Par Marco Boudreault
Dernier vestige immolé
Des souvenirs de rivières, des arbres
Seuls se remémorent
Ses chasses innombrables
Les vieux édentés
Aux rides des tepees ravagés
Hai! Qu’il était bon le temps
Des premières lueurs
Quand la lune s’estompe
Comme huhumichiu (hibou) à la levée du soleil
La rosée du matin baignant nos pieds
À présent nos wigwams
Ne sont que des amuses-gueules
Pour touristes
Nanikana, Manicouagan,
Atikospi, Manawan,
Eskomins, Kabir-kou-bah,
Kitiganisipi, Madawaska
Ont en eux le souffle des chasseurs
Tchichatamurueu (le vent est chaud)
Tchichachteu (le soleil est chaud)
Mon cœur éclate d’une braise ardente
De revoir l’aube des campements
Les voix des ancêtres
Font entendrent leurs chants
Parmi les chutes dévastatrices
Des portages disparus
Seul reste l’écho de leurs voix
Dans l’oubli des matins
Houlées par le battement des tambours
Par la nudité des rires des enfants
Rien n’importait le plus
Que le tableau
De la première chasse
Achchi
Déchiré par les matins décolorés
Des mains trop distraites
Où ne sortent que des sanglots de pluie
Mon corps sauvage délire
En berceuses de rêve
Enfin je pleure aux creux des canots ravagés
Sous le regard des arbres
Porté par l’ombre
Porté par la douleur
Mes yeux se nourrissent
Des étoiles pétrifiées
Par la courbure des marées
Aux pieds des forêts enneigées
L’écureuil ne désire
Qu’un arbre pour s’abriter
Mais il ne reste
Que des chicots
D’épreuves photographiques
De terre gorgée d’épinettes
De sapins, de bouleaux
Et le vent balaye son désarroi
Sur l’arête aiguisée des rochers
Noyade implacable
De la coupe à blanc
Muré par un ciel d’acier
Ayé ha! Je vois
Les âges trépassés
De l’homme muet
Sourd aux cris de la Terre
Inerte les fleurs lunaires
S’allongent
Lueurs spectrales
De notre propre naufrage
Nous nous enchaînons
Aux destins de nos chaînes
Pour contempler de nos yeux mornes
Ce que fût une fois
Achtchi (La Terre)
***
Entre le conte et la poésie, entre les mots et le canot, la rivière de l’inspiration coule à l’orée des rochers, Marco Boudreault est né parmi ce paysage, à L’Anse St-Jean sur le bord de la rivière Saguenay. Tout jeune il a navigué auprès de son père capitaine et de son oncle. Sa découverte de ses origines autochtones, le pousse vers un rivage insoupçonné. Celui-ci saisit le sens de son écartèlement entre sang blanc et rouge qui parfois ont de la difficulté à cohabiter. C’est l’éternel combat de qui nous sommes. Ni-blanc, ni-rouge simplement métis. Sa vision de la vie change, ses mots dansent dans un rythme endiablé. Émerge alors une poésie métaphorique où les images et les émotions valsent sur un fond de prose.