Le G7 de Charlevoix et la couverture médiatique : du local au national

Par Pascale Langlois

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Le G7 a fait grand bruit au Québec. Dès l’annonce en 2017 du lieu de sa tenue, les articles et reportages ont commencé à affluer dans les médias québécois et canadiens. Tous les angles ont été couverts : les dépenses, la sécurité, les manifestations, l’utilisation des clôtures du défunt Circuit électrique, les rencontres préparatoires et sectorielles. La proximité de l’événement et les implications pour le gouvernement canadien peuvent être invoqués pour expliquer l’abondance des articles sur le sujet. Mais comment cette couverture s’est-elle démarquée selon la distance avec l’événement? Comment le G7 a-t-il été traité de Charlevoix à Toronto? Est-ce que la perspective et les préoccupations ont été les mêmes? Alors qu’un événement international devient local, il est intéressant de voir comment il est traité dans nos médias, quelles voix ont été entendues, quelles opinions ont été émises. C’est une façon de prendre le pouls de la population.

Dans cet essai, nous explorerons la consommation des médias, l’importance des médias locaux dans le portrait médiatique, le traitement des nouvelles internationales, le rôle de la distance psychologique dans le traitement médiatique et la couverture du G7 dans quatre médias écrits de Charlevoix, de Québec, de Montréal et de Toronto, soit Le Charlevoisien, Le Soleil, Le Devoir et le Globe and Mail. Ces journaux ont été sélectionnés parce qu’ils sont de tradition écrite et qu’ils ont une section importante de nouvelles internationales. Notre hypothèse est que les médias plus près de l’événement, soit Le Charlevoisien et Le Soleil, traiteront de questions plus locales. Nous croyons que les analyses globales et les perspectives internationales apparaîtront dans les médias plus éloignés, soit dans Le Devoir et le Globe and Mail.

 

Consommation des médias

Depuis l’arrivée d’Internet dans les années 90, la consommation des médias a grandement changé. Tous les médias écrits, télé et radio, ont maintenant leur plate-forme de diffusion en ligne. Certains ont même opté pour une version complètement numérique comme La Presse +.

Selon le rapport Netendances 2017 du Cefrio, 70 % des Québécois consultent les nouvelles en ligne, en progression de 13 points par rapport à 2013 (Cefrio, 2018). Ceux qui consomment les nouvelles en ligne ont plus tendance à chercher de l’information activement comparativement à ceux qui obtiennent leurs informations principalement des médias sociaux.

Toujours au Québec, la confiance envers les médias et les journalistes a été en hausse de 2017 à 2018. C’est la protection de la qualité de l’information qui influencerait cette cote de confiance. D’ailleurs, 61 % des Québécois seraient inquiets de la présence de la mésinformation (« fake news ») (Digital News Report, 2018). Cependant, ils sont une forte majorité à consommer les nouvelles moins d’une fois par semaine. Ce chiffre n’est pas un reflet de la confiance mais plutôt d’un désintérêt des répondants parce qu’ils trouvent les nouvelles trop négatives.

Plus largement, au Canada, la confiance envers les médias est également en hausse, passant à 58 % en 2018. Les francophones sont plus nombreux que les anglophones à dire pouvoir se fier aux médias. La proportion se préoccupant de la présence de fausses nouvelles en ligne est semblable à celle du Québec, soit 60 %. Ainsi, la prolifération des fausses nouvelles ne semble pas altérer la confiance envers les grands médias mais semble rendre les lecteurs plus vigilants quant à l’information qu’ils consomment. D’ailleurs, ils ne sont qu’un sur cinq à croire que le journalisme citoyen est fiable. Ils croient plutôt que la couverture de l’actualité devrait être laissée aux journalistes formés.

Finalement, sur le plan mondial, on remarque une baisse de la popularité de Facebook pour obtenir de l’information. Cette habitude est passée de 55 % en 2017 à 48 % en 2018. Les changements algorithmiques seraient en cause dans ce changement d’habitudes. De plus, les Canadiens ne font que très peu confiance aux informations obtenues sur ce réseau social.

 

Le poids des médias locaux

Le rôle des médias locaux est important dans la participation politique des citoyens. Chez les Américains, ceux qui votent toujours aux élections locales ont de fortes habitudes de consommation de nouvelles locales. Ils consomment également plusieurs médias différents. De plus, ils sont plus attachés à leur communauté et connaissent le nom de leurs voisins. Cependant, cette tendance n’est pas remarquée pour les élections nationales (Barthel, 2016).

La consommation de nouvelles locales et nationales se répartit également entre les milieux urbains et ruraux. Cependant, les citoyens vivant en milieux ruraux consomment plus de médias traditionnels, spécialement les journaux. Il n’est pas dit cependant s’ils consultent ces journaux en ligne ou sur papier (Pew Research Center, 2012).

Mondialement, 78 % des gens suivent régulièrement les nouvelles concernant leur ville. Ce sont les personnes âgées de plus de 50 ans qui suivent plus précisément ce type de nouvelles.

Ces chiffres contredisent la croyance populaire qui veut que les médias locaux ne sont pas consultés. Ce serait plutôt le bassin de population qui est plus restreint que pour les médias nationaux.

 

État des nouvelles internationales

Les nouvelles internationales ne reçoivent pas la même attention que les nouvelles locales. Dans un sondage international, 57 % des répondants ont affirmé suivre régulièrement les nouvelles internationales comparativement à 86 % pour les nouvelles de leur pays et 78 % pour les nouvelles de leur ville (Mitchell, 2018).

Au Québec, la présence des nouvelles internationales a occupé 6,17 % de l’espace dans les médias en 2017, en hausse par rapport à 4,09 % en 2016 (Lepage, 2018). Cette hausse serait attribuable à l’entrée en poste du président Donald Trump. L’intérêt des Québécois pour les nouvelles internationales se classe au dernier rang.

De plus, la plupart des médias sont dépendants des agences de presse pour la couverture des nouvelles internationales (Mattelart, 2011). Cependant, avec Internet, les usagers ont accès plus facilement aux nouvelles internationales par les sites d’autres médias. Par exemple, le site de la BBC fait partie des sites de nouvelles les plus visités par les internautes américains (Olmstead, 2011). Au Canada, parmi les 50 sites les plus visités, seulement deux sont des sites de nouvelles : ceux de la CBC et de la BBC.

 

L’influence de la distance psychologique

La distance psychologique se décline en quatre éléments : la distance spatiale, sociale, temporelle et expérientielle (Hamilton, 2015). Plus la distance implique un grand nombre de ces éléments, moins le lecteur se sent interpellé par la nouvelle. La distance psychologique explique également en partie le choix de couverture des nouvelles. Évidemment, la distance spatiale est inévitable en ce qui concerne les nouvelles internationales. Ceci explique pourquoi les questions internationales, comme le G7, peuvent se retrouver dans un journal local comme Le Charlevoisien alors que la distance spatiale est absente.

« Tout se passe comme si le rôle du journaliste consistait à réduire au maximum la distance à l’individu de l’item qu’il a piqué, péché dans le flot de messages qui lui parvient de son environnement. Cette réduction de la distance psychologique à l’individu s’opère par la mise en valeur d’un facteur plus ou moins latent dans l’item (ou par son introduction en cas d’absence totale) que Flesch appelle « intérêt humain » (Kientz, 1969).

Le principal défi du journalisme international est donc de réduire la distance, trouver de l’intérêt humain pour rendre moins abstrait des concepts et des idées, en l’occurrence les relations politiques internationales, et attirer l’attention du public. Le journaliste doit également faire attention à ne pas perdre d’informations ou une partie du message dans ce processus de rapprochement.

 

Quatre médias canadiens, quatre visions d’un événement

Pour illustrer cette différence de regard et d’approche dans le journalisme influencé par la distance psychologique, nous avons choisi d’observer la couverture journalistique d’un événement international devenu local : le G7 de Charlevoix. Afin d’éliminer un élément de la distance psychologique, soit l’aspect temporel, nous avons réduit cette couverture au 7 juin 2018, soit le jour de l’arrivée des participants, jusqu’au 9 juin, soit le dernier jour du Sommet et le moment de la conférence de presse rendant public le communiqué conjoint.

Nous avons privilégié les médias écrits qui sont plus faciles à répertorier que les reportages télé et radio. Pour observer la distance spatiale, nous avons choisi quatre médias à partir du plus près de l’événement, soit Le Charlevoisien, et en nous éloignant. Le Globe and Mail a été sélectionné parce qu’il peut représenter la voix du Canada anglophone et parce qu’il jouit d’une forte réputation pour sa couverture internationale. À Québec, nous avons choisi Le Soleil plutôt que son concurrent, Le Journal de Québec, parce qu’il comporte une section de nouvelles internationales. Le Devoir a été choisi pour sa réputation dans sa couverture internationale, pour son caractère de média indépendant, mais également parce que Le Journal de Montréal, distribué plus largement, n’a pas de section de nouvelles internationales. Pour les fins de ce texte, nous avons consulté un total de 69 articles publiés du 7 au 9 juin 2018.

 

Le Charlevoisien, au cœur des événements

 

Historique

Le Charlevoisien est un journal hebdomadaire fondé en 1996 par Charles Warren et Paul Brisson. Auparavant, Charles Warren avait également fondé des journaux régionaux au Saguenay. Le journal fait aujourd’hui partie du groupe Les Éditions Nordiques avec quatre autres journaux régionaux : Le Nord-Nord-Côtier, Le Journal Haute-Côte-Nord et Le Manic.

Simon Brisson est un des propriétaires du groupe. Il s’est régulièrement exprimé sur la concentration des médias en région et sur la survie de ceux-ci. Au début de l’année 2018, il a plaidé la cause de ses journaux auprès des villes qui n’ont plus l’obligation de publier les avis publics dans les journaux. Ces avis représentaient 30 000 $ de revenus pour Le Charlevoisien uniquement. En 2017, Simon Brisson a également manifesté son intérêt d’acheter d’autres médias de l’Est du Québec.

Le Charlevoisien est imprimé à chaque semaine mais son site Internet est également mis à jour quotidiennement avec les actualités de la région. Le média a des bureaux à La Malbaie ainsi qu’à Baie-St-Paul. Son équipe comprend quatre journalistes et deux rédacteurs en chef.

 

La couverture du G7

Le Charlevoisien a publié 13 articles dont 2 vidéos sur la période étudiée. Les articles étaient plutôt courts et donnaient une voix à certains acteurs locaux. Parmi les quatre médias étudiés, c’est le seul par exemple qui relate les points de presse du maire de La Malbaie. D’autres acteurs locaux ont aussi pu s’exprimer dans leurs lignes comme le directeur de la SAQ de La Malbaie, qui a mis en valeur les produits locaux avec une permission spéciale du siège social. Un autre article mentionne aussi une papeterie locale qui a fourni le papier artisanal pour imprimer les menus, entre autres.

Les articles de ces trois journées montrent un regard relativement positif de l’événement faisant état de la circulation pour les touristes et de l’ouverture des magasins. Le côté négatif de l’événement est réservé aux paroles de Donald Trump, spécialement ses tweets envoyés après son départ reniant la déclaration conjointe. On ne fait aucune mention des quelques manifestations qui ont lieu à La Malbaie et non plus de celles qui se passent à Québec.

Nous remarquons également quelques mots informels dans la présentation d’une vidéo de l’arrivée de la délégation de l’Union européenne : « Désolé, pour l’image qui n’est que peu ou pas stable, mais la pluie, le vent et des difficultés dans le coin des journalistes ont rendu la prise d’images assez pénible! » Ces quelques mots démontrent comment les résidents locaux et leurs médias sont peu habitués à ces événements.

Les articles n’offrent pas de mise en contexte internationale des événements, pas d’analyse. On se contente de rapporter les points de presse et de relater les faits saillants des rencontres. Il n’y a pas non plus de résumé du communiqué conjoint ni du point de presse du premier ministre Justin Trudeau qui clôt le Sommet. On parle seulement de ses remerciements à la population ainsi que des feux d’artifices offerts par le gouvernement aux Malbéens.

En résumé, Le Charlevoisien a consacré ses lignes principalement aux événements locaux en lien avec le G7. Les journalistes ont principalement illustré les facettes positives de l’événement, réservant les critiques au président américain. Cependant, si nous avions également étudié les jours précédant l’événement, nous aurions trouvé un article sur la manifestation du 3 juillet 2018 dans la « zone de libre expression » ainsi que les doléances des femmes de chambre qui se sont trouvé sans emploi durant l’événement.

 

Le Soleil, dans le centre médiatique

Historique

Le Soleil est un journal quotidien de la ville de Québec qui fait partie du Groupe Capitales Médias. Ce groupe comprend également les journaux Le Droit à Gatineau, Le Nouvelliste à Trois-Rivières, Le Progrès et Le Quotidien au Saguenay-Lac-St-Jean, La Tribune à Sherbrooke et La Voix de l’Est à Granby. Le Soleil naît en 1896 et fait suite au journal L’électeur, fortement libéral, qui subissait des pressions du clergé. Parmi ses membres fondateurs, on compte le premier ministre du Canada Wilfrid Laurier et des auteurs comme Louis Fréchette. Il y a un seul autre quotidien publié à Québec : Le Journal de Québec, propriété de Québecor.

Il est important de noter que la ville de Québec où se trouvent les bureaux du journal Le Soleil était le centre médiatique du G7. Ils étaient 1 400 journalistes du monde entier à s’y retrouver alors qu’ils n’étaient que 400 à La Malbaie. Le Centre international des médias se trouvait au Palais des congrès, en plein cœur de la ville, à quelques coins de rue du Parlement. Les bureaux du journal Le Soleil se trouvent pour leur part dans la basse-ville de Québec.

 

La couverture du G7

Le Soleil a produit 17 articles pendant les trois jours étudiés. Douze journalistes et chroniqueurs ont participé à cette couverture. Un seul article a été écrit en collaboration avec l’Agence France-Presse et La Presse Canadienne.

Parmi les quatre médias étudiés, Le Soleil est celui qui a produit le plus de reportages portant sur le G7, soit sept. Parmi ceux-ci, on retrouve des critiques sur la stagnation des négociations entre le Canada et les États-Unis, les effets de l’imposant dispositif policier dont la fermeture de nombreux commerces et des médias sur leur message alarmiste à propos des manifestations mais également envers les médias américains et le traitement spécial dont ils ont bénéficié. Notons également un article portant sur la préparation des policiers qui aura au moins servi à affiner les plans d’urgence de la ville de Québec selon l’auteur : « Cela va servir lors des grands rassemblements et événements de la vie de Québec : manifestations, Saint-Jean-Baptiste, Festival d’été, tempêtes, accidents, dommages aux infrastructures, etc. Québec sera devenue, mine de rien, un peu meilleure et plus sécuritaire qu’avant. » (Bourque, François, Le Soleil, 8 juin 2018)

Un des articles avait un ton plus positif. La journaliste en poste à La Malbaie parlait du message de paix du moine bouddhiste arrivé le mercredi avant le début du Sommet et qui souhaitait faire passer un message aux dirigeants sur les armes nucléaires. Le même article parle du calme plat à La Malbaie et des quelques manifestations qui se déroulent dans le calme.

Parmi les articles plus neutres qui font partie des sections « Actualités et Politique », seulement deux relatent les relations internationales à travers les propos que Donald Trump a tenus avant son arrivée au G7 et analysent les relations tendues au moment des premiers points de presse des hauts fonctionnaires.

Au sujet des manifestations, deux articles journalistiques y ont été consacrés. Cependant, trois autres articles sont consacrés aux perturbations dues à la présence policière et à l’anticipation de manifestations. D’ailleurs, un article de la section « Arts » parle d’un spectacle qui a fait sensation et dont les dernières représentations ont dû être annulées. Si nous avions étendu notre étude à la semaine précédant le Sommet, nous aurions rencontré plus d’articles consacrés aux fermetures, entre autres celle du Parlement à Québec.

En résumé, Le Soleil s’est principalement consacré aux nouvelles concernant Québec et la région. Une forte proportion d’articles a été des textes d’opinion qui ont critiqué le dispositif de sécurité et l’attitude du président Donald Trump.

 

Le Devoir, entre local et national

Historique

Le Devoir est un quotidien montréalais qui paraît pour la première fois le 10 janvier 1910. Fondé par Henri Bourrassa, le journal s’est toujours voulu un média d’idées et d’opinions. Pendant plus de cent ans, il est demeuré le seul quotidien indépendant malgré les nombreuses embûches financières rencontrées. Depuis 2016, le quotidien a pris un important virage numérique en nommant un directeur de l’information numérique et en lançant son application mobile.

L’équipe de rédaction du Devoir comprend 34 journalistes, 31 chroniqueurs, 10 directeurs de l’information et une grande équipe de surnuméraires. Un seul journaliste est consacré aux nouvelles internationales et il est également le chef de la division.

La section Monde du site Web est divisée en sections : Afrique, Asie, Moyen-Orient, Amériques, États-Unis, Europe. Plusieurs actualités sont fournies par différentes agences de presse comme l’Agence France-Presse et l’Associated Press.

 

La couverture du G7

Du 7 au 9 juin 2018, Le Devoir a fait paraître 20 articles ayant pour sujet le G7. Neuf d’entre eux provenaient d’agences de presse, soit l’Agence France-Presse et La Presse Canadienne. Le seul article d’opinion a été rédigé par un chargé de cours et chercheur de l’Université de Montréal, Régis Coursin. Celui-ci est résident de la région de Charlevoix en plus d’avoir créé l’école d’été « Le G7 en immersion ».

Il est intéressant de noter que trois articles journalistiques sont parus dans la section « Économie ». L’un d’entre eux était une entrevue avec le chercheur John Kirton de la Chaire de recherche sur le G7 et le G20 de l’Université de Toronto. Celui-ci analysait les relations entre les pays membres du G7 et spéculait sur le contenu du communiqué conjoint final. Un autre analysait les répercussions économiques des déclarations du président Donald Trump.

Au sujet des manifestations, quatre articles ont été écrit par les journalistes du Devoir. L’un d’entre eux, tout en conservant un ton neutre, a mis en opposition les effectifs policiers et le nombre de manifestants, tant à Québec qu’à La Malbaie. Deux autres articles relataient les difficultés financières des groupes de pression mais également la peur qu’a créé le dispositif de sécurité, encore une fois autant à Québec qu’à La Malbaie. Dans l’un d’entre eux, une résidente fait mention de la parole qui semble être accordée systématiquement aux résidents ayant une expérience positive du G7.

Un article relatait également les difficultés financières de plusieurs commerçants de la région de Charlevoix : des employés mis à pied faute de travail, des baisses du chiffre d’affaire, des hôtels qui affichent complet mais qui restent inoccupés. Parmi les quatre médias étudiés et sur les trois jours sélectionnés, c’est le seul article qui fait mention de ces difficultés.

En résumé, Le Devoir a affecté ses journalistes aux questions locales comme les manifestations et les conséquences pour la population, laissant les actualités internationales en lien avec le G7 aux journalistes des agences de presse. La couverture est ainsi restée près des préoccupations locales tout en offrant un regard global sur les événements.

 

Le Globe and Mail, le pouvoir de l’image

Historique

Le Globe and Mail est un quotidien de Toronto fondé en 1844. Il était alors The Globe, un mensuel de parti. C’est à la suite de sa fusion avec The Mail and Empire en 1936 qu’il deviendra The Globe and Mail. Il est le deuxième quotidien en importance au niveau du tirage à Toronto après le Toronto Star. C’est le média canadien qui a remporté le plus de prix journalistiques. Il est aujourd’hui la propriété de Woodbridge, la filière d’investissements de la famille Thomson.

L’équipe journalistique du Globe and Mail inclut huit correspondants à l’étranger. Parmi les quatre médias étudiés, il est le seul à avoir une telle équipe pour la couverture des nouvelles internationales. La section Monde du site Web est divisée entre « Global Reporting », « U.S. Politics » et « Foreign Reporters ». Elle est principalement alimentée par les journalistes du Globe and Mail.

 

La couverture du G7

Le Globe and Mail a eu la plus forte production d’articles sur le G7 pendant la période étudiée avec 27 articles. L’utilisation de vidéos et de photos est aussi caractéristique de la couverture du quotidien avec dix articles à teneur visuelle, soit plus du tiers. Notons cependant que huit d’entre eux sont basés sur les images et les informations des agences de presse Reuters, la Presse Canadienne et l’Associated Press. La plupart des vidéos et galeries photos étaient sans commentaires et avec très peu de montage. Les deux vidéos produites par le Globe and Mail ont offert d’une part la vulgarisation de ce qu’est un G7, et de l’autre mettait en opposition les conférences de presse de clôture de Donald Trump et de Justin Trudeau. Cette dernière mettait ainsi en évidence les contradictions entre les deux discours et les deux visions des événements.

Parmi les 17 articles écrits, quatre sont issus d’agences de presse. Parmi eux, un article faisait la couverture des manifestations à Québec. Les trois autres font partie de la section Investissements et mentionnent les effets de l’incertitude des négociations au G7 sur les marchés financiers.

Ainsi, un peu moins de la moitié des articles sur le G7 ont été rédigés par les journalistes du Globe and Mail, soit 12. Trois de ceux-ci sont des articles d’opinion. Deux ont été consacrés aux déclarations du président Donald Trump et à ses relations houleuses avec les autres pays membres du G7. L’un d’eux est le seul article parmi ceux étudiés qui parle en longueur de la stratégie du président en demandant la réintégration de la Russie au sein du Sommet. C’est également le seul média étudié qui a analysé la présence du controversé président rwandais.

En résumé, le Globe and Mail a consacré sa couverture du G7 principalement aux questions politiques et aux relations internationales. Aucun article n’est consacré aux effets du G7 sur les populations locales ni sur les fermetures de commerces. Nous remarquons également qu’il n’y a aucune mention ni critique du dispositif de sécurité. Les événements locaux, soit les manifestations à Québec, ont été entièrement couverts par les agences de presse. Les analyses du G7 se sont faites plus globales, parlant même des effets des incertitudes liées au G7 sur les marchés financiers.

 

Discussion et remarques conclusives

Les couvertures médiatiques du G7 du 7 au 9 juin des journaux écrits Le Charlevoisien, Le Soleil, Le Devoir et le Globe and Mail sont très différentes. Nous retenons l’importance du Charlevoisien pour donner une voix aux acteurs locaux. Il en va de même pour Le Soleil pour analyser la présence policière à Québec et relater les effets sur les citoyens de la capitale. Cependant, les voix discordantes de la région de Charlevoix ont été plutôt entendues dans Le Devoir.

Ces préoccupations locales avaient complètement disparu des lignes du Globe and Mail, les seules actualités locales étant confiées aux agences de presse, ce qui crée encore plus de distance avec les événements. L’être humain derrière la nouvelle a également été éclipsé, les seules personnes ayant eu la parole étant les dirigeants des pays membres du G7. Nous pourrions avancer l’hypothèse que la barrière linguistique a pu constituer un obstacle au travail des journalistes.

Tout comme nous l’avions anticipé, les analyses plus globales des événements et des relations internationales sont apparues dans les médias plus éloignés du centre des événements. Même si les propos de Donald Trump ont été rapportés et critiqués dans Le Charlevoisien ainsi que dans Le Soleil, ils ne sont pas les principaux sujets de ces médias locaux dans leur couverture du G7.

Nous pourrions également souligner la différence des moyens entre chaque média. Dans Le Charlevoisien, nous avons noté plusieurs fautes d’orthographe et de syntaxe, sans doute à cause de l’absence d’une équipe de correction. Le Devoir a un seul journaliste et chef de division pour les nouvelles internationales comparativement à huit correspondants étrangers pour le Globe and Mail. En plus de la distance psychologique, les différences de moyens pourraient aussi expliquer les différentes couvertures d’un événement comme le G7. Les frais d’accréditation, de déplacement et les effectifs disponibles sont tous des éléments qui influencent le contenu d’un journal.

En ce qui concerne Le Charlevoisien et sa couverture plus positive des événements, nous pourrions avancer comme hypothèse le poids des annonceurs dans les choix éditoriaux des médias régionaux. En l’occurrence, le maire de La Malbaie avait un message positiviste que le journal n’avait peut-être pas intérêt à contredire. On pourrait aussi parler de la tradition d’hospitalité de la région, peut-être une image renvoyée par son journal local. Ou encore que la majeure partie des habitants étaient sincèrement fiers de recevoir un événement d’envergure.

Aussi, il ne fait aucun doute que les distances spatiale, sociale et expérientielle ont influencé les choix éditoriaux de chaque média. Cependant, ce ne sont pas ceux qui ont été le plus influencés par les restrictions imposées par le G7, soit les Charlevoisiens, qui ont manifesté le plus de mécontentement à travers leurs médias. Ainsi, on pourrait se questionner sur le véritable reflet des médias des préoccupations et revendications de la population. Dans l’article de Régis Coursin, tous les résidents s’expriment sous le couvert de l’anonymat. Un autre article mentionne la pression des habitants de la région qui étouffent les voix discordantes. Peut-être que finalement ce n’est pas tant la faute des médias et des journalistes mais plutôt de la disposition des citoyens à s’exprimer librement.

Il faut rappeler ici la limite de temps dans l’étude des articles. Tel que nous l’avons déjà mentionné, en élargissant la période de publication des articles étudiées, nous aurions trouvé plus de doléances des citoyens de Charlevoix dans leur journal hebdomadaire, un discours sans doute plus équilibré que ce qui a été étudié. Dans Le Soleil, nous aurions sans doute retrouvé plus d’articles de nouvelles venant équilibrer le nombre de reportages portant sur le G7. Du côté du Devoir, nous aurions probablement retrouvé plus d’articles sur les relations internationales.

Il aurait pu être aussi intéressant d’observer les différences de traitement du G7 par chaque pays représenté au Sommet. Les photos publiées d’un même moment sur Twitter au courant des discussions est déjà un bon indice des différences de points de vue. Même en voulant collaborer avec leurs alliés, les pays doivent également défendre chacun les intérêts de leur population, différents d’un pays à l’autre.

Dans tous les cas, ce que nous retenons est la complémentarité des médias. En ne consultant qu’un journal, nous aurions observé qu’un seul côté de la médaille. En lisant seulement les pages du Charlevoisien, nous aurions pu croire à un événement local; du Soleil, que la ville de Québec était en état de siège; du Devoir, qu’il n’y avait que des effets négatifs sur les résidents; du Globe and Mail, que le G7 est principalement un sommet économique. Cet exercice souligne donc l’importance de s’informer à différentes sources, autant locales que plus éloignées, car c’est à travers cette diversité de sources et de perspectives qu’il nous est possible de jeter un regard global et nuancé sur un même événement.

 

Biographie

Pascale Langlois est étudiante au DESS en journalisme à l’Université de Montréal. Elle est également journaliste au journal Quartier Libre. Elle s’intéresse aux répercussions sociales de la politique.

 

Références

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