Une volonté de transition démocratique mitigée pour la Birmanie

Par Aissatou Sow

Contrairement à certains pays de l’Asie du Sud-Est, la Birmanie n’a connu qu’une décennie de vie démocratique avant que l’Armée birmane et son leader, le général Ne Win, ne prennent le pouvoir par un coup d’État en 1962 (Egreteau 2004). Auparavant rattachée à l’Empire britannique durant plus d’un siècle, elle est restée en marge du processus de transition comme le cas des Philippines et de la Thaïlande (Egreteau 2004).

En date du 17 mai 2004, le régime militaire birman réunit une nouvelle convention nationale. Par ce geste, la junte militaire démontre sa volonté de passer à l’offensive, mais surtout celle de prendre l’initiative d’un apaisement et d’une réconciliation nationale qui viseraient à encourager une transition démocratique positive (Egreteau 2004). Malgré le manque d’expérience démocratique de la Birmanie, est-il possible d’imaginer un futur démocratique comme l’a initié la junte militaire ?

La dernière carte politique de la junte militaire 

« C’est en août 2003 que le général Khin Nyunt expose une feuille de route en 7 points sur lequel s’engageait le gouvernement militaire pour établir un climat de confiance et enclencher le processus de transition démocratique » (Egreteau 2004). Parmi ces points, on peut notamment citer : Convoquer la Convention nationale chargée de rédiger une nouvelle Constitution ; organiser des élections parlementaires selon les nouvelles règles constitutionnelles ; établir une nation moderne et démocratique avec à sa tête un chef d’État et un gouvernement élus par le Parlement (Egreteau 2004).

L’annonce publique de ces réformes constitue une première étape d’ouverture de la part de la junte militaire. À partir de cette date, l’opération séduction de la part du général Khin Nyunt a été prouvée par l’engagement de la junte dans le processus de transition démocratique (Egreteau 2004).

La junte militaire en position fragile veut masquer ses faiblesses 

De nombreuses raisons peuvent expliquer cette ouverture soudaine de la Birmanie à la démocratie. Il faut savoir que le pays a un passé lourd d’affrontements entre le régime et la population révoltée. La peur de nouveaux bouleversements politiques est une des raisons qui l’a poussée à entamer un processus qui devrait éventuellement la mener vers une ouverture démocratique. Les évènements suivants illustrent parfaitement la faiblesse de l’armée : « En effet, 15 années auparavant, les étudiants avaient provoqué un soulèvement lors de manifestations à travers le pays et l’armée avaient répliquées en ouvrant le feu sur une foule à Rangoun » (Defert 2008). L’armée avait alors perdu sa crédibilité qu’elle avait réussi à garder lors de la dictature du général Ne Win.

Un second facteur qui justifie ce soudain désir de démocratie est que « l’armée craint de perdre les privilèges économiques dont elle bénéficie depuis son arrivé au pouvoir ainsi que le contrôle politique et social qui lui confère un pouvoir sans commune mesure sur le pays » (Egreteau 2004).

Outre les deux facteurs mentionnés ci-dessus, la junte militaire n’a jamais caché sa volonté de conserver le pouvoir. Selon le doctorant Renaud Egreteau, elles n’ont pas évolué depuis le milieu des années 1990. Loin de vouloir céder le pouvoir, selon lui, les militaires ont une vision politique de la future Birmane qui laisse à l’armée un rôle capital (Egreteau 2004). D’ailleurs, la feuille de route signée par le premier ministre en mai 2004 ne fait pas abstraction des valeurs que défendent la junte militaire, soient les traditions birmanes et les idéaux centrés sur le bouddhisme. C’est donc une démocratie « à la façon junte militaire » dont il est question.

Des doutes sur la transition démocratique 

L’histoire de la Birmanie ne nous laisse pas la chance de pensée que la démocratie a sa place au sein du pays et que cette feuille de route puisse changer son évolution politique. Un fait démontre que depuis l’arrivée au pouvoir du SLORC en 1988, rien n’a changé dans le discours politique et qu’il y a une grande disparité entre les promesses officielles et la pratique en tant que telle (Egreteau 2004). Un premier geste est venu confirmer ce doute. Il s’agit du refus de participation à la seconde conférence du gouvernement thaïlandais.

Dans sa volonté de redorer son image, le régime doit appliquer la feuille de route qui été formulée. Il y a parmi les éléments cités, l’organisation de deux grandes élections à l’échelle nationale qui inclut un référendum et des élections parlementaires. Or, les militaires comptent déjà une défaite électorale et risquent de refaire la même maladresse. Néanmoins, ces derniers sont décidés à recommencer et affirment avoir tiré les leçons du passé(Egreteau 2004).

Et donc malgré tout cela, les leaders de la junte sont convaincus et plus décidés que jamais à contrôler le processus. Selon l’auteur Renaud Egreteau, la position que prennent les militaires dans la situation actuelle met un frein aux libertés fondamentales (liberté de la presse, liberté d’expression et de mouvements) et rien ne garantit qu’elles soient rétablies à court ou moyen terme. De plus, il ajoute qu’il n’y a pas de calendrier dans le programme proposé par Khin Nyunt, ce qui révèle à nouveau les hésitations, voire les divisions de la junte, réticente à se fixer une date butoir qui l’obligerait à s’engager.

Conclusion 

Il est vrai que la Birmanie a publiquement annoncé qu’elle souhaitait encourager la réconciliation nationale en suivant progressivement une transition démocratique. Par contre, les intérêts sont clairs et il n’est pas questions de les perdre. De plus, le passé de la junte militaire et sa position ambiguë démontre qu’elle n’a pas tout à perdre à abandonner ces vieilles habitudes. La junte craint de nouveaux soulèvements populaires, mais reste entêtée à ne pas procéder à de véritables changements. Il est donc permis de douter de l’authentique motivation de cette main tendue par le pouvoir en place.

 

 

Référence :

Defert, Gabriel. « Birmanie contemporaine », Paris : Les Indes savantes ; Bangkok, Thaïlande : Irasec c2008.

Egreteau, Renaud 2004« Birmanie : la transition démocratique selon la junte », Critique

internationale 3 (no 24), p. 39-47.

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