Suharto et le massacre indonésien

Par Lucie Marcoux

Le président Suharto (1967-1998) http://jakarta.coconuts.co/2015/08/11/ex-indonesian-leader-suhartos-family-ordered-pay-back-millions

Le président Suharto (1967-1998)
http://jakarta.coconuts.co/2015/08/11/ex-indonesian-leader-suhartos-family-ordered-pay-back-millions

Durant la guerre froide, le communisme eut un grand impact à plusieurs endroits d’Asie du Sud-Est. Dans plusieurs pays de cette région, certains dirigeants ont interdit les regroupements ou les mouvements communistes. Exceptionnellement en Indonésie, le parti communiste (PKI) était autorisé au même niveau que tous les autres partis. Malheureusement, un tragique événement vint changer le courant des choses. Le 1er octobre 1965, la radio annonce que six généraux ont été assassinés durant la nuit. Suharto, en tant que commandant de l’armée indonésienne, décide donc d’organiser une répression contre le PKI, car il est convaincu que les communistes ont organisé cet attentat. À l’aide de sa propagande anticommuniste, des centaines de milliers de communistes ou partisans communistes seront donc exécutés injustement, et ce, en un an seulement [1]. Avec ces informations, il est facile d’en venir au questionnement suivant : quelles sont les raisons qui ont poussé Suharto a créé une propagande anticommuniste à la suite de l’assassinat des six généraux ? Cet article aborde donc les principales raisons qui ont éventuellement convaincu Suharto d’agir avec violence.

La première raison qui explique ces actions est le fait que le parti communiste indonésien est très populaire auprès de la population au moment de l’assassinat. Effectivement, la réputation du PKI ne fait que grandir au fil des années et il est souvent considéré par plusieurs comme la formation politique la plus puissante du pays. Au début des années 60, le PKI compte 3 millions de membres et plus de 15 millions de sympathisants [2]. Également, dans le but d’aller chercher plus de partisans, le PKI se déplace dans les régions éloignées du pays où il recrute des paysans. Le PKI informe ces gens sur les politiques du parti et tente de les embarquer dans les idéaux révolutionnaires communistes [3]. En 1961, le parti communiste lance une campagne vigoureuse dans les villages dans le but d’implanter une réforme agraire et un partage des terres agricoles. Toujours dans le but d’obtenir plus de soutien et de créer un front uni, le PKI inclut les minorités ethniques dans sa lutte et il place des représentants paysans dans les comités de réforme agraire [4]. Avec tous ces actes, le PKI devenait de plus en plus fort, et comme Suharto désirait le pouvoir, il valait mieux pour lui de détruire le parti communiste, car il était apprécié par une bonne partie de la population. C’est pour cette raison qu’il mit en place une propagande qui mena au massacre des communistes.

Ensuite, une autre raison qui explique les actions de Suharto est que le PKI s’interposait ou critiquait régulièrement les politiques apportées par le président Sukarno, et ce, même si le parti communiste indonésien et le président Sukarno entretenaient de bons liens. Par exemple, en 1951, le PKI reproche plusieurs choses à Sukarno. On critique son rôle dans l’affaire de Madiun, les accords de la table ronde, ses agissements antidémocratiques dans la formation du gouvernement Sukiman, ainsi que sa conception démagogique du marxisme [5]. Également en 1964, le PKI, inspiré par les thèses chinoises, demande à Sukarno d’armer les paysans et les ouvriers des campagnes pour propulser la révolution [6]. Le PKI se permet de commenter ou d’influencer les décisions de Sukarno, car il désire influencer les politiques présidentielles indonésiennes vers une direction plus communiste. Le parti communiste avait pour objectif de changer l’Indonésie petit à petit. Étant donné que le PKI avait fait plusieurs recommandations au gouvernement, Suharto désirait éliminer le risque que ces hommes politiques puissent porter jugements sur l’établissement de son régime militaire. Selon lui, il valait donc mieux les éliminer. 

Les arrestations des communistes sur l’île de Java http://www.humanite.fr/indonesie-1965-la-plus-terrible-des-repressions-anticommunistes-588307

Les arrestations des communistes sur l’île de Java
http://www.humanite.fr/indonesie-1965-la-plus-terrible-des-repressions-anticommunistes-588307

Pour conclure, ces deux raisons auraient donc influencé Suharto en partie pour qu’il organise une propagande et une répression violente envers le parti communiste indonésien. Selon certaines hypothèses qui circulent encore aujourd’hui, Suharto aurait lui-même organisé l’assassinat des six généraux dans le but d’avoir un meilleur accès au pouvoir. En effet, en 1967, Suharto décide de chasser Sukarno du poste de président et de s’emparer du pouvoir afin d’établir un régime militaire qui va durer jusqu’en 1998 partout en Indonésie [7]. Une chose est certaine, les raisons qui accusaient les communistes d’avoir exécuté les six généraux n’ont jamais été démontrées. Ce massacre anticommuniste n’a jamais été justifié et il laissa malheureusement plusieurs familles dans une profonde tristesse.

 

Références :

[1] : Mortimer, 1974, p. 11.
[2] : Cayrac-Blanchard, 1973, p. 7.
[3] : Mortimer, 1974, p. 276.
[4] : Mortimer, 1974, p. 292.
[5] : Cayrac-Blanchard, 1973, p.104.
[6] : Cayrac-Blanchard, 1973, p.141.
[7] : Kammen & McGregor, 2012, p. 6.

 

Bibliographie :

Cayrac-Blanchard, Françoise. 1973. « Le parti communiste indonésien ». Paris : Librairie Armand Colin.

Cribb, Robert. 2001. « Genocide in Indonesia: 1965–1966 ». Journal of Genocide Research (2001), 3(2), 219–239

Kammen, Douglas & McGregor, Katharine. 2012. « The Contours of Mass Violence in Indonesia, 1965 – 68 ». Honolulu: University of Hawai’i Press.

Mortimer, Rex. 1974. « Indonesian communism under Sukarno: Ideology and Politics, 1959 – 1965 ». London: Cornell University Press.

Swift, Ann. 2010. « The Road to Madiun: The Indonesian Communist Uprising of 1948 ». Singapore : Equinox Publishing.

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