Par Anatoly Orlovsky
Littoral
l’oeil
une rosée d’outre-feu
en Laurentie
ce résineux soleil
quelles vocalises
pour une terre
habitable
Amen
pour y sur-naître dans l’agonie des aubes
cette heure / tranchée col grimoire
fracture ou sonde? aucun autel en vue tout se mythifie
et l’eau y remontait
décharge inaltérable sur terre sans yeux aux parois
des stalactites mélèzes d’horloges puristes un arc-en-neige de soir en sang de toi plus immergée qu’un lac chronolytique
en rouge mineur
en ut
amen
Blanc Tonique
Avril –
ta fêlure lyrique.
J’appelle une nouvelle béance
et la boue fondatrice.
Que viennent
les blanches pluies
Le mot ‘outarde’ traversera les ongles,
la banquise des larmes jamais bues.
Ici
la peau s’aère
au large
tombent les âges
en frémissante grêle
en écume
des afflictions polaires.
Avril –
verger des neiges toniques
Le sang des autres
Je rêve d’une éclipse sans feu.
Suis-je une veine d’argile, un contre cristal?
Je rêve de rouille exquise, de vie sans flammes.
Le ciel n’y est plus, ni le granit des hautes herbes.
Aux autres, tout le sang des nuages. Ma peau en berne, je n’y serai pas.
J’y serai l’onde entière, la prière des glaces. Je rêve d’une éclipse en été.
Clairière
La mer s’enlise ici –
abaque jour excision
abaque ciel lac jour sémaphore semence abaque sol aube tambour
âtre et collier et
cette lumière d’argile déleste
le premier lac aux merles
les écorces, leur germinal soleil
… neige à pierre fendre. Un skieur, serti de photons,
sans terre visible – aube; du passé, seuls y choient
les envols
et ce collier solaire qui bruit
Marais
Tes veines en feu, tu chantes une lune au cœur qui tremble sur ma Norvège crevassée,
quémandes
un feu de paille,
un peu de chaleur pour nos peaux de bêtes transies
où l’amour se brisait florissant
comme une flamme d’icebergs
Cent mille étoiles
à Noël
couvrent d’un rose impossible
la montagne née
de cette nuit subantarctique
fer spasmes épée-ruisseau
spasmes otaries dernière caresse cristal argile fer convulsions marée cinq litres d’essence
Reste ta sève sombre à boire – que monte cette fièvre en nous que s’y refonde
notre océan-cité terrestre
ici débute ce nocturne-long-marais
érodé dans nos corps de passion
Aux confins
Novembre, ce chant
(traces et fumée, mare blanche)
un chant réduit en poussière
par la fatigue la déforestation de soi
ou
chant pur, se dire « frémir d’agonie trop compacte, protéiforme déjà sous les faisceaux de quelle anti-terrestre lumière qui rase cette pierre » – cette pierre
sanguine – eau froide à boire
dans les forêts pâles dégarnies, aucun feuillage, aucun vert empâtement pour diffracter l’outre-pathos des troncs, des yeux lacustres chantant leur claire longue vitreuse sarabande. Ronces et épines
ou
deux adolescents pétris de matins cristaux, avec leur inondante passion trop neuve
pour retomber, pour se poser en suie des noms (blé, havre, dégel)
deux êtres-ondes-oriflammes traversent la ville aux confins des forêts
***
Poète, compositeur et photographe, Anatoly Orlovsky cultive ses sons- sens-images assemblés en hybrides (é)mouvants tendant à rendre commune et tonique une part de l’inextinguible en nous. Anatoly, qui se produit régulièrement à Montréal, a enregistré quatre disques compacts, dont le plus récent avec la poétesse Ève Marie Langevin, tout en exposant depuis 2002 ses photographies remarquées par La Presse, la revue Vie des Arts et Ici Radio-Canada.