« If it bleeds, it leads » : (Re)penser les pratiques dans la gestion des mobilisations transnationales

Par Victor Morelle

Voir PDF

Les frasques de Donald Trump au G7 de Charlevoix ont concentré l’attention des médias sur les efforts de négociation des chefs d’État, masquant complètement un des enjeux centraux de la diplomatie de sommet : les manifestations transnationales qui s’y opposent. Et pour cause : alors que le Canada aurait dépensé près de 800 millions de dollars pour assurer la sécurité de l’événement, la « zone de libre expression » aménagée pour les militants est restée déserte. Les unités anti-émeutes, de plus en plus équipées comme leurs homologues des forces militaires, transforment le terrain de mobilisation en un théâtre de guerre. Ainsi, les autorités semblent mettre les activistes face à un choix impossible : exercer leur liberté d’expression ou se prémunir de toute confrontation violente avec ces policiers lourdement armés. Malgré ces critiques, qui pourtant remettent en cause les valeurs démocratiques que brandissent les pays du G7, force est de constater que la gestion des manifestations transnationales évolue toujours plus vers des pratiques sécuritaires.

L’objectif de cet essai est d’établir si les acteurs des mobilisations transnationales peuvent, par leurs actes sur le terrain, influencer ces pratiques. Pour ce faire, nous nous pencherons tout d’abord sur la documentation existante en matière de mobilisations sociales et de pratiques policières. Alors que deux courants majeurs semblent se distinguer sur le sujet, l’on constatera que ces deux visions, aussi différentes soient-elles, s’accordent sur un point : les acteurs des relations police-activistes ne maîtrisent pas la définition des relations qu’ils entretiennent entre eux. Si les réflexions sur la militarisation, comme celles de Lesley Wood, favorisent une approche constructiviste laissant les interactions police-activistes à l’intersubjectivité de la compréhension de l’ « autre », une lecture critique se développe sur les bases d’un structuralisme définissant les policiers comme agents d’un système libéral-capitaliste à renouveler en étouffant les contestations (théorie développée sous le nom de « théorie de la pacification »). L’agentivité de ces acteurs semble systématiquement refusée, ou en tout cas remise en cause. Dans la suite de cet essai, nous faisons le choix cependant de nous éloigner d’une conception structuraliste de la police. Bien qu’elle admette la possibilité d’initiatives individuelles, celles-ci sont toujours perçues soit comme résultant d’une prédétermination systémique dans le but de donner l’illusion d’une liberté d’expression, soit comme des anomalies que l’État « libéral-sécuritaire » étouffe aisément (McMichael, 2017, Kienscherf, 2016). En leur préférant le schéma de Wood, moins hermétique à la volonté des acteurs, nous montrerons dans une seconde partie que ces derniers gardent un certain degré d’agentivité qui pourrait mettre à mal le cercle vicieux dans lequel ils sont engagés sur le terrain. Pour ce faire, nous nous appuierons sur un cas de mobilisations transnationales : le sommet du G8 de Kananaskis en 2002, présenté comme particulièrement pacifié. L’objectif ici sera de montrer que la présence ou l’absence d’une volonté de coopération de la part des manifestants et des forces de l’ordre a eu une incidence sur l’issue de leurs interactions.

Notre ambition est d’explorer une réflexion personnelle antérieure sur la surveillance des manifestations lors de rencontres internationales présentée par Lesley Wood le 8 juin 2018 lors de l’école d’été du CÉRIUM, « G7 en immersion ». Les travaux présentés par la chercheuse laissaient en effet supposer l’inéluctabilité des contraintes institutionnelles et sociales menant à la militarisation du contrôle des manifestations. En replaçant son travail dans un cadre théorique nécessaire à l’étude de ce sujet, nous serons donc en mesure de mobiliser diverses connaissances, allant des politiques publiques aux études sur le renseignement, afin d’apporter des éléments de réponse à cette question posée lors de la conférence de l’universitaire : les acteurs des mobilisations transnationales ont-ils les capacités de s’opposer à la militarisation de ces phénomènes sociaux ?

 

 

Le Sommet du G7 : lieu d’expressions citoyennes et d’expérimentations policières

Afin de cerner le processus à l’œuvre dans la définition des mesures de protection des sommets internationaux, il conviendra tout d’abord d’exposer brièvement l’évolution des mobilisations et des stratégies policières, avant de présenter l’analyse de Lesley Wood en l’inscrivant dans un cadre théorique cohérent. Cette première partie nous permettra de constater que les forces de l’ordre et les manifestants s’encouragent (volontairement ou non) à amplifier la perception que chacun d’eux se fait de la menace à laquelle ils font face, menant ainsi à la militarisation des activités de protection de sommet.

 

Évolution des mobilisations

Aussi divers soient-ils, les rassemblements tenus lors de sommets internationaux tels que le G7 sont décrit par la documentation comme opposés au néolibéralisme (Ayres, 2004 ; Zajko & Béland, 2008 ; Hussey & LeClerc, 2011). Initialement, l’objectif principal du G7 était de coordonner les politiques économiques et monétaires à la suite de la dévaluation du dollar américain et de l’échec des accords de Bretton Woods dans les années 1970. C’est donc dans un contexte de « ralentissement économique mondial » que certains « leaders politiques et économiques » tentèrent de canaliser la mondialisation dans une « direction néolibérale » (Ayres, 2004 : 12). Cette volonté, en mettant à mal la prise en compte de spécificités locales au profit de la cohérence internationale des mesures économiques, se heurta nécessairement à des oppositions considérant que la « mondialisation de l’économie mondiale n’a pas nécessairement besoin de suivre un modèle néolibéral » (Ayres, 2004 : 13).

Ces manifestations à l’encontre des sommets internationaux et de leurs orientations politiques et économiques sont d’abord intrinsèquement locales, spatialement situées et remettent ainsi en question la légitimité étatique (Zajko & Béland, 2008 : 720) du pays hôte en tant que représentant de ses citoyens. Zajko et Béland nous informent ici que le territoire, en tant que composante essentielle de l’État, devient un enjeu de contestation : l’occupation de l’espace expose la capacité des individus à s’opposer au monopole de la violence légitime de leur propre État. Cependant, si cette spatialisation de la résistance nous informe sur les tactiques employées par les manifestants, il est nécessaire de noter qu’en parallèle se développe une transnationalisation de ces revendications. La compréhension de cette diffusion au-delà de l’espace et de la durée du sommet semble essentielle pour qui veut appréhender l’approche policière du contrôle des manifestations. Cette tendance se veut d’abord régionale. Selon Ayres (2004 : 15-16), les orientations néolibérales adoptées par les États américains, à travers le CUSFTA (et plus tard l’ALÉNA) mettent davantage en exergue différentes lacunes du processus de mondialisation économique et politique que ne le fait l’Union Économique et Monétaire (UEM) en Europe. De même, les pays en développement, sous l’étiquette des « pays du Sud », expérimentent, quant à eux, les programmes d’ajustement structurel imposés notamment par le FMI dans la foulée du consensus de Washington. Autrement dit, si différentes régions du globe vivent les défaillances de l’économie politique et de la diplomatie selon différents angles, c’est bien le multilatéralisme de sommets qui est à chaque fois mis en cause, contribuant à la convergence des mobilisations.

Cette convergence se cristallise aux sommets de l’APEC de Vancouver (1997) et de l’OMC à Seattle (1999). Le développement des moyens de communication et la persistance des orientations de la diplomatie économique et politique semblent en effet contribuer à l’organisation de résistances mieux préparées face aux forces de l’ordre et également plus virulentes. Ces deux événements démontrèrent la capacité des militants à faire « dérailler le processus d’un sommet » (Zajko & Béland, 2008 : 725) et l’incapacité des forces de l’ordre à maintenir certains débordements de protestations.

C’est dans ce contexte de défiance entre militants et forces de police que la diplomatie de sommet entame un élargissement de ses domaines d’action. Les années 2000 sont en effet témoins de la prise en charge, sur le plan international multilatéral, d’enjeux aussi variés que la santé, l’environnement ou encore la sécurité. Les attentats du 11 septembre 2001 viendront renforcer cette dynamique. Alors que cet événement fragilise la légitimité et la volonté des manifestants (Ayres, 2004 : 25) dans une atmosphère de « ralliement autour du drapeau » et de solidarité (inter)nationale, l’on assiste à une division des mobilisations face à l’étendue des problèmes traités par ces sommets et instances internationaux. Dès lors, l’on assiste à un processus d’ « inflation de la menace » (Chopin & Oudet, 2016 : 184) de la part des autorités publiques qui, fondé sur l’évolution précédente des pratiques policières, ne cessera de soumettre les manifestants à une gestion militarisée de leurs activités.

 

Perceptions intersubjectives de la menace

L’étude menée par Lesley Wood quant à l’évolution des pratiques policières (Wood, 2015 et Wood, 2015b) vers une militarisation repose précisément sur la dynamique de perception de la menace entretenue par les militants et les agents de police, et conditionnée par le contexte dans lequel ces acteurs interviennent. En nous appuyant sur notre brève recension historique de départ, nous allons ici présenter le développement progressif d’un contrôle des manifestations axé sur le renseignement et l’arsenal militaire. En replaçant celui-ci dans un cadre théorique, nous serons ainsi capables de conceptualiser ce que Wood appelle le « cycle de défiance et de militarisation » (Wood, 2015b : 150).

La documentation relative au contrôle des mobilisations semble s’accorder sur une philosophie policière initialement fondée sur l’ « escalade de la force » (principalement illustrée par le Canada et les États-Unis) (Wood, 2014 : 127), ce jusqu’aux années 1970. Alex Vitale décrit cette approche comme « a philosophy […] in which the militancy of protestors was met by increased militancy by the police. Any show of force or violence by the protestors was met with overwhelming force in return (2007 : 404). »

Devant l’échec d’une telle méthode de « tit-for-tat » (Wood, 2015b : 139), les forces de l’ordre se sont donc progressivement référées à la méthode du « negotiated management ». Cette configuration correspond à ce que Vitale (reprenant Winter) nomme la burgerpolizei (2007 : 404) : une conception policière non plus tournée vers la protection de l’appareil étatique, mais de la société civile et de ses droits. L’accent est ainsi mis sur le dialogue avec les manifestants et l’acceptation d’une sorte de désordre contrôlé inhérent à l’expression démocratique (Wood, 2015b : 145). Une telle stratégie implique cependant une gestion en amont des mobilisations, afin de connaître le groupe de militants, ses tactiques et ses objectifs (Gorringe & Rosie, 2008 : 189). C’est ainsi qu’a émergé, dans le sillon du « negotiated management », l’ « intelligence-led policing », consistant à exploiter les outils et méthodes des services de renseignements dans le cadre d’enquêtes policières (Wood, 2015 : 191). Par la suite, les événements de Vancouver et Seattle évoqués plus haut, par l’échec qu’ils représentèrent en termes de prévention du risque, servirent à justifier une utilisation accrue des méthodes de renseignements ainsi qu’une mobilisation en parallèle d’outils et de tactiques militaires (Wood, 2015 : 196). Rappelons que les années 1990 et 2000, qui connurent cette convergence entre contrôle des manifestations et activités de sécurité extérieure, sont également le berceau de la diversification des revendications. Il semble alors complexe pour les manifestants de parvenir à un « cadrage » (Ayres, 2004 : 13) commun au sein de ces orientations. Benford et Snow définissent ce concept comme : « […] an active and contentious process where actors are engaged in producing and disseminating meanings that differ from and may in fact challenge existing socio-political conditions (Benford & Snow, 2000 : 613). »

Autrement dit, les divergences de plaidoyers, d’objectifs et de tactiques, concourent à rendre une situation d’opposition frontale avec les forces de l’ordre inévitable. À ce titre, Wood nous rappelle que : « While most police continue to prefer cooperative relationships with protesters, those who refuse to cooperate, who are not expected to cooperate, with the police are attracting an increasingly militarized response (Wood, 2015b : 138-139). »

Le processus de durcissement des mesures anti-émeutes engendré par cette perspective de risque potentiel conduit ainsi inéluctablement au « cycle de défiance et de militarisation » évoqué par Wood, dans lequel une attitude policière menaçante entraîne chez les manifestants un refus de collaborer, que les forces de l’ordre perçoivent alors comme un risque à maîtriser. C’est ce cercle vicieux que les approches constructivistes en matière de sécurité appellent l’intersubjectivité, ce phénomène de construction sociale entre deux ou plusieurs types d’acteurs impliqués (volontairement ou non) dans la définition d’un enjeu.

Arrêtons-nous un instant sur les fondations théoriques de ce constat, qui nous permettront de nuancer l’inéluctabilité de cette « escalade du contrôle » (Wood, 2015b : 151). Lesley Wood établit que les activités militantes ne représentent pas intrinsèquement une menace (Wood, 2015 : 188). Ce qui fait d’un phénomène une menace, c’est au contraire la construction par la société de cette menace. Cette construction, comme nous le rappellent Chopin et Oudet, résulte d’un processus de « securitization » (2016 : 183), faisant converger un enjeu de politique (au sens policy) « quotidienne » vers un enjeu de sécurité dénotant la présence d’une menace vis-à-vis de l’État et de ce qu’il protège (sa population, son territoire, ses institutions) (Balzacq, 2005 : 171). Un tel enjeu s’apparente alors à une « raison d’État », un « impératif au nom duquel le pouvoir s’autorise à transgresser le droit dans l’intérêt public » (Chopin & Oudet, 2016 : 23). Seulement, ce processus de construction sociale n’est pas uniquement le fruit d’un contexte particulier, comme la crainte mutuelle qu’entretiennent les forces de l’ordre et les manifestants (cette intersubjectivité dans la définition des protestations et de leur contrôle comme d’une menace). Il est autant produit par les luttes de cadrage d’acteurs légitimes en la matière (comme des agents de police, des activistes ou encore des personnalités politiques), par les pratiques des acteurs, etc. Notre seconde partie s’attache donc à mettre en exergue certains de ces facteurs contribuant (ou s’opposant) à la définition des protestations transnationales comme de menaces requérant la mobilisation d’outils de renseignement et d’arsenaux militaires.

 

La militarisation sur le terrain

Nous tâcherons ici d’ébaucher plusieurs pistes de réflexion dans l’idée de nuancer le constat d’une securitization échappant aux volontés individuelles. Deux enjeux majeurs sont abordés : les considérations diplomatiques et politiques des hôtes des sommets internationaux, puis la diversité des réponses qui s’offrent aux acteurs sur le terrain.

Comme le notent Zajko et Béland, la diplomatie de sommets, impliquant des rencontres multilatérales entre leaders politiques et économiques, est hautement visible et symbolique (2008 : 724). Les enjeux politiques et de relations interétatiques sont donc au premier plan lorsqu’il est question de manifestations s’opposant soit à la légitimité de l’État hôte, soit à la pertinence du sommet lui-même.

Un premier vecteur de cette militarisation repose ainsi sur l’obligation de protection qui incombe à l’État hôte devant des représentants étatiques. Cette obligation juridique internationale, si elle n’est pas respectée, représente un risque majeur pour le pays hôte. Dans le cas de la mise en danger d’un membre d’une délégation, ce sont tout d’abord les relations diplomatiques avec le pays représenté qui peuvent être mises à mal. Par ailleurs, il semble légitime de noter que la stabilité des mobilisations sociales représente un enjeu de réputation pour les États. En effet, rappelons que la capacité étatique à canaliser les mouvements de protestation est un indicateur fondamental de la légitimité de l’autorité publique. Tout comme il semble inconcevable pour un État démocratique de saper toute tentative de libre expression licite, l’exposition de son incapacité à gérer sa propre population est tout aussi impensable.

Cette pression diplomatique ne concerne pas uniquement les États en tant qu’abstraction, mais également leurs représentants politiques. Zajko et Béland font à ce titre référence à la création d’ « espaces de dignité » (2008 : 726) : ces zones entourant le lieu de la rencontre multilatérale où la présence de tout manifestant est plus qu’interdite, elle est cachée dans le cas où elle parviendrait à pénétrer l’espace ainsi délimité. Les zones rouges et vertes tracées à l’occasion du G7 de Charlevoix en sont par exemple une parfaite illustration. Au-delà des préoccupations de sécurité, c’est bien l’image du représentant politique et de son État qui doit être préservée, l’image d’un lieu paisible car contrôlé et vierge de toute dissidence, interne ou externe.

La pression politique en faveur d’une militarisation peut également se faire plus explicite, comme ce fut le cas avec le président indonésien Suharto lors du Sommet de Vancouver en 1997. Zajko et Béland rapportent que celui-ci aurait menacé de boycotter la rencontre si les manifestations n’étaient pas tout bonnement interdites (2008 : 726). L’on reste ici dans le registre de la dignité d’un représentant politique, mais la dimension de cette tractation évolue. En plus de sortir d’une pure logique institutionnelle, l’inflation de la menace à l’œuvre ici est engendrée par un acteur international tiers qui impose sa volonté à l’État hôte. On ne parle donc plus d’un cercle vicieux engendré par une intersubjectivité inconsciente, comme semble l’exposer Lesley Wood, mais bien d’une décision politique et diplomatique éclairée.

Pour finir, et pour reprendre le cas de la rencontre de l’APEC, notons l’instrumentalisation qui peut être faite de la coopération interétatique en matière de protection de sommets. La présence d’agents de sécurité indonésiens contribua, toujours selon Zajko et Béland (2008 : 726), aux efforts de dissuasion canadiens quant à l’organisation de manifestations. La Gendarmerie Royale du Canada sembla en effet préoccupée par les menaces initiées du côté indonésien de recourir à des tirs létaux en cas de présence de militants (2008 : 726). Cet exemple est emblématique de ce que cette première sous-partie a traité jusqu’alors ; aux tensions diplomatiques probables s’ajoute l’exercice de la force par une puissance étrangère sur son propre territoire, menaçant à la fois la légitimité, la réputation, et la stabilité de l’État hôte. Ces situations, aussi extrêmes soient-elles, ne se limitent pas à des pays considérés insensibles aux droits de la personne. Le directeur politique du G7 de Charlevoix note par exemple l’attention considérable portée par les services de sécurité états-uniens à la sécurisation de la zone de la rencontre, requérant des mesures spécifiques que le Groupe Intégré de la Sécurité ne semblait pas avoir lui-même prévues au sein de sa propre juridiction.

Les pistes et exemples explorés ici tentent de nuancer une première caractéristique de la securitization de la protection de sommets identifiée dans les écrits de Lesley Wood : celle d’une militarisation qui échapperait totalement au contrôle des acteurs de ce processus, et qui serait principalement dépendante du contexte dans lequel ces acteurs perçoivent la menace à laquelle ils font face. Au contraire, nous avons ici un aperçu d’actions volontairement mises en œuvre afin de développer cet état d’exception qui caractérise la securitization. Gardons seulement en mémoire l’objectif de ce travail, à savoir si ce processus décrit par la chercheuse est réellement inéluctable. En maintenant la focale sur l’agentivité, mais cette fois-ci en se concentrant sur les oppositions à ce processus, notre réflexion sur les acteurs de terrain semble parvenir à un constat divergent.

Il semble pertinent d’aborder en premier lieu l’agentivité des « opposants » à la militarisation du point de vue des militants. En effet, les divergences que peuvent connaître les différentes mobilisations exemplifient l’hétérogénéité du terrain des résistances aux sommets internationaux, et donc l’importance d’explorer les spécificités de chacun des acteurs.

Comme nous l’avons affirmé plus haut, les années 2000 ont connu une extension des sujets traités par ce type de diplomatie multilatérale. Ce phénomène a de fait participé à la division des mobilisations à travers le monde, en offrant à ces dernières différents angles de protestation à l’encontre de politiques internationales. Il en va de même pour les tactiques utilisées par ces groupes d’activistes qui, dans leurs relations avec les forces de l’ordre, ont eu l’occasion de décider s’ils souhaitaient maintenir une contestation ferme (voire violente) ou s’ils préféraient jouer le jeu du negotiated management et de la coopération. C’est l’absence d’une unique autorité chapeautant ces mobilisations qui rend possible cette situation. Dans ce contexte, rappelons les mots de Lesley Wood quant aux interactions activistes-police : « ceux qui refusent de coopérer, ou ceux dont on n’attend pas la coopération avec la police, provoquent une réponse de plus en plus militarisée » (2015b : 138). Il est alors légitime d’accorder une certaine agentivité à ces militants. Si l’on ne peut pas supposer que ces derniers prennent nécessairement conscience des implications de leur (non-) collaboration, ni même qu’il est légitime que ce soient les manifestants qui adaptent leur attitude en fonction de la compréhension policière de la situation, l’on ne peut contester que le choix reste, in fine, entre leurs mains au moment de définir leurs stratégies. La justification de ces attitudes non coopératives par l’absence de confiance entre manifestants et forces de l’ordre, comme le schématise Lesley Wood (2015b : 150), semble également limitée. Cette défiance n’est pas systématique, comme le démontrent les manifestations tenues du Sommet du G8 à Calgary : bien que les forces de l’ordre aient été militarisées et aient « nettoyé » la zone de la rencontre de tout manifestant, les éléments perturbateurs des rassemblements organisés ailleurs n’ont reçu aucun soutien de la part des autres manifestants, les obligeant ainsi à abandonner leur stratégie (2008 : 729). Par ailleurs, notons l’importance de la couverture médiatique grandissante dans les restrictions que peuvent eux-mêmes s’imposer les militants concernant leur violence, dans un souci de maîtriser leur image et leur crédibilité auprès de la population (Zajko & Béland, 2008 : 722).

Ce degré d’agentivité que nous venons d’exposer est également présent du côté des forces de l’ordre. Lesley Wood affirme par exemple que nombre d’agents de la Gendarmerie Royale du Canada dénoncent le processus de militarisation et les pratiques d’intelligence-led policing. Ces divergences d’opinion semblent exacerbées par la nature même du travail des agents : acteurs de terrain, ils bénéficient d’une certaine marge de manœuvre dans la conduite de leurs missions, qui en fait des “street level bureaucrats”. Le modèle d’évaluation de menace criminelle Sleipnir par exemple, utilisé par la police canadienne, est souvent complété par les analystes de manière subjective et sans nécessairement de données à l’appui. En cause, l’étendue des domaines (hiérarchie, capacités économiques, etc.) couverts par la grille d’analyse ainsi qu’une échelle de cotation des facteurs criminogènes mal construite. De plus, un agent de la Gendarmerie Royale du Canada basé au détachement de Canmore affirme, lors d’une communication informelle (l’anonymat ayant été requis), avoir participé à la facilitation de certaines manifestations lors de son déploiement dans le cadre du G8 de 2002. Cette initiative, affirme-t-il, allait pourtant à l’encontre d’instructions qu’il avait reçues. Ces déclarations confirment par ailleurs les recherches de Gorringe et Rosie, qui affirment que certains agents initient une stratégie de « facilitation » afin de gagner la confiance des militants et de garder le contrôle sur d’éventuels débordements (2008 : 194).

 

Le sommet du G8 de Calgary (2002)

Le sommet du G8 de 2002, organisé à Kananaskis, fait partie selon nous des démonstrations d’agentivité qu’ont éludées jusqu’ici les analyses sur la militarisation policière. Après avoir rappelé le contexte de l’événement, nous nous pencherons sur le déroulement des manifestations. Cette présentation nous permettra, à l’appui de matériaux fournis par les « médias alternatifs » et d’entretiens avec la police de Canmore principalement, de mettre en exergue les manifestations les plus flagrantes de l’agentivité des acteurs de terrain.

 

Le contexte de Kananaskis

Le sommet de Kananaskis se distingue des précédentes rencontres internationales par le contexte extrêmement tendu dans lequel il se tient. Le précédent G8, qui s’est tenu à Gênes du 20 au 22 juillet 2001, est le théâtre d’oppositions violentes entre les manifestants et les forces de l’ordre, à tel point que les agissements de la police italienne ont été qualifiés par Amnistie Internationale d’atteinte flagrante aux droits démocratiques. La mort de Carlo Giulani, manifestant abattu par un policier dès le premier jour du sommet, enflamma les protestations au sommet, qui se poursuit par d’importantes dégradations et nombre d’arrestations violentes par les forces de l’ordre. Le raid sur l’école Armando Diaz, siège du Forum Social, et les actes de torture perpétrés dans la caserne de Bolzaneto restent les preuves les plus criantes de leurs exactions. Moins de deux mois plus tard, les attentats du 11 septembre cristalliseront cette tension. Alors que certains mouvements entament une autocensure dans un contexte d’union nationale, d’autres au contraire refuseront de se plier à la rhétorique sécuritaire du président américain. Alors que les mesures sécuritaires se multiplient en Amérique du Nord et en Europe, accordant une place capitale aux techniques de renseignement, les mouvements protestataires voient leurs rangs s’étoffer. Aux côtés des militants anticapitalistes et des militants altermondialistes, les mouvements anti-guerre se consolident en opposition aux interventions américaines en Afghanistan et en Irak. Loin de diviser les discours, cette convergence des luttes trouve dans la dénonciation du néo-colonialisme de quoi maintenir sa cohérence entre le refus du capitalisme et la défense d’une justice globale et des droits de la personne.

Dans ce contexte, deux tendances se distinguent, qui nous permettront de nuancer notre analyse des événements de Kananaskis. En premier lieu, notons les évolutions des politiques de sécurité que nous avons déjà évoquées plus haut. L’inflation de la menace qu’engendrent Gênes et les attentats fournissent une justification à la militarisation policière et aux mesures exceptionnelles de maintien de l’ordre. Au-delà des symptômes clairement identifiables comme l’équipement militaire ou les dispositions juridiques, l’on note le développement de l’intelligence-led policing et l’émission de consignes d’atténuation des tensions, deuxième tendance identifiée. En effet, à la violence des traumatismes de 2001 s’ajoute la compréhension, par les autorités, du besoin d’anticiper ces événements, et non plus d’y répondre a posteriori. Les faits qui seront reportés plus loin dans notre analyse doivent donc être appréciés à la lumière de ce contexte : nous ne croyons pas identifier des phénomènes d’agentivité « pure », et il est évident que certains de ces exemples ont été le produit de consignes plus que de volontés individuelles. Cela ne retire cependant rien à l’intérêt du débat : si une quelconque agentivité est effectivement identifiée, alors la décision de se conformer aux consignes de pacification peut être légitimement perçue comme une préférence, chez les agents, pour la collaboration avec les manifestants. Les événements autour du sommet de Kananaskis sont à ce titre dignes d’intérêt.

 

Les manifestations à Calgary et Ottawa

Le sommet du G8, les 26 et 27 juin 2002, reflète les conséquences des émeutes italiennes et de la guerre contre la terreur. Alors que le risque d’une attaque terroriste plane sur l’organisation de la rencontre, les difficultés expérimentées par les forces de l’ordre dans les rues de Gênes poussent Jean Chrétien à isoler l’événement dans les Rocheuses. Face à cette stratégie, les mouvements activistes abandonnent vite l’idée de se rendre sur le site du G8. En lieu et place sont organisées des mobilisations à Calgary et à Ottawa qui, d’après leur traitement médiatique, sont considérées comme un exemple de manifestations transnationales pacifiques.

Si le sommet de Kananaskis retient notre attention, c’est donc d’abord parce qu’il contredit au premier abord le cycle de défiance de Wood. Le type de sommet est également pertinent : les enjeux traités (dans notre cas principalement le développement en Afrique et la lutte contre le terrorisme) ainsi que les acteurs présents font de Kananaskis un événement comparable à ceux que nous avons traités jusqu’ici. Par ailleurs, le fait que les forces de l’ordre aient relevé de l’État canadien à Charlevoix comme à Kananaskis nous permet d’anticiper d’éventuelles différences de cultures organisationnelles qui pourraient affaiblir nos constats.

 

L’agentivité des acteurs sur le terrain

Afin d’exposer au mieux les preuves d’agentivité détectées dans les médias et lors de nos entretiens, ces dernières sont divisées en trois catégories : en premier lieu, les interactions entre forces de l’ordre, puis les interactions entre manifestants, pour finir avec les interactions entre la police et les militants.

Deux types d’interactions entre agents ressortent de nos recherches. Tout d’abord, une division des tâches nette s’établit entre les différents corps de police. Celle-ci est d’abord voulue par les consignes des agences, chacune ayant son propre mandat. Néanmoins, force est de constater que cette division va bien au-delà d’une stratégie imposée par les structures de sécurité. Ainsi, à Calgary, l’agent de la GRC interviewé rapporte les échanges entre l’un de ses collègues et un membre des forces canadiennes à propos de la gestion des manifestants. L’inquiétude du militaire concernait le franchissement potentiel des zones de sécurité, mettant en cause « l’approche soft » de gestion des manifestants et ironisant sur le « ridicule d’assurer la sécurité en short ». L’agent de la GRC aurait rappelé au militaire « qu’on ne traite pas un altermondialiste comme un terroriste ». Il semble ici que l’insistance des autorités sur les mandats respectifs des forces de sécurité ait entraîné une prise de conscience du rôle de chacune. Dans ce cas précis, l’ingérence perçue du militaire provoque chez l’agent de police le besoin de rappeler la spécificité de ses propres attributions. Les frictions internes sont autant horizontales que verticales, se traduisant par l’opposition à la hiérarchie : rappelons les déclarations de l’agent de la GRC évoquées plus haut quant à ses efforts pour aider certains manifestants en dépit des consignes internes.

Les interactions entre manifestants sont également instructives au sujet des dissensions internes. Premièrement, notons la volonté de certains militants d’entamer un dialogue en amont avec la police, en dépit de plusieurs consultations entre mouvements ayant affirmé le besoin d’afficher une unité face aux forces de l’ordre. Alors que le trauma de Gênes participe au maintien d’une partie des manifestants dans le cycle de défiance, il contribue pour d’autres à favoriser l’option du dialogue et de l’apaisement au détriment de l’unicité. C’est d’ailleurs ce qu’illustre l’organisation de la marche de Global Democracy Ottawa, planifiée avant le sommet afin d’offrir aux manifestants une alternative au tumulte des protestations. Ces volontés d’apaisement s’affichent également lors des affrontements : des activistes auraient « activement découragé ceux parmi eux qui prônaient la violence » (Firby, 2002), alors que d’autres ont anticipé le travail des forces de l’ordre en empêchant des militants d’escalader les barrières érigées par la ville.

Comme l’illustre notre dernier exemple, les interactions au sein même de chaque groupe entraînent dans le même temps de nouvelles dynamiques entre la police et les manifestants. Celles-ci se traduisent d’abord par la coopération. Outre le maintien de l’ordre, parfois assuré conjointement avec les militants, l’on note l’aide apportée par les forces de l’ordre. Elle n’implique pas nécessairement une prise de risque, comme l’opposition à la hiérarchie, et peut s’exprimer sous la forme de conseils (Firby, 2002), d’entraide tout à fait banale : ainsi, certains agents de la GRC à Calgary auraient accompagné des protestataires égarés (entretiens), d’autres auraient déconseillé à un groupe de militants pacifiques certaines zones « à risque » (entretiens). Ces pratiques anodines deviennent même parfois « amicales » (Firby, 2002) : l’agent de la GRC interrogé nous raconte par exemple comment il aurait « pique-niqué à l’improviste » avec des manifestants (entretiens). Il affirme à ce propos que lui et ses collègues ont « profité de porter un uniforme soft pour avoir l’air moins menaçants » (entretiens).

Les indices exposés ci-dessus nous permettent ainsi de consolider notre impression théorique : la volonté des acteurs sur le terrain n’est pas étouffée (du moins entièrement), ni par un processus antérieur de construction sociale, ni par une structure oppressive omnipotente. Une étude plus approfondie de ces données permettrait certainement d’avancer que ces manifestations de volontés individuelles et groupales ont eu un effet direct sur le déroulement des protestations, en dehors du contexte et de la configuration des interactions (nombre de militants, zones de manifestations, cultures organisationnelles des forces de l’ordre canadiennes, etc.).

 

Conclusion

En repositionnant la réflexion de Lesley Wood sur le processus de militarisation des protections de sommets internationaux dans l’approche constructiviste des études en sécurité, ce travail nous a permis de mettre en exergue l’intersubjectivité qui lie les principaux acteurs de ce phénomène dans la construction sociale d’une « menace » militante. L’évolution historique des manifestations, telle qu’étudiée par la documentation sur les mobilisations transnationales, nous a néanmoins amenés à nous questionner sur l’inéluctabilité de la securitization de cet enjeu a priori commun et ne représentant pas de menace particulière. Il semblerait que ces acteurs (forces de l’ordre, décideurs politiques, dirigeants politiques étrangers, militants, médias, etc.) maintiennent une certaine forme d’agentivité dans leurs pratiques et leur définition des protestations et de leur gestion.

Évidemment, le format de cet essai, s’il initie une discussion encore délaissée par les chercheurs en mobilisations sociales, mériterait de nombreux développements. En premier lieu, sur le plan théorique, rappelons que la documentation abordée ci-dessus ne semble pas se fixer pour objectif d’étudier l’agentivité des acteurs de ces phénomènes sociaux. Il serait pertinent d’approfondir la compréhension de ces textes et de la pensée des auteurs, afin de comprendre ce qui justifie cette mise à l’écart d’une notion aussi centrale que l’agentivité. Par ailleurs, la décision de fonder cette étude sur les travaux de Lesley Wood laisse orpheline les recherches divergentes abordées plus haut. Si nous avons en effet vérifié que les acteurs préservent un certain degré d’agentivité, la critique structuraliste n’en est pas pour autant déconstruite : l’hypothèse d’une pseudo-agentivité prédéterminée par les classes dominantes d’un système libéral-capitaliste à préserver reste pertinente. Pour continuer sur notre réflexion méthodologique, notons également qu’il reste nécessaire d’apporter une plus grande vérification empirique à notre argument. L’enjeu central de ce travail, les volontés et capacités individuelles, nécessiteraient, idéalement, une étude ethnographique des pratiques policières et militantes lors des manifestations transnationales. En lieu et place, notre décision de nous référer aux articles de presses diffusés sur Internet comporte de nombreuses limites. Ce corpus est loin d’être exhaustif, tout comme les acteurs et opinions qui leur sont attachés. Par ailleurs, une analyse de la documentation primaire produite par ces acteurs aurait étoffé notre réflexion. Un travail tel que celui-ci se heurte inévitablement à la confidentialité de tels matériaux d’étude, des rapports de police ou autres mémos administratifs et politiques à la diffusion uniquement papier entre militants ou sur le dark net ; autant de perspectives de recherches. Il semble donc que ce soit au tour des universitaires de se mobiliser.

 

Biographie

Victor Morelle est étudiant à la Maîtrise en Études Internationales à l’Université de Montréal et diplômé de la European School of Political and Social Sciences (ESPOL).

 

Références

Ayres, J. M. (2004), Framing Collective Action Against Neoliberalism: The Case of the “Anti- Globalization” Movement. Journal of World-Systems Research, X(1), 11-34.

Balzacq, T. (2005), The Three Faces of Securitization: Political Agency, Audience and Context. The European Journal of International Relations, 11(2), 171-201.

Balzacq, T. (2011), A theory of securitization: origins, core assumptions, and variants. Dans T. Balzacq, Securitization theory: How security problems emerge and dissolve. Londres: Routledge.

Benford, R., & Snow, D. (2000), Framing Processes and Social Movements: An Overview and Assessment. Annual Review of Sociology, 26, 611-639.

Chopin, O., & Oudet, B. (2016), Renseignement et sécurité. Paris: Armand Colin.

Firby, D. (2002, septembre 01), Why was Calgary so quiet. Récupéré sur Policy options: http://policyoptions.irpp.org/magazines/911-one-year-later/why-was-calgary-so-quiet/

Gorringe, H., & Rosie, M. (2008), It’s a long way to Auchterarder! ‘Negotiated management’ and mismanagement in the policing of G8 protests. The British Journal of Sociology, 59(2), 187-205.

Hussey, I., & LeClerc, P. (2011), “The Big Smoke” Screen: Toronto’s G20 Protests, Police Brutality, and the Unaccountability of Public Officials. Socialist Studies / Études socialistes, 7(1/2), 282-302.

Kienscherf, M. (2016), Beyond Militarization and Repression: Liberal Social Control as Pacification. Critical Sociology, 42(7-8), 1179–1194.

McMichael, C. (2017), Pacification and police: A critique of the police militarization thesis. Capital & Class, 41(1), 115-132.

Tarrow, S. (2005), The New Transnational Activism. Cambridge: Cambridge University Press.

Vitale, A. (2007), The Command and Control and Miami Models at the 2004 Republican National Convention: New Forms of Policing Protests. Mobilization: An International Quarterly, 12(4), 403-415.

Wood, L. (2014), Protest as Threat. Dans L. Wood, Crisis in Control: The militarization of Protest Policing (pp. 124-147). New York: Pluto Press.

Wood, L. (2015), La violence des manifestations. Dans L. Wood, Mater la meute. La militarisation de la gestion policière des manifestations (pp. 185-218). Montréal: Lux Éditeur.

Wood, L. (2015b), Uncooperative Movements, Militarized Policing, and the Social Movement Society. Dans H. Ramos, & K. Rodgers, Protest and Politics: The Promises of Social Movement Societies (pp. 138-152). Vancouver/Toronto: University of British Columbia Press.

Zajko, M., & Béland, D. (2008), Space and Protest Policing at International Summits. Environment and Planning D: Society and Space, 26, 719-735.

Laisser un commentaire