L’Asie du Sud-Est et le « resource curse »

Par Maxime Marcotte-Bouthillier

Le terme « ressource curse » suggère que les pays possédant des quantités importantes de ressources naturelles ont tendance à obtenir de moins bons résultats dans des indicateurs économiques, politiques et sociales que d’autre pays ne possédant pas cette abondance en ressource (Voir : AUTY, 1993; KARL, 1998, STEINER, 2007). En effet, le peu de ressources naturelles au Japon, à Singapour et à Taiwan n’a pas empêché ces derniers de connaître une expansion économique fulgurante dans de relativement bonnes conditions sociales et politiques, alors que d’autres pays comme l’Arabie Saoudite, pays possédant la plus grande réserve prouvée de pétrole au monde, a vu son revenu par tête d’habitant plongé de 26 600$ en 1981 à 6 800$ en 2001 (K. SOVACOOL, 2010).

Toutefois, contrairement à ce que propose la théorie du resource curse, lorsque l’on observe les cinq pays de la région de l’Asie du Sud-Est ayant les plus grandes réserves de pétrole et de gaz naturel (Brunei, l’Indonésie, la Malaisie, la Birmanie et la Thaïlande), aucun de ces cinq pays n’a connu ces effets. D’ailleurs, si l’on compare les données recueillies sur les pays membres de l’OPEC, celles de cinq pays en voie de développement, mais « nouvellement industrialisé » (Brésil, Chine, Inde, Russie et Afrique du Sud) et celles des cinq pays de l’Asie du Sud-Est mentionné, on peut observer que :

   – En termes de transparence et d’ouverture politique, les pays de l’Asie du Sud-Est ont eu des meilleurs résultats que les pays de l’OPEC et les cinq pays en voie de développements dans l’indice de corruption de Transparency International;

   – La production de pétrole des pays et du Sud-Est asiatique est restée relativement stable pendant dix ans, alors que celle du gaz naturel augmenta pour être comparable à celle des pays de l’OPEC. Par contre, les pays en voie de développement (Brésil, Chine, Inde, Russie et Afrique du Sud) éclipsèrent de loin la production des deux autres (K. SOVACOOL, 2010);

   – Un peu plus de 25% du PNB et des revenus gouvernementaux parmi les pays du Sud-Est asiatique et ceux de l’OPEC sont produit par les secteurs pétroliers et gaziers, alors que pour les pays en voie de développement, ce chiffre orbite autour de 10% (K. SOVACOOL, 2010);

   – Le plus grand gain de PNB par tête d’habitant, de lutte contre la pauvreté et de bas taux d’intérêt a eu lieu dans les pays de l’OPEC qui ont vu une augmentation de leur revenu de 8 844$, comparativement à 3 660$ pour l’Asie du Sud-Est et seulement 2 746$ pour les pays « nouvellement industrialisés » (K. SOVACOOL, 2010);

   – Les trois pays ont connus des hausses dans les indicateurs sociaux, mais les pays en voie de développement ont eu des taux de mortalité infantile le plus haut et dans l’espérance de vie.

À partir de ces informations, il est possible d’observer que l’Asie du Sud-Est a obtenu de bons résultats dans les indicateurs définissant le ressource curse. Leur succès peut être associé à trois facteurs possibles dont quelques-uns sont uniques à la région. Premièrement, le fait que les réserves de gaz et de pétrole sont plus diffuses et moins concentrées diminue les chances que celles-ci soient contrôlées par des oligarques et les élites (K.SOVACOOL, 2010). En second lieu, les institutions politiques et l’ouverture du système politique peuvent être un facteur déterminant dans la distribution équitable des gains générés par les ressources naturelles (ALEXEEV et CONRAD, 2011). En effet, la majorité des pays producteurs de pétrole et de gaz dans la région sont relativement démocratiques et transparents, on de forts droits de propriété, respectent la loi et ont des groupes de société civile modérés à fort (K. SOVACOOL, 2010 ). Pour finir, le fait que les pays de la région adhèrent à un modèle de production coopérative avec les firmes internationales, ceux-ci ont formé des partenariats actifs avec plusieurs compagnies énergétiques pour assister dans l’exploration, la production et la distribution (ALEZEEV et CONRAD, 2011). Le fait pour les États d’engager des entrepreneurs et des acteurs privés dans le processus de production exclues les chances qu’une élite concentrée s’approprie les ressources pour elles-mêmes résultant en souvent en corruption, concentration et enrichissement personnel (K. SOVACOOL, 2010) .

Pour finir, il semblerait que la théorie du ressource curse pourrait être alarmante pour plusieurs pays de la région alors qu’il est prévu que l’extraction des ressources augmente drastiquement au cours des prochaines années, principalement dans le but de combleré la demande énergétique de la Chine du Japon et de la Corée du Sud. Aussi, les projets d’infrastructures à grande échelle qui demanderont une extraction rapide des ressources (et un épuisement également rapide de celles-ci) pourraient inviter plus de corruption à s’installer dans les pays de l’Asie du Sud-Est. Ainsi, ceux-ci devront continuer de faire respecter les politiques qui leur permettent ce bon rendement s’ils désirent faire face à cet éventualité.

 

Biblographie :

ALEXEEV, Michael et CONRAD, Robert 2011 « The natural resource curse and economic transition » Economic Systems, Vol. 35, No. 2 (Décembre) : 445-461

K. SOVACOOL, Benjamin 2010. « The political economy of oil and gas in Southeast Asia: Heading towards the natural resource curse? ». The Pacific Review, Vol. 23, No. 2 (Mai): 225-259.

Corruption by country/territory, Transparency international,URL: http://www.transparency.org/country, consulté le 29 septembre 2014.

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