La fuite des minorités birmanes.

Par Johanna Durget.

Espace de transition entre Chine, sous-continent Indien et sud-est asiatique, la Birmanie rassemble une des plus grandes diversités ethniques au monde. Le gouvernement a officiellement recensé 135 groupes ethniques dont ils partagent une centaine de langues et de dialectes différents . Toutefois, le pourcentage exact des minorités ethniques dans la population birmane est à ce jour discuté. Ceux-ci varient de 40% à 69% selon les études et sources. Aucun consensus n’a été fait jusqu’à présent sur ce pourcentage puisque le dernier recensement officiel date de 1983. Il est d’ailleurs à l’ordre du jour d’effectuer un recensement national en Birmanie mais plusieurs s’y opposent en expliquant que cela attiserait d’avantage les tensions interethniques et surtout les « discours haineux des leaders des mouvements nationalistes » .
Les principales ethnies minoritaires (Kachin, Shan, Kayah, Karen, Môn, Arakan et Chin) résident dans les 7 États de peuplement généralement non-birman qui s’ajoutent aux 7 districts birmans pour former « l’Union Birmane ».
Certaines minorités ethniques en Birmanie souffrent d’un manque de reconnaissance de leurs droits et autonomie et plus catastrophique encore, souffrent de violences causées par la Junte militaire depuis plus de 50 ans. Cette situation a forcé depuis lors 642 600 personnes à fuir le pays selon un recensement des Nations-Unies datant de juillet 2014 .
Comment peut-on comprendre cette situation qui persiste depuis l’indépendance du pays? Quels facteurs participent à l’enlisement de la condition des minorités ethniques?

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Photo : Carte des minorités birmanes.

Tout d’abord, l’histoire birmane se présente comme la chronique de l’avènement et de l’extinction de dynasties. Le pays n’a jamais connu d’État au sens fort du terme mais plutôt des principautés dirigées par des chefs locaux .
Les problèmes de cohabitions entre les multiples groupes ethniques, et plus particulièrement entre les minorités et l’ethnie majoritaire bamar, sont très anciens. La porosité des frontières birmanes et les flux migratoires incessants ont contribué à l’instabilité de la situation. Les frontières nationales du pays n’ont été fixées que sous la colonisation britannique.
Une division du pays était alors faite entre les Bamars, dans la zone « ministérielle » et les minorités ethniques dans les « zones frontalières ».
Avec la Deuxième guerre mondiale, les conflits ne furent que s’amplifier jusqu’à ce que des négociations fussent emmenées par le général Aung San. Toutefois, la signature des fameux accords de Panglong en février 1947, censés garantir la pleine autonomie aux minorités, ne prirent jamais effet. L’assassinat du général la même année mis à mort les accords sous le nouveau pouvoir bamar en place. Plusieurs groupes répliquèrent, dont la minorité Karen qui créa l’ « Union Nationale des Karen ».

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Photo: Des réfugiés birmans à l’arrivée de Suu Kyi au camp réfugié Mae en juin 2012 en Thaïlande.

Mais la supériorité de la force militaire de la Junte commandée par le général Ne Win ne laissa aucune chance aux minorités ethniques. Politiquement, aucune langue, culture ni aspirations politiques des minorités n’étaient reconnues dans la Constitution de 1974.
De nouveau, un espoir de changement et de rebéllion arriva avec le mouvement lancé par Aung San Suu Kyi, la fille du général Aung San et la révolte démocratique de 1988.
Mais la situation est loin d’être résolue et la lutte est toujours d’actualité en Birmanie alors qu’un grand nombre de personnes se sont réfugiées en dehors du pays. Ces problèmes de violences prennent leur source à l’endroit des ressources naturelles convoitées par les autorités birmanes.
En effet, les « minorités ethniques » vivent dans le « fer de cheval » qui encercle la plaine centrale du pays et borde ses frontières. Elles sont distinctes de la majorité ethnique Bamar. Ces zones sont particulièrement riches en ressources naturelles et provoquent de la convoitise de la part des autorités birmanes et des investisseurs européens. Les ressources naturelles, souvent potentielles de développement, sont en réalité une malédiction pour les populations de ces régions. L’accès aux ressources se fait pour les autorités birmanes par une militarisation accrue et implique des violations massives des droits de l’Homme contre les civils comme des meurtres, du travail forcé ou encore la destruction de villages.

Sur la scène internationale, les fautifs sont les autorités birmanes mais également les investisseurs européens qui « interfèrent directement avec le processus de paix ».
À l’heure actuelle, alors que la minorité Karen est ampli de « scepticisme » à l’idée d’un retour au calme encouragé par le mouvement de la fille du général Aung San et par exemple, de sa récente visite dans les camps de réfugiés en Thaïlande, l’opinion est telle qu’il semble primordial que les investissements européens n’attisent pas d’avantage les tensions du pays. Le gouvernement Birman n’y arrivera pas tout seul et avec l’aide des acteurs internationaux, une action cohérente et efficace doit être menée à l’égard des minorités ethniques de Birmanie.

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Photo: Fille du général Aung San Suu Kyi.

Références.

[1] Info Birmanie. Une mosaïque d’ethnies.
[2] Info Birmanie.
[3] Marie-Sybille de Vienne. 2004. La Birmanie en quête de rois. Outre-terre.
[4] Info Birmanie. Le recensement de la population birmane doit être repoussé pour ne pas exacerber tensions ethniques et religieuses dans le pays.
[5] Info Birmanie. En Birmanie, les ressources naturelles font le malheur des minorités ethniques.
[6] Scott, James. 1998. La montagne et la liberté. Yale University Press.
[7] Info Birmanie. En Birmanie. les ressources naturelles font le malheur des minorités ethniques.
[8] Ibid.

Bibliothèque.

Complain, Florence. « Aung San Suu Kyi à la rencontre des réfugiés birmans ». Le Figaro. 3 juin 2012. En ligne. http://www.lefigaro.fr/international/2012/06/03/01003-20120603ARTFIG00170-aung-san-suu-kyi-a-la-rencontre-des-refugies-birmans.php (page consultée le 23 novembre 2014).

Egreteau, Renaud. 2008. « Chapitre 4 : Les milices de Birmanie, entre insurrections et maintien de l’ordre ». Dans Milices armées d’Asie du Sud. Presses de Sciences Po.

Info Birmanie. En Birmanie, les ressources naturelles font le malheur des minorités ethniques. 1er octobre 2014. En ligne. http://www.info-birmanie.org/en-birmanie-les-ressources-naturelles-font-le-malheur-des-minorites-ethniques/ (page consultée le 22 novembre 2014).

Info Birmanie. En ligne. http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/panneau-minorité.pdf (page consultée le 22 novembre 2014).

Info Birmanie. Une mosaïque d’ethnies. 1er août 2013. En ligne.
http://www.info-birmanie.org/birmanie-une-population-heterogene-repartie-le-long-des-frontieres/ (page consultée le 22 novembre 2014).

Scott, James. 2001. « La montagne et la liberté ». Dans Critique Internationale. Presses de Sciences Po.

Vienne, Marie-Sybille. 2004. « La Birmanie en quête de rois ». Dans Outre-Terre.

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