Par Carminda Maclorin
En août 2016 eut lieu le Forum social mondial à Montréal. Il fut le fruit d’un rêve collectif et du travail acharné de dizaines de personnes qui se sont permis de rêver au-delà des limites. J’ai été parmi ces rêveurs qui ont poussé la candidature de Montréal, en tant que première ville en dehors du Sud Global à vouloir assumer le rôle d’hôte de cet événement qui rassemble celles et ceux qui croient qu’un autre monde est possible et nécessaire. Il y a désormais du Nord dans le Sud et du Sud dans le Nord, et aucune frontière ne devrait limiter notre pouvoir de décrier les injustices que vit notre planète. Il est urgent de collaborer, pour construire ensemble un monde plus respectueux de l’humain et de l’environnement.
J’ai assumé le rôle de co-coordination générale du Collectif FSM 2016 durant la dernière année d’organisation, et je consacre mes recherches doctorales à ce phénomène et à d’autres espaces de mobilisation transnationale qui m’inspirent. Je me permets ici de partager une vision imagée de ce que fut notre parcours collectif pour la construction du FSM 2016. Comme disait Jacques Prévert : « La poésie, c’est un des plus vrais, un des plus utiles surnoms de la vie »… (Prévert 1972, p.159).
L’histoire d’un rêve
Il était une fois un rêve qui croyait à l’amour, un rêve qui se voulait social et mondial. Il se cachait dans la tête des utopistes, à l’abri de celles et ceux qui prétendaient lui rappeler son impossibilité, persuadé qu’il valait la peine d’être rêvé.
À chaque fois que ce rêve osait se balader, il brillait telle une étoile filante à qui on demande un vœu, et à son passage il allumait des étincelles. Ses balbutiements accrochaient des sourires et cultivaient des espoirs d’un autre monde possible.
Il s’alimentait du travail de rêveuses et rêveurs qui n’avaient pas peur de l’impossible, car, en fait, ils ne savaient pas ce que cela signifiait.
Tous les mercredis soirs, et dans des centaines de rencontres, le rêve prenait forme, maladroitement peut-être, mais avec une persévérance sans limites. Créer un espace inspirant, qui contribue à rapprocher celles et ceux qui veulent changer les choses était sa devise.
Ce rêve d’amour portait l’espoir de générations qui s’entrecroisent sans encore bien se connaître. Il croyait à la nécessité de mélanger les voix, les connaissances, les créativités, les luttes.
Il se retrouvait souvent sous la pleine lune, à rêver encore, et encore plus grand, encore plus beau, encore plus vert, encore plus juste.
Les journées étaient longues et le travail ardu sur la route de l’accomplissement. D’où tirait-il la force de sa détermination, se demandaient ceux qui le côtoyaient ? Love is the answer.
La vie d’un rêve n’est pas facile vous savez. Des fois il trébuche et se blesse, il se fatigue de se voir encore si loin, des fois il a peur ne pas être. Mais c’est en constatant que la simple possibilité de son existence inspirait sur la route tellement d’autres rêves, qu’il se relevait et grandissait encore jour après jour.
Au bout de trois ans, le rêve était mûr, prêt à exister. C’est ainsi qu’il se laissa rattraper par la réalité, magnifique, colossale, inspirante et complexe, et surtout, différente de ce que le rêve aurait pu dessiner : elle était la somme de toutes les expériences de celles et ceux qui ont vécu ensemble le FSM. Le rêve était encore un rêve certes, mais il en ressortait grandi, encore plus beau, plus pur et fier, tout plein d’amour.
N’ayons pas peur de rêver grand et beau. Car la liberté que nous offre le rêve nous fait avancer et grandir. Et quand on nous demande comment persévérer dans un monde morose où les rêves sont trop souvent emprisonnés, répondons : « love is the answer ».
Utopistes : debout!
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Carminda Mac Lorin s’est engagée dans la mise sur pied de divers espaces de créativité et d’expérimentation démocratique, comme le Forum social mondial 2016, au sein duquel elle a assumé le rôle de co-coordination générale. Elle finit actuellement son parcours doctoral en Sciences humaines appliquées à l’Université de Montréal.
Référence
Prévert, Jacques et André Pozner. 1972. Hebdromadaires, La Chapelle-sur-Loire : Guy Authier