Le Myanmar s’ouvre au monde… et aux fléaux environnementaux

Par Claire Bigand

Pollution au Myanmar

Le pays aux pagodes d’or, la Birmanie, le Myanmar. Peu importe son appellation, il est de notoriété publique que cet État, le plus vaste d’Asie du Sud-est, fut pendant près de 50 ans sous un régime militaire et que depuis peu, il amorce une transition vers la démocratie. Malgré des élections en 2010 prometteuses, la gouvernance reste instable et la situation de l’environnement devient préoccupante ne serait-ce qu’avec le «regain d’investissements directs étrangers dans les projets énergétiques transnationaux»[1].Si nous oublions les paysages enchanteurs du Myanmar, la réalité nous frappe de plein de fouet: les sacs de plastique jonchent les sols un peu partout dans les villes, la culture sur brûlis n’a pas progressé, des «barquettes en polystyrène ont remplacé les feuilles de bananier pour servir les repas»[2],  l’exploitation illégale continue de sévir pour le teck, la déforestation massive va de bon train. Non, le Myanmar n’est pas un modèle pour l’environnement. Du moins, pour le moment.

Il faut dire que l’activisme environnemental interne opposant les projets hydroélectriques ou bien les luttes pour la préservation du hotspot indo-birman, l’«un des points chauds les plus menacés de la biodiversité à l’échelle mondiale»[3], n’ont jamais réussi à faire céder le gouvernement, et avec raison: «les militants qui descendaient dans la rue finissaient en prison, comme c’est encore le cas aujourd’hui»[4]. Toutefois, l’activisme des communautés forcées à s’exiler pour la création de barrages fait écho et inspire de nouveaux mouvements politiques, promouvant la «démocratie, les droits humains et la sécurité environnementale au Myanmar»[5].

Le barrage Myitsone, grand fléau des environnementalistes et des communautés minoritaires kachin, est un exemple de belle victoire. Élaboré suite à un accord de 2005 de la China Power Investment Corporation et du Ministère de l’Énergie birman, le barrage menaçait la «disparition d’une biodiversité unique, les déplacements forcés de population, l’inondation de sites naturels et culturels rares».[6] Le dossier est rapidement devenu une «source de divisions au sein du gouvernement civil du président Thein Sein»[7] et le 30 Septembre 2011, le président annonce finalement qu’il veut «écouter le peuple»[8], en suspendant les constructions. Satisfaisant, diriez-vous? Comme certains le croient, le Parlement agit ainsi non pas pour des raisons écologiques véritables, mais pour des questions de stratégie politique. Un épiphénomène, voilà tout. L’État promet néanmoins à la communauté internationale l’élaboration de «nouvelles lois sur l’environnement, avec la participation d’experts locaux et étrangers», vraisemblablement dans une optique économique. Mais il faudra du temps, beaucoup de temps pour ce pays trop longtemps isolé, afin qu’il rehausse ses «faibles politiques de préservation environnementales»[9].

Culture sur brûlis, Myanmar

Le temps avance, l’environnement devient critique. La mondialisation a-t-elle un rôle à jouer quant à la situation actuelle du Myanmar? Bien sûr! L’établissement d’investisseurs étrangers serait à pointer du doigt, ne serait-ce qu’avec l’usage abusif des sacs de plastique nouvellement en vogue au pays. Ces nouvelles matières contaminent peu à peu cette région du monde, nullement prête à gérer l’environnement de manière responsable. Vous cherchez désespérément les poubelles à Nyanpyidaw, la capitale du pays? Les déchets sont tous simplement «brûlés en petit tas dans la rue tous les soirs, qu’il s’agisse de papier ou de plastique»[10]. Sans parler que l’extraction des ressources naturelles s’est amplifiée de manière intensive par les investisseurs étrangers comme la Chine ou la Thaïlande, en particulier pour les secteurs liés à l’eau, mettant en péril les «écosystèmes et la sécurité alimentaire du pays»[11].Toujours pour combler les demandes extérieures, le gouvernement s’en donne à cœur joie avec une exploitation, pas toujours légale, du teck. Selon l’organisation Global Witness, le rythme d’exploitation est tellement excessif que des «écosystèmes entiers auront disparu en 2020»[12].

Une question survient quand même. Les Birmans sont-ils si neutres en ce qui concerne l’effort aux politiques environnementales? Certains exemples nous font croire que non. Sachant que le «2/3 de la population vit en campagne»[13], les paysans emploient une technique de culture sur brûlis, ravageant des sols entiers qui prendront des années à redevenir fertile. Il est estimé que près de «2,5 millions de Birmans pratiquent cette forme d’exploitation agricole»[14]. Alors que les autorités essaient de convertir cette méthode avec la culture en terrasse, la résistance ethnique et les traditions s’en mêlent, freinant toute tentative d’amélioration.

Il est donc difficile de poser un constat véritable sur la situation des politiques environnementales du Myanmar. Certains aspects nous montrent que le gouvernement cherche à collaborer de plus en plus, d’autres nous exposent une réalité désorganisée. Des projets sont prévus par les analystes, certes, tels le Myanmar Initial Communication Project (INC) via le UNECE ou les stratégies comme le Payment for Ecosystem Services (PES), mais il n’y a qu’une chose à dire : Myanmar, nous vous souhaitons la bienvenue dans la cour des grands.

[1] Adam Simpson, p. 4.

[2]Collectif, Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, p. 36.

[3] Madhu Rao, Saw Htun, Steven G. Platt , Robert Tizard, Colin Poole, Than Myin et James E. M. Watson, p. 790.

[4] Tyler Chapman, en ligne

[5] Adam Simpson, p. 4.

[6] Églises d’Asie, en ligne

[7] Min Zin, en ligne

[8] Tyler Chapman, en ligne

[9] Madhu Rao, Saw Htun, Steven G. Platt, Robert Tizard, Colin Poole , Than Myint et James E. M. Watson, p. 792.

[10]Collectif, Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, p. 36.

[11] Kattelus Mirja, Rahaman Muhammad Mizanur et Varis Olli, p. 86

[12] Collectif, Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, p. 36.

[13]Ibid.

[14] Ibid

Bibliographie

Chapman, Tyler. 2012. Birmanie : les écologistes sortent du bois, En ligne. http://www.courrierinternational.com/article/2012/05/10/birmanie-les-ecologistes-sortent-du-bois (page consultée le 29 septembre 2014)

Collectif, Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette. 2014. Myanmar – Birmanie 2014-2015. Paris : Le Petit Futé.

Églises d’Asie. 2011. Mobilisation générale contre le projet gouvernemental de barrage sur l’Irrawaddy, En ligne. http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/birmanie-myanmar/2011-09-29-mobilisation-generale-contre-le-projet-gouvernemental-de-barrage-sur-l2019irrawaddy (page consultée le 29 septembre 2014)

Kattelus Mirja, Rahaman Muhammad Mizanur et Varis Olli. 2014. «Myanmar under reform : Emerging pressures on water, energy and food security». Natural Resources Forum (Vol. 38 Issue 2) : 85-98

Madhu Rao, Saw Htun, Steven G. Platt , Robert Tizard , Colin Poole , Than Myint and James E. M. Watson. 2013. «Biodiversity Conservation in a Changing Climate: A Review of Threats and Implications for Conservation Planning in Myanmar». AMBIO – A Journal of the Human Environment (Vol. 42 Issue 7): 789-804.

Min Zin. 2011. Un barrage qui fait céder le pouvoir, En ligne. http://www.courrierinternational.com/article/2011/09/30/un-barrage-qui-fait-ceder-le-pouvoir (page consultée le 28 septembre 2014)

Simpson, Adam. 2013. «Challenging hydropower development in Myanmar (Burma): cross-border activism under a regime in transition». The Pacific Review (26.2) : 129-152.

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