Par Marie Boti et Malcolm Guy
À titre de cinéastes documentaristes, nous avons toujours intégré de la musique dans nos films. Nous connaissons la puissance des sons, des bruits, des musiques pour créer une ambiance, une émotion. Et quoi de plus enlevant qu’une belle chanson avec des paroles progressistes pour toucher le cœur et l’esprit des spectateurs !
La musique est créée dans un contexte, elle reflète une époque, une idéologie. Elle peut être au service du statut quo ou des forces du changement.
Aujourd’hui, à l’époque de Donald Trump et de Justin Trudeau, on a tout un défi à relever en tant qu’artistes. Crise écologique, montée du militarisme, menace de guerre nucléaire, des écarts plus importants que jamais entre le petit groupe de super-riches et le reste d’entre nous, la promotion du racisme, le nombrilisme, les fausses nouvelles et les mensonges purs et simples, avec un réel danger de fin du monde tel qu’on le connaît… Nous devons passer au-delà d’une culture de résistance à laquelle nous nous sommes un peu habitués, à une culture de révolution. Ça veut dire s’attaquer au quartier général des ultra-réactionnaires comme Trump, mais aussi aux pseudo-gentils messieurs comme Trudeau qui utilisent leur charme pour mieux défendre le statu quo. Si nous ne brisons pas la mainmise de la culture impérialiste, nous sommes condamnés à connaître le même sort que les dinosaures.
Et c’est là qu’intervient le rôle du travailleur ou travailleuse culturelle du XXIe siècle, de la musicienne-chanteuse, du dramaturge, du poète, de l’écrivaine et d’autres fauteurs et fautrices de troubles.
Cette musique, ainsi que toutes les formes de culture populaire, sera créée dans les rues et dans les foyers et lieux de rencontre des gens ordinaires, des citadins pauvres, des ouvriers, des paysans, des pêcheurs… construisant pas à pas des mouvements de masse contre le monstre impérialiste. Le mouvement devra être organisé et non spontané et les artistes devront rompre avec l’individualisme du passé et apprendre à gagner leur place dans le mouvement.
Le Pouvoir de la chanson
Surveillez la musique. C’est une forme d’art importante. Les dirigeants doivent faire attention aux chansons qu’on permet de chanter. – Platon
Quand elle est reprise par un mouvement, la chanson devient une arme puissante, et Platon n’est pas le seul à s’en être rendu compte.
Des chansons comme Monsieur le Président de Boris Vian, écrite dans le contexte de la guerre d’Indochine, ou Quand un Soldat, chantée par Yves Montand, sont frappées par la censure au moment où la France envoie des milliers de soldats défendre les intérêts de l’Empire. Ces chansons sont reprises par des artistes américains, Joan Baez et Peter, Paul et Mary, dans les années soixante, pendant la guerre des États-Unis contre le Vietnam.
Partir pour mourir un peu
À la guerre à la guerre
C’est un drôle de petit jeu
Qui n’va guère aux amoureux
La chanson Blowin’ in the Wind de Bob Dylan, écrite en 1962, devient l’hymne d’une génération de jeunes exprimant les aspirations pour un monde sans guerre et où règne la justice sociale.
Des chansonniers comme Woody Guthrie ou Pete Seeger, des chansons comme This Land is Your Land, inspirent plusieurs générations et deviennent des symboles de résistance à l’ordre du capitalisme.
Ailleurs dans le monde, des artistes comme Nass El Ghiwane au Maroc, Fela Kuti au Nigéria ou Buffy Sainte-Marie, chanteuse compositrice crie de la Saskatchewan, ont tous attiré l’ire des autorités.
D’autres artistes sont carrément assassinés, comme Victor Jara, grand chansonnier du Chili, martyrisé par la dictature du général Pinochet, ou encore Lounès Matoub, artiste kabyle, militant pour la démocratie et la laïcité en Algérie, assassiné en 1998.
Cela fait longtemps que les maîtres coloniaux ont compris que des épées, des baïonnettes, des fusils et des bombes ne suffisaient pas pour réprimer la résistance armée ou détruire des villages rebelles entiers afin de subjuguer un peuple.
Depuis, la guerre pour les cœurs et les esprits s’est poursuivie, et les peuples conquis ont résisté à l’asservissement dans le domaine culturel avant même qu’ils ne prennent les fusils et ne se battent.
(Juliette De Lima)
Jocelyne Saint-Léger, danseuse contemporaine originaire d’Haïti et établie à Montréal, fait de la danse traditionnelle Afro Karayib, en particulier celle qui vient d’Haïti. « Nous puisons dans la diversité de l’expression corporelle de cette culture pour créer un mouvement qui empreint l’être de liberté », affirme-t-elle sur son site Web.
https://vimeo.com/44670332 (documentaire : voire affiche ci-dessous)
https://youtu.be/T3kr4zFGE6w (performance, au défilé de L’amitié nuestroamericana, 6 aoôut 2016)
Quand Jocelyne Saint-Léger danse pieds nus, en se défoulant sur scène comme le faisaient les esclaves exprimant leur résistance et leur humanité à l’abri des yeux des maîtres coloniaux français, elle exprime par le mouvement tout le drame et l’émotion de ses ancêtres. Sans dire un mot(1).
Les idées dominantes
Comme l’a bien dit Marx dans L’Idéologie allemande:
À toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes […]
La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien que […] les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante.
Cependant, cette superstructure n’est pas monolithique et elle foisonne de contradictions. Pour les artistes engagés, il faut comprendre les contradictions et définir une position de classe. De quel côté sommes-nous ? En tant qu’artiste, en tant que musicien, comédienne, cinéaste, on doit être avec et pour le peuple.
Le pouvoir défend l’idée de la neutralité de l’art, l’idée que l’artiste doit être neutre. Mais il n’y a pas de neutralité dans une société divisée en classes, la classe des possédants, le un pourcent de la population, et l’autre classe, les 99 pourcent de la population, ceux et celles qui vivent de leur travail.
Les politiciens de toutes les couleurs ont toujours utilisé les artistes et la musique pour mousser leur popularité. Souvent avec l’entière collaboration des artistes, d’ailleurs. Même sans le consentement des artistes, ils ne se gênent pas pour profiter du renom des œuvres populaires pour se les accaparer, pour les exploiter à leur avantage, voire même en faussant complètement le message original d’une chanson.
Que dire de l’équipe de Donald Trump qui a utilisé sans permission la chanson de Bruce Springsteen Born in the U.S.A. dans ses assemblées de campagne présidentielle,voulant ainsi mousser le nationalisme américain ? Or, cette chanson, sortie en 1984, parle des effets de la guerre du Vietnam sur un soldat américain.
En fait, même une chanson sans contenu politique évident colporte des valeurs, que ce soit uniquement en renforçant le statu quo ou en endormant l’esprit critique.
Une série documentaire
Nous avons toujours été touchés par la musique, particulièrement la musique populaire au contenu progressiste. En tant que militants et documentaristes, au début de l’an 2000, nous avons tourné nos caméras sur les mouvements sociaux et politiques qui ébranlaient le monde au tournant du millénaire et sur les musiciens qui les accompagnaient. C’était le projet d’une série documentaire sur les musiques rebelles dans différentes parties du monde, conçue pour tâter le pouls de la résistance à la mondialisation impérialiste.
Faire la recherche pour ce projet, découvrir des artistes, de notoriétés diverses, qui s’affichent en faveur des causes justes, parfois au risque de leur vie, fut l’une des expériences les plus euphoriques, inspirantes et transformatrices de notre carrière de documentaristes.
Dans Musiques rebelles Québec (https://multi-monde.ca/musiques-rebelles-quebec/) nous avons accompagné quatre artistes ou groupes : les Loco Locass, Landriault, Norman Nawrocki et Acalanto, qui chantaient leur opposition à la Zone de libre-échange des Amériques – un accord qui aurait bénéficié principalement aux États-Unis et au Canada, au détriment des pays plus pauvres du continent et des classes populaires de tous ces pays.
Le mouvement altermondialiste était à son apogée, et une puissante opposition s’y était organisée au Québec, où les artistes furent des acteurs importants dans la mobilisation culminant au Sommet des Amériques où des milliers de manifestants ont affronté un déploiement inégalé de policiers et de militaires. On l’a surnommé « le Sommet des gaz lacrymogènes » : la partie historique de la ville de Québec fut ensevelie sous une nuage de vapeurs de gaz pour protéger, supposément, les 35 chefs d’État réunis au Centre des congrès de la Haute-Ville, barricadés derrière une clôture de sécurité qui longeait la ville historique comme un château-fort contre les manifestants.
Les musiciennes et musiciens que nous avions choisis de suivre étaient tous présents ; leurs chansons furent des cris de ralliement et des échos de la résistance.
Les Loco Locass, dans L’Empire du pire en pire, proclamaient que
La monarchie des marchands
Je ne marche plus là-dedans
Je refuse obstinément que le globe me gobe globalement
Fuck le périmètre de sécurité
Je ne suis pas d’accord avec l’Accord Multilatéral d’investissements
Qui traite l’art comme du lard
Et la culture comme l’agriculture
Avec un pareil AMI
Pas besoin d’ennemi
Toutes les nations lui déroulent le tapis.
Acalanto, groupe chilien formé de réfugiés du régime de Pinochet, établi à Montréal, faisait vibrer les manifestants avec ses chansons en espagnol pour résister à l’hégémonie culturelle nord-américaine, et ceci dans la tradition de Victor Jara, de Violetta Para et de Quilapayun.
La Muralla de Quilapayun
Bâtissons cette muraille en joignant toutes les mains.
Devant la rose et l’œillet
Ouvrons la muraille
Devant le sabre et le colonel
Fermons la muraille
Landriault, avec ce style rocker outré qui lui est propre, affirmait son anarchie dans la chanson La Liberté ou la mort ! Et Norman Nawrocki (voir son texte dans le présent numéro) nous conviait à son cabaret inimitable, à l’image de Bertolt Brecht, carburant aux paroles humoristiques et caustiques.
Deux ans plus tard, nous poursuivions notre projet dont faisait partie Musique rebelle Québec avec un deuxième épisode de cette collection de films, en Amérique latine cette fois-ci, au cœur des mouvements qui faisaient vibrer l’autre Amérique. Nous avons accompagné des artistes talentueux et engagés – dans la rue, avec les piqueteros de l’Argentine ; sur la scène, devant des milliers de partisans au Brésil avec Chico César ; au Mexique, avec Lila Downs, et dans les communautés colombiennes où l’on chantait pour éloigner la peur de la prochaine attaque aérienne des paramilitaires, chez les Afro-Colombiens du Choco (http://multi-monde.ca/musiques-rebelles-americas/).
Pour accentuer le lien entre musiciens et mouvements, dans le sens des mouvements qui inspirent les musiciennes et musiciens qui les nourrissent à leur tour, nous avons organisé une tournée à travers le Québec et l’Ontario avec le film Musique rebelles Americas (voir le lien ci-dessus). Y participaient plusieurs des groupes de musiciens qui figuraient dans le film, ainsi que des représentants des mouvements de solidarité locale.
Ce fut une merveilleuse partie de plaisir, d’engagement et d’euphorie pour tout le groupe. Nous croyons que notre tournée a donné un bon coup de pouce aux activités d’organisation des groupes de solidarité politique dans les régions du Québec où nous sommes passés.
Un autre film, Chants de la DétermiNATION, sur des musiciens engagés autochtones au Canada, nous a permis de toucher aux thèmes du racisme, de la misogynie, de la dépossession face aux grands projets extractivistes, et de connaître une jeune génération de militants autochtones critiquant les compromis de leurs parents face aux puissants, comme l’entente de la Baie James et la Paix des Braves (http://multi-monde.ca/chants-de-la-determination/).
Un projet sur les musiciens engagés en Afrique nous a permis de connaître des artistes comme l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly, Fela Kuti au Nigéria ou Bonga au Mozambique. Le film est resté en plan, faute de financement de production, mais Musiques rebelles Afrique reste un projet important à réaliser. L’Afrique est la source d’à peu près toute la musique moderne et contemporaine, que ce soit le jazz, le blues, le rock, le reggae, le hip-hop, tous issus des luttes contre le colonialisme, l’esclavagisme et le racisme. Malgré l’appropriation de cette musique par l’industrie culturelle impérialiste, ses racines profondes de révolte et d’affirmation culturelle non européenne et non américaine ne peuvent être effacées.
Les artistes intégrés dans les mouvements
Des artistes progressistes travaillent souvent à créer des brèches dans l’industrie culturelle qui tend à uniformiser, à édulcorer, à vider la musique et l’art de son contenu rebelle. On forme des coopératives de travailleuses et travailleurs culturels, des étiquettes indépendantes, on s’autoproduit, etc.
Il est bon de développer différentes guildes progressistes, anti-impérialistes et démocratiques au sein des professions littéraires et artistiques sans qu’elles deviennent pour autant de petits groupes spécialisés et exclusifs.
Nous devons plutôt trouver divers moyens pour nous intégrer, individuellement ou en équipes, au sein de syndicats de travailleurs, d’associations paysannes et d’autres organisations de base de femmes, de jeunes, d’enfants, des groupes LGBTQ et d’autres secteurs, et dans ce processus, trouver des moyens de développement de la culture anti-impérialiste et démocratique comme un mouvement de masse dans un sens réel, au lieu d’être uniquement le produit de petits collectifs d’écrivains et d’artistes dispersés.
Enfin, contribuons tous et toutes de notre mieux à bâtir une offensive culturelle populaire unifiée contre l’impérialisme, conscients que l’écrasante domination de l’impérialisme nécessite des organisations solides avec une direction forte, guidées par l’idéologie, la politique et les méthodes d’une partie de la classe la plus avancée et la plus productive de notre société d’aujourd’hui.
Surtout, en cette ère de l’Internet et du multimédia, aidons également à créer de puissants contre-médias – puissants dans le sens d’être en mesure de soutenir les luttes populaires de manière efficace et d’amplifier la voix du peuple pour ensuite trouver un écho et attirer l’appui concret des millions de masses.
Il ne suffit pas pour nous de rivaliser avec les impérialistes dans des termes superficiels comme des mots-clics à la mode, des vidéos virales sur You Tube et des commentaires de la télévision.
Plus importants pour nous sont les résultats à long terme, tel que mesurés par la croissance soutenue et exponentielle des organisations anti-impérialistes de masse et des mouvements de masse nationaux et à l’échelle internationale.
Aidons à construire de nombreux canaux, allant dans le même sens général.
Une analogie appropriée est celle où les luttes populaires sont comme de nombreux petits ruisseaux qui finalement se transforment ensemble en un puissant courant sans fin capable de submerger les bastions culturels de l’ennemi. »
(Présentation de Juliette de Lima, du Front national démocratique des Philippines, à l’atelier sur la culture de l’Assemblée générale de la Ligue internationale de lutte des peuples, Manille 2015.)
Nous sommes toujours ravis de voir les artistes qui accompagnent les mouvements auxquels nous sommes attachés en tant que militantes et militants.
Des artistes comme Rosa Marta Zarate, chanteuse, compositrice et coordonnatrice de l’Alliance des Ex-Braceros del Norte réunissant les premiers travailleurs agricoles du Mexique recrutés en masse pour pallier le manque de main-d’œuvre aux États-Unis durant et après la Deuxième Guerre mondiale. Ils ont été traités comme du bétail… et les anciens luttent encore pour toucher les bénéfices soustraits de leur paie à l’époque. Nous avons pu les connaître grâce au tournage de notre film La fin de l’immigration ? http://multi-monde.ca/la-fin-de-limmigration/
Et on ne peut pas oublier les groupes comme les Zapartistes et bien d’autres qui ont accompagné les étudiants en grève du Québec en 2012. Le formidable mouvement qui a fait tomber des ministres et des gouvernements, animé par des milliers de jeunes, a embarqué dans son sillon des créateurs de tous les milieux, tel l’Orchestre des Artistes, formé de 90 musiciens provenant du Conservatoire de musique de Montréal, de McGill et de l’Université de Montréal et de 20 comédiens provenant du Conservatoire d’art dramatique et du Cégep Lionel-Groulx. L’orchestre a joué Le Sacre du printemps de Stravinsky, dans un concert qui s’intitulait Le Sacre du printemps érable.
Certains artistes jouent carrément le rôle d’animateurs et de formateurs de manifestations et d’évènements. Citons l’exemple de Kiwi Ilafonte, musicien hip-hop de la côte Ouest des États-Unis. Il a accepté notre invitation de chapeauter la partie culturelle d’une conférence intitulée Solidarité et Lutte – Renforcer la résistance à la Guerre, au Militarisme et au Néofascisme menés par les États-Unis, qui a eu lieu à Toronto en août 2017.
Il fait non seulement de la performance hip-hop lui-même, mais agit comme imprésario. Il réunit, en effet, d’autres artistes pour une soirée de solidarité mouvementée et enlevante, et surtout, il aide à composer des slogans, des riffs, des rythmes à entonner pour la manifestation de rue organisée dans le cadre de la conférence commémorant le bombardement nucléaire d’Hiroshima le 6 août. Kiwi est meneur de chant, il traîne lui-même un boom-box et des haut-parleurs sur roues tout le long de la manifestation.
« Hey, Trump, get out the way, get out the way Trump, get out the way! »
Égayer les esprits, marquer le pas, harmoniser et organiser la protestation
Les militants de Montréal peuvent compter sur la collaboration de plusieurs groupes de fanfares, comme l’Ensemble insurrection chaotique, qui participe à animer la résistance dans les manifestations et à marquer le pas dans un esprit ludique.
On peut aussi compter sur les Raging Grannies et les Mémés Déchaînées qui calquent avec humour leurs paroles anti-guerre sur des refrains connus. Ces grands-mères délurées empruntent au théâtre de rue avec leurs chapeaux fleuris, leurs foulards, leurs plumes et leurs boas afin d’attirer l’attention sur leur lutte pour la justice sociale.
Côté performance, Stefan Christoff, un pianiste engagé, organise des concerts-happenings sous le nom de Howl (un poème d’Allen Ginsberg) avec des artistes musiciens talentueux et disparates, réunis pour la cause de la Palestine.
https://youtu.be/eAsinLLfdjg : Stefan Christoff avec Norman Nawrocki
Ce que ces artistes ont en commun est un parti pris pour les opprimés, les travailleuses et travailleurs, les migrants, les paysans, les combattants. Et pour les valeurs d’une nouvelle société fondée sur la justice, le pouvoir populaire, la solidarité, le sacrifice et le dépassement de soi.
D’ailleurs, quel plaisir d’entendre une chanson devenue classique d’un Danny Fabella aux Philippines, entonnée par jeunes et aînés confondus, de la métropole jusque dans les montagnes de la forêt tropicale et les bases de la guérilla, et chez les millions de Philippins de la diaspora à travers le monde ! Il s’agit de la douce mélodie de Roses dans la guerre qui raconte les joies et tristesses de l’amour en temps de révolution.
https://www.youtube.com/watch?v=OLPTD0Btnso
Voici le poème du révolutionnaire José Maria Sison, mis en chanson et devenu un hymne qu’on entonne aux funérailles de militants de tous genres.
What Makes a Hero
Ce n’est pas la manière de mourir qui fait le héros…
Un héros peut mourir de la maladie, d’un accident,
Sur le champ de bataille ou de la vieillesse
Ce qui distingue le héros,
C’est qu’il qui sert le peuple
Jusqu’à son dernier souffle
(Notre traduction)
Passer de la culture de résistance à la culture révolutionnaire
Le terme « révolutionnaire » est plus que galvaudé, avec l’industrie de la publicité qui s’en est emparée pour le servir à toutes les sauces. C’est un mot qu’on utilise pour hyperboliser des phénomènes banals afin d’en oublier le sens.
Qu’est-ce que nous voulons dire par « révolutionnaire » ? C’est, pour nous, la vision exprimée par Mao Tse Toung, qui a dirigé la révolution chinoise de 1949. « Le peuple seul est la force motrice de l’histoire du monde », disait-t-il.
Ce qu’il maintient, c’est que ce ne sont pas de grands individus, mais les masses – la vaste majorité des gens vivant de leur travail – qui peuvent transformer la société, une fois mobilisées et organisées.
L’artiste ne changera pas le monde seul. Et ce ne sont pas non plus « les artistes » comme groupe qui le feront. L’artiste doit se fondre dans les masses, devenir partie d’elles, sentir leurs problèmes et leurs aspirations, pour participer à la marche vers la libération et la révolution.
L’artiste doit être une travailleuse ou travailleur culturel – une personne qui utilise son art pour soutenir l’expression et les convictions des dépossédés, des marginalisés, des persécutés.
Comme le dit Jonas Stahl dans son introduction au livre de poésie du philippin Jose Maria Sison, intitulé The Guerilla is like a poet :
Le travailleur ou la travailleuse culturelle ne peut être que poète. Par conséquent, la démarche d’un peuple sans état qui s’organise et lutte pour défendre son bien commun ne peut être autre chose qu’une œuvre d’art d’ensemble, un « Gesamtkunstwerk ». Le peuple n’est pas simplement l’artiste, mais est l’œuvre d’art en soi.
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Marie Boti et Malcolm Guy sont deux cinéastes activistes montréalais qui ont cofondé la maison Productions Multi-Monde en 1987. Ils réalisent des documentaires explorant les enjeux sociaux et politiques d’ici et à travers le monde, notamment dans les Philippines. Aussi, Malcolm et Marie sont membres de longue date du Centre d’appui aux Philippines à Montréal. Malcolm a également participé à la fondation du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants à Montréal, ainsi qu’à la mise sur pied des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). Marie et Malcolm partagent la vie, les luttes des personnes et communautés avec qui ils réalisent leurs documentaires engagés.
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Note
(1) Jocelyne Saint-Léger est une artiste engagée dans la communauté haïtienne et se produit souvent à l’occasion des soirées-bénéfice. Le 8 mars 2017, lors d’une célébration des femmes de diverses origines, Jocelyne a donné une prestation qui a carrément ébahi le public.