne s’en remettra jamais.

Références

Archambault, Sylvain. «Le potentiel en hydrocarbures de la structure géologique Old Harry …ou quand le ballon se dégonfle”, Coalition Saint-Laurent, 8 mai 2015

Clark, Marilyn. «Old Harry», L’Aut´Journal, 28 mars 2011

Ouranos. «Sensibilite des cotes et vulnerabilite des communautes du golfe du Saint-Laurent aux impacts des changements climatiques», UQAR, juin 2008

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