Par Vicki Laforce
Là se cachent nos étés
Ce n’est pas que c’est mort en moi
tout s’est arrêté
brusquée parmi les fauves
le ciel est descendu
la montagne s’est aplanie
passe et repasse l’ombre, nos étés
l’oie des neiges aux aguets observe
elle et moi sommes dans le silence
l’or volé aux dieux
amours laissées pour mortes
le ciel redresse ses chiens
autant de fleurs, feuilles, générations
enfouies sous la montagne érodée
c’est là, là
j’irai quérir la petite voix
au centre de la tendresse
parmi les sépultures des Anciens
là où animaux et humains
dorment et veillent ensemble
là se cachent tous nos étés
théâtre des grands cycles du monde
volcan originel, chats et muguets
posent pour nous
dans une gestuelle impossible
se fabrique le sol du ciel
Du cœur de l’été
Il m’aura fallu arracher l’étincelle
voler aux dieux lumière et feu
du corps de la nuit
tu as pu m’extirper
diamant sauvage
cachées sous les ténèbres, nos vies
enchâssées d’heures sombres
attendent un détour
je croyais l’été revenu
à vrai dire, je ne sais plus
les saisons t’appartiennent
tandis que folle, je braconne au ciel
cet outil capable d’insérer le soleil
en ton cœur…
l’hiver lent glisse, trompe l’automne
m’envahit
La peau fragile du réel
Nous avons avalé tant de soleils
pourchassé des ours
survécu aux lunes, ses lions
ouvert les cercueils des aigles
ces êtres en nous
fous accourent vers l’aube
font exploser les frontières
la peau fragile du réel
sera la seule fidèle
ombre véritable
à te traverser
tandis que la chute s’annonce
prend fin le rêve
des étés que nous fûmes
demain, nous traverserons cette nudité
propre à l’automne, corps nus
cœurs tombés
En l’amour des pays limitrophes
Le temps des
empires est mort
ne me demandez
pas combien
combien de temps,
combien d’amours
combien de morts
parmi les empires
juillet m’a prise
dans sa furie
enchaînée aux bêtes
douces, bêtes
sauvages
mais l’automne
s’annonce déjà
déjà en ma peau
trépassent les
cirques, clowns,
chameaux, rêves
l’été et ses noces
s’écroulent en mes
veines
l’urgence est à l’exil,
reviens dans tes terres
retourne le sol et
exige la tête des
enfers
car nous
traverserons ce
bestiaire où je vis
où je vis le cœur
ferré à l’imaginaire
loin des corps, loin
des morts
en une saison
altière
je serai toujours
amoureuse
des pays
limitrophes
moi, l’été et ses
chimères
spleen d’octobre
enfermée à double escale
au centre la douleur, terre natale
compressée, je suis née trop fragile
pour mourir
*
l’automne se retourne
vers toi
je regrette ce cœur ouvert
recouvert de mines explosives
je trace des cercles couverts
autour des épines pensives
décidée à repeindre l’eau
autour du fleuve déserté
les barques forment dans l’étau
les ruines saignant de fierté
le sang des épaves tapies
le signe recherché s’estompait
dans l’ombre sous l’or des tapis
ces poètes que l’on trompait
Biographie
Originaire de Montréal, Vicki Laforce s’est consacrée à des études universitaires après avoir voyagé et fondé une famille : elle a obtenu une maîtrise en Histoire et une maîtrise en Études du religieux contemporain. Elle aime beaucoup les grands classiques, surtout ceux du 19e siècle romantique et la poésie qu’il reflète. Elle s’intéresse aussi à la psychologie, à la philosophie et aux arts visuels : ses thèmes de prédilection nourrissent sa quête de sens, l’horizon philosophique et spirituel dans lequel elle navigue interrogeant grâce à celle-ci la place de la femme et de l’homme dans le monde d’aujourd’hui.