Par Claudine Vézina
Ce mémoire, intitulé Tableaux d’une surexposition (1), comporte deux parties distinctes dont la première est un essai traitant de la notion de musique verbale et la seconde, un recueil de nouvelles jouant le rôle, en quelque sorte, de laboratoire musico-littéraire. L’essai propose d’abord un regard historico-esthétique sur la musico-littérature. Il aborde ensuite la notion de musique verbale et en élargit subtilement le champ de définition. II développe, par la suite, une stratégie de correspondances musico-littéraires afin de concrétiser ladite notion au sein d’une création littéraire inspirée formellement et thématiquement des Tableaux d’une exposition de Modeste Petrovitch Moussorgski. En dernier lieu, l’analyse de quelques nouvelles fait état de l’ensemble des emprunts musicaux et biographiques présents dans tout le recueil.
« Le langage est le plus vrai », disait Hegel, mais le langage sépare, isole, déplace, et à la limite, je veux toujours autre chose que ce que je dis. La musique exprime la pure vie intérieure, mais elle est impuissante à nommer. On conçoit donc ce qu’il y a de séduisant dans une entreprise qui, en les combinant dans une fusion intime, grâce au truchement de leur organe commun, la voix, vise à donner 1’illusion que, la béance qui est au cœur de l’un, 1’autre viendra la combler, et réciproquement.
Boris de Schloezer, extrait du livre « Musique, langage et poésie » de Nicolas Ruwet
L’objet musico-littéraire
La musique et la littérature partagent maintes affinités et fascinent esthéticiens et historiens. Tantôt musicales, tantôt littéraires, les influences de l’une sur l’autre ont forcé les théoriciens à reconnaître un nouvel objet d’étude, la musico-littérature. Ce n’est qu’en 1970, avec la parution d’un article de Calvin S. Brown dans la revue Yearbook of Comparative and General Literature, que la recherche musico-littéraire devient officiellement une branche de la littérature comparée. Mais dès 1948, Brown posait les premiers jalons de cette discipline avec la publication de son ouvrage intitulé Music and Literature : A Comparison of the Arts.
L’auteur y déterminait alors quatre objets d’étude pour la recherche musico-littéraire : les éléments qui distinguent et qui rapprochent la musique et la littérature, les influences de la musique sur la littérature, les influences de la littérature sur la musique et la relation des deux arts au sein de la musique vocale. Pour les besoins de ma démarche, c’est-à-dire créer une œuvre de musique verbale et en faire l’analyse, je ne me suis attardée que sur deux des aspects décrits par Brown : l’étude esthétique des deux arts et, surtout, l’influence de la musique sur la littérature.
Recherche esthétique
Les œuvres musicales et littéraires sont indissociables de l’idée de durée. Ce sont les fruits des « arts dynamiques », selon l’expression d’Étienne Souriau. Ces œuvres requièrent du lecteur ou de l’auditeur une mémoire attentive à les percevoir dans leur totalité. C’est donc cette caractéristique de temporalité jumelée au sens visuel qui poussa Brown à regrouper ces deux formes d’art sous l’appellation d’arts auditifs par opposition aux arts visuels(2).
À la charnière de ce qui rapproche la musique et la littérature et de ce qui les distingue, le son devient le point de départ de tous les débats, questionnements, problèmes méthodologiques et abus terminologiques qui minent le champ des études musico-littéraires. D’une part, nous avons des sons musicaux, dits « purs », affranchis de toute signification a priori, et d’autre part, il y a les sons du langage, dits « articulés », délimitant un espace sémantique. Le chercheur qui s’aventure dans cette discipline doit donc rester extrêmement prudent et rigoureux devant ce matériau sonore commun aux deux arts et si fréquemment sujet aux glissements terminologiques.
Musique verbale
Nous devons à St.P. Scher l’expression « musique verbale ». Elle désignait, à l’origine, des textes où les auteurs cherchaient à communiquer au lecteur 1’expérience intime qu’ils avaient connue à 1’audition d’une pièce musicale. En somme, ces textes ou portions de texte « visualisent l’ouïe » (3).
Toutefois, pour Scher, l’étude musico-littéraire passe obligatoirement par la musique vocale qui constitue, selon lui, une symbiose parfaite entre les deux arts, finement représentée par l’opéra, le lied, la cantate, etc. Il ne qualifiait de musique verbale que des passages littéraires isolés dans une œuvre. Quelques années plus tard, Jean-Louis Cupers parlait, lui, d’œuvres musico-littéraires entières, réelles, où l’on tentait de maximiser les traces musicales.
J’ai conjugué ces deux points de vue afin que le concept de musique verbale désigne l’ensemble des œuvres littéraires qui seraient élaborées autour d’au moins un des trois points de contact avec la musique, déterminés par Scher et Cupers ou, idéalement, des trois à la fois, soit la musique des mots, les structures et techniques musicales ainsi que la musique comme thème ou sujet littéraire.
Le recueil
Mon recueil de nouvelles Tableaux d’une surexposition a lui-même été construit comme une musique verbale. Je me suis inspirée formellement et thématiquement des Tableaux d’une exposition de Moussorgski et j’ai tenté de retenir du contenu musical tout ce qui pouvait l’être. En premier lieu, j’ai recueilli toutes les données connues entourant Hartman (créateur des tableaux), Moussorgski et les Tableaux d’une exposition. Ces renseignements ont eu une incidence sur le contenu du recueil et sur sa superstructure. En second lieu, c’est à 1’étude de la partition et à l’audition de l’œuvre qu’est revenue 1’orchestration de l’aspect formel de l’écriture. Cette seconde étape de la démarche d’écriture est abordée dans les sections intitulées « Segment de musique verbale » et « Processus de création des smv ».
La superstructure
La fantaisie Tableaux d’une exposition de Modeste Petrovitch Moussorgski s’est rapidement imposée comme le terreau idéal d’une collaboration musico-littéraire, la dimension picturale en plus. Composée de seize courtes pièces (ou quinze, selon la source, car dans certains cas, on jumelle Catacombae et Con mortuis in lingua mortua), elle convenait parfaitement au genre de la nouvelle.
Si cette œuvre de Moussorgski demeure profondément équilibrée malgré la diversité de ses pièces, elle le doit à la rigueur de sa superstructure. En effet, il est possible de diviser l’œuvre en deux grandes parties parfaitement symétriques, la Promenade 4 servant de pont entre les deux. Les sept premiers tableaux sont caractérisés par une musique à prédominance descriptive, tandis qu’une musique narrative rassemble le second groupe de tableaux. Soulignons également l’importance de l’ordre des tableaux, établi par l’alternance de pièces tantôt sombres tantôt joyeuses, autre facteur qui participe à la cohésion de l’œuvre entière.
Ces observations se sont traduites dans mon recueil par le respect de l’ordre et des titres originaux des tableaux et par l’introduction du discours direct à la Promenade 4, présentée dans la dernière section de ce texte (« En guise de conclusion – deux promenades et une nouvelle »). Les monologues et les dialogues sont donc concentrés dans la seconde partie, alors qu’auparavant, dans la première partie, j’ai privilégié une narration extradiégétique. Il peut être intéressant ici de faire un parallèle entre ce passage du descriptif au narratif et l’évolution musicale de Moussorgski, résolument tourné vers la musique vocale, qui dominera presque entièrement les dix dernières années de sa vie.
Les Promenades, ces variations où l’on devrait, selon Moussorgski, le reconnaître déambulant à travers l’exposition posthume de Victor Hartman, m’ont permis de parler de l’homme et de ses convictions musicales. La récurrence du thème du compositeur visitant ses souvenirs d’enfance en quête d’inspiration confère à mes Promenades le statut de variation. La première est surtout consacrée à l’importance de son univers sonore; la deuxième, à sa nounou qui l’a initié aux contes et ainsi sensibilisé à la culture populaire et à l’art traditionnel; la troisième, à sa mère qui lui a appris les rudiments du jeu au piano; la quatrième fait référence à une romance que Moussorgski avait dédiée à Hartman (Au coin); et la dernière, dans laquelle le compositeur ne distingue plus la réalité du souvenir, l’homme de l’enfant qui l’inspire, voulait évoquer son alcoolisme sans trop appuyer. Ce trait, qui toujours accompagne la légende qu’est devenue Moussorgski, n’a pas eu beaucoup d’incidences sur sa musique si ce n’est de nous avoir privés trop tôt d’une œuvre qui promettait encore des merveilles. à écouter – piano (Pletnev, Andsnes) et partition :
Promenade 1 : https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c;
Promenade 2 : https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=258;
Promenade 3 : https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=633;
Promenade 4 : https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=887)
Structure et contenu des nouvelles
L’analyse musicologique des Tableaux d’une exposition, menée par Michael Russ, fut pour moi l’ouvrage de référence le plus précieux pour l’écriture de mon recueil. J’y ai trouvé une mine d’informations tant musicales qu’historiques avec, en prime, les illustrations de Hartman qui ont été préservées. Mais pour le contenu de mes nouvelles, je n’ai pas toujours employé l’ensemble des renseignements recueillis concernant chaque tableau. Au sujet de Gnomus (illustration perdue), par exemple, Alfred Frankenstein mentionne, dans Musical America, qu’il s’agissait de l’esquisse d’une maquette d’un casse-noisette décoratif destiné à un arbre de Noël (Frankenstein, 1949, p.21). Il ressemblait à un nain difforme tenant une noisette entre ses dents. Or, je n’ai pas retenu cette précision, mais je me suis plutôt inspirée du commentaire de la musicologue Emilia Fried :
Moussorgsky’s piece is grotesque, with a touch of tragedy, a convincing example of the humanisation of a ridiculous prototype.(4)
Russ, 1992, p.36
À l’audition de la pièce (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=99), cette interprétation approuvée par Russ m’apparaissait tout à fait justifiée, d’autant plus que Moussorgski adorait la caricature et qu’il nous avait déjà laissé de beaux morceaux du même genre (Savichna, mon amour, Le Séminariste ou Varlaam dans Boris Godounov). J’ai saisi l’occasion d’évoquer l’humour cinglant de Moussorgski et son amertume contenue envers les hommes ou la vie, perçue dans ma lecture répétée de ses correspondances. Concrètement, ma nouvelle, présentée dans la dernière section du mémoire, repose sur l’absurdité de la quête du sens de la vie quand il se peut que ce sens soit justement cette quête (thème existentialiste); le chasseur de gnomes ignorant qu’il se chasse lui-même.
En fait, pour chaque nouvelle, j’ai sélectionné les informations qui m’inspiraient, un peu comme Moussorgski avait procédé avec les tableaux de Hartman :
For each little Hartman illustration, Musorgsky [sic] the opera and the song composer creates a little story. Musorgsky tends to focus on something or somebody depicted within the picture rather than being directly concerned with the art-work itself. In Gnomus he is more interested in the stumbling gnome than the nutcracker, in Baba-Yaga more in witches than clocks […] and in Limoges Musorgsky actually began to pencil in the words of the various disputants in the market. Thus he is able to exploit the narrative potential in Hartman’s sketches and designs.(5)
Russ, 1992, p.31
Par ailleurs, toutes les données formellement musicales ont été considérées dans l’élaboration de chacune des nouvelles. Dans les cas les plus faciles, où l’on pouvait reconnaître des formes précises comme ABA, AB «arrondie» ou encore la forme d’une chanson à six strophes (Il vecchio castello; à écouter : https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=315), j’obtenais l’équivalent littéraire à travers la trame du récit.
Voici un exemple : selon l’analyse de Russ, le tableau intitulé Ballet des poussins dans leur coque est constitué d’un scherzino, d’un trio et d’une coda (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=942). Le scherzino comprend deux idées : l’une présentée à la première mesure et l’autre à la cinquième. Ma nouvelle, quant à elle, est divisible en quatre parties répondant au scherzino-trio-scherzino-coda du tableau. Deux idées se retrouvent également dans le texte, mais n’interviennent pas alternativement comme dans le scherzino musical : le faux poussin et le vrai poussin. Dans la nouvelle, elles sont exploitées l’une après l’autre, la seconde commençant avec le point de reprise; ce qui est donc très différent de la partition. Par contre, le caractère rapide et léger est conservé par des phrases courtes, humoristiques. La partie centrale, correspondant au trio, est assumée par un narrateur extradiégétique qui commente la scène et unit ainsi les deux idées. La coda donne le dernier mot à ma deuxième « idée » : le vrai poussin. J’ajouterais, en terminant, que le récit a été directement inspiré de l’illustration de Hartman représentant des croquis de costumes pour un ballet.
Segment de musique verbale
Malheureusement, des formes précises telles que celle du Ballet ne peuvent être distinguées dans tous les tableaux. Il fallait donc chercher à faire ressortir la spécificité de chaque pièce et trouver le moyen de s’approcher de la partition. Mais il est plus difficile pour la prose que pour la poésie rythmique de faire correspondre le temps de lecture au temps d’écoute. De ce point de vue, la brièveté des tableaux devenait un problème en soi. En considérant que la durée moyenne d’un tableau musical est d’environ deux minutes, il est peu probable que la trame de la nouvelle puisse être aussi brève. Une œuvre de musique verbale reste avant tout une œuvre littéraire autonome. Je devais adopter une méthode uniformément applicable qui me permettrait de respecter les proportions relatives des tableaux.
Mais alors, comment lire la partition? Des équations telles un son / un mot ou une mesure / une phrase paraissaient tout à fait farfelues, et du reste, suivre une partition à la note près aurait pris l’aspect d’un abus de pouvoir littéraire qui ne me plaisait guère. J’ai donc décidé de créer ce que j’ai appelé ma propre partition de musique verbale. J’ai procédé à un redécoupage de la partition musicale en déplaçant les barres de mesure. Afin de minimiser la confusion terminologique, j’ai baptisé ces nouvelles mesures « segments de musique verbale » ou smv. Une fois la division terminée, je pouvais construire mon récit avec une certaine rigueur sans trop trahir la musique.
Processus de création des smv
La grammaire musicale s’articule autour du concept de répétition. Pour cette raison, il m’apparaissait conséquent de baser principalement mes smv sur ce critère. Toutefois, je dois tout de suite préciser deux choses : premièrement, la répétition n’induisait pas nécessairement un aspect répétitif dans le contenu de la phrase, mais servait plutôt à déterminer le nombre de phrases (1 smv = 1 phrase) qui seraient consacrées à telle nouvelle et à qualifier, si possible, la ligne musicale d’une phrase et sa longueur; deuxièmement, la répétition n’était pas le seul facteur responsable de la division : les silences ou tout ce qui pouvait être perçu et transposé comme une ponctuation (changement de tonalité, de rythme ou d’intensité) agissaient à ce titre. Pour illustrer mon propos, je vais expliciter de façon détaillée le découpage de la première partie de la fantaisie Ballet des poussins dans leur coque (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=942), tel qu’illustré sur la partition.
Vingt-deux mesures (sans la reprise) constituent le scherzino. Une fois redécoupé, j’obtiens neuf smv. J’ai d’abord placé les « barres obligées », celles qui séparaient les deux idées principales évoquées ci-dessus dans la section Structure et contenu des nouvelles : entre la quatrième et la cinquième mesures, entre la huitième et la neuvième, entre la douzième et la treizième. Puis j’ai scindé les quatre premières mesures (qui sont répétées à la neuvième mesure) après le troisième temps de la deuxième mesure, pour deux raisons : premièrement, les deux croches et le demi-silence de la main gauche exercent une légère coupure entre les deux mesures identiques et, en second lieu, j’obtiens deux petits smv qui me permettent de garder le style vif et léger du scherzino avec des phrases correspondantes humoristiques, courtes et concises. Si j’ai laissé les quatre mesures suivantes groupées, c’est qu’il s’agissait d’une montée ininterrompue, sauf pour le quatrième temps de la huitième mesure. Même opération pour les mesures qui suivent et qui sont identiques aux quatre premières. De la treizième à la vingtième mesure, nous avons une montée chromatique, mais à deux reprises elle se brise légèrement en reprenant deux tons et demi plus bas à la quinzième mesure et une octave plus haut à la dix-septième. Mon sixième smv comprend donc la treizième et la quatorzième mesures, les deux suivantes forment le septième smv, et le huitième s’étend de la dix-septième à la vingtième mesure. Conséquemment, on remarquera que mes sixième et septième phrases sont de longueur comparable et que ma huitième phrase est la plus longue du paragraphe qui correspond au scherzino. J’ai fait un dernier smv du point d’orgue accentué de la fin. Mon deuxième paragraphe, imposé par le point de reprise, reprend la même division.
Voici le début de cette nouvelle – une musique verbale correspondant au scherzino décrit ci-dessus :
Le ballet des poussins dans leur coque
– Je ne sais pas danser moderne!
Encore moins comme un poussin!
On s’exerce aux entrechats une année entière pour finir en
poussin titubant de gauche à droite!
C’est pas sérieux!
Enfin, on ne peut que tituber dans des costumes aussi mal
conçus!
Ça nous barre les jambes!
Inconfortable, vous dites?!
Toutes les ouvertures sont irritantes; on sue à s’y noyer, sans
parler de l’ensemble tout à fait grotesque.
On se rapproche plus du dodo batailleur que du poussin, si
vous voulez mon avis.
– Bon, si j’ai bien compris, on m’organise une petite fête.
On me tourne autour pendant des heures pour me faire sortir
d’ici.
C’est qu’ils ont hâte de me voir de près, les amis.
Surtout l’aigle et le boucher.
Ils miment ma vie d’avance pour m’éviter des soucis.
Ma mère couveuse me dore comme un soleil.
On l’a couverte de plumes pour faire plus naturel.
Moi, je fais comme si j’en savais que dalle et au moment où le
ballet se termine, je brise ma coquille sous les
applaudissements des spectateurs.
C’est pas ce que j’appellerais un rôle de composition.
Composition de deux nouvelles ˗ Bydlo et Le Marché de Limoges
Bydlo ou le chariot polonais
https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=730
Selon Michael Russ, la durée moyenne de ce tableau musical équivaudrait au temps que met le bruit du chariot à disparaître. Il est de forme ternaire et la coda finale « fragmente le thème ». J’ajouterais que sa symétrie rappelle celle de la superstructure de l’œuvre complète.
Son inspiration picturale, la toile mélancolique de Hartman, représentait un chariot tiré par deux bœufs. J’ai fait de cette image le métronome de ma trame narrative; elle porte aussi en elle-même mon sujet et mon thème : le prix de la guerre et l’expiation. Par ailleurs, l’atmosphère lourde, créée par la pédale développée, si caractéristique de ce tableau, devait absolument être reproduite. Or, j’avais besoin de beaucoup plus d’espace littéraire pour installer un climat équivalant à cette musique qui profitait d’un pouvoir de simultanéité partiellement accessible à la littérature acrobatique. J’ai donc décidé d’appuyer la marche du chariot à chaque demi-soupir qui laissait la place à la pédale; ce qui explique la répétition des phrases de longueur comparable s’attachant au chariot :
Pesamment, la rumeur des grandes roues de bois avançait.
Quelque part là-bas un grincement coupable d’essieux
rouillés s’accusait.
Vide et tiré par deux taureaux aveugles, le chariot
s’approchait.
Le rythme régulier des roues, presque religieux, n’aurait
su les libérer de leur torpeur morale.
Deux taureaux dociles et aveugles apparurent tout en haut
d’une colline pelée.
Etc.
La division selon la forme ternaire se traduit comme suit :
A: Anastasia quitte son village et va jusqu’au chariot à
un point x.
B: La rencontre d’Anastasia et du chariot au point x.
A: Du point x, feu Anastasia refait le trajet en sens
inverse.
Toutes les indications de la partition concernant les changements de rythme ou d’intensité sont évoquées textuellement :
Pesante : Pesamment, la rumeur des grandes roues de bois
avançait.
Diminuendo : Triste scène qui décida les moribonds à
ralentir.
Con tutta forza : La pluie cessa rapidement et le chariot
vide tiré par deux taureaux aveugles
reprit le même pas lourd sur la
campagne écrasée.
Piano : Pour eux, les survivants, le chariot arriverait du
silence noir, sans prévenir.
Pianissimo : Froidement pesés par tous les regards, les
deux taureaux baissaient la tête tout en
ralentissant le pas.
Le chemin caillouteux imitait le crépitement
des flammes.
Diminuendo e ritardando : On libéra 1’attelage immobile.
PPP (Pianississimo) : Le feu fondait le bois déjà.
Voici la nouvelle complète :
Pesamment, la rumeur des grandes roues de bois avançait.
Une jeune fille, le gris de l’œil crevé sous l’épaisse
paupière, s’arrachait à son village dévasté comme d’une bouche
gâtée.
Elle seule entendait le silence cassé sur la campagne.
L’idée d’abandon pressait son exode.
Quelque part là-bas un grincement coupable d’essieux rouillés
s’accusait.
Et la jeune fille arrachée écoutait sans vertige la réponse
d’obus et d’ossements jonchant la route qui l’appelait dans la
grisaille du jour.
Vide et tiré par deux taureaux aveugles, le chariot
s’approchait.
Mais au village, on ne l’entendait pas; là où la famine frappait
tout le monde sans exception, la peine avait rapidement cédé le
pas à la dégénérescence, à une sorte de démence.
Le rythme régulier des roues, presque religieux, n’aurait su les
libérer de leur torpeur morale.
Anastasia s’éloignait de ce village rongé par une radioactivité
d’après-guerre rangée dans 1’immense attaché-case des crimes
contre 1’humanité.
Deux taureaux dociles et aveugles apparurent tout en haut d’une
colline pelée.
Vieillards et bêtes avaient été mangés et on délégua les enfants
à forcer le hasard pour la suite des opérations de survie.
La pluie se brisait dans le vide regret du chariot.
Les enfants disposaient d’un poison qu’ils devaient mélanger à
la ration d’un adulte chaque fois qu’advenait le fond des
réserves de chair humaine.
Mais moins dociles qu’épouvantés, moins aveugles que désespérés,
ils finissaient par le boire eux-mêmes.
Anastasia, elle, préférait la faim à ces homicides déguisés et
priait que le sourd attelage la rejoigne au plus vite.
Au-dessus d’eux, un ciel navré assombrissait le bout d’horizon à
parcourir avant que leurs cœurs ne soient à distance de larmes.
Ennemis et alliés avaient unanimement sacrifié ces deux bêtes
traînant péniblement le chariot dans une glaise gênante jusqu’à
Anastasia.
Elle s’immobilisa et souleva lourdement ses paupières comme des
écluses contre la pluie.
Plutôt que des taureaux, elle vit deux soldats aux visages
absents.
Elle savait que son voyage devait s’achever là, avec eux.
Mais l’attelage des condamnés fit mine de l’ignorer et
poursuivit son chemin.
Aucune parole ne fut échangée.
Anastasia s’extirpait difficilement de la succion de la boue.
À tel point que tous ses efforts se soldaient en un déséquilibre
qui lui valait une chute.
Triste scène qui décida les moribonds à ralentir.
Elle hissa son genou puis bascula le reste du corps dans le
chariot.
Plutôt que vide, y gisaient deux corps à moitié décharnés.
Elle s’étendit sans surprise auprès d’eux tandis que les bêtes
accéléraient.
La jeune fille avait reconnu son père et sa mère en ces deux
masses squelettiques.
Anastasia ferma définitivement les yeux sur ses parents revenus
des camps comme promis.
La pluie cessa rapidement et le chariot vide tiré par deux
taureaux aveugles reprit le même pas lourd sur la campagne
écrasée.
La jeune fille n’entendait plus l’immense rumeur qui l’avait
avalée et qui revenait sur ses pas à elle comme sur les traces
d’un aboutissement et d’un commencement où conflueraient passé,
présent et avenir d’une verminisation.
Et les roues de bois, et l’attelage de morts et de vivants
connaissaient déjà leur fin.
De même que cette noirceur tombante qui ne révélerait rien de
plus que le jour.
Au milieu d’un paysage sans relief, si immuable, le chariot
semblait immobile.
De temps à autre, des indigents venaient s’échouer contre lui et
s’y entassaient, espérant accéder à quelque mort rédemptrice.
Jamais l’extrême fatigue des bêtes ne réduisait son rythme.
Mais une autre rumeur, plus sourde, naissait du village dont on
distinguait les cheminées à la lueur des torches.
Pour eux, les survivants, le chariot arriverait du silence noir,
sans prévenir.
Ils ne pouvaient entendre que leur faim hurlante en attendant
que le dernier enfant, trop faible pour tenir une fiole dans sa
main, se décide à donner ou à prendre le poison.
Aucune anxiété, aucune urgence n’étaient audibles.
Un genou dans la bouche, l’enfant dormait malgré lui.
Les grandes roues de bois pénétreraient son cauchemar.
Des hommes un peu frénétiques préparaient le feu
qui ne leur serait probablement pas destiné.
La peur surprit l’attelage qui allait sous peu franchir
les portes du village.
Aussitôt aperçu, le chariot fut pris d’assaut par les affamés
qui espéraient Dieu seul sait quoi en l’escortant jusqu’à la
place publique.
Froidement pesés par tous les regards, les deux taureaux
baissaient la tête tout en ralentissant le pas.
Le chemin caillouteux imitait le crépitement des flammes.
On libéra l’attelage immobile.
La fosse commune avala le corps d’Anastasia.
Le feu fondait le bois déjà.
Les soldats seraient mangés.
Le marché de Limoges
https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=1182
Partant de la conviction que le langage humain est régi par des lois strictement musicales (Virchow, Gervinus), il [Moussorgski] considère que la tâche de l’art musical est la reproduction par les sons non seulement des nuances des sentiments, mais surtout des nuances du langage humain.
Sviridov, 1987, p.18
On le sait maintenant, Moussorgski a imaginé les conversations au marché pour composer ce tableau. C’est donc ici que culmine la volonté moussorgskienne de reproduire les sons du langage humain, car ce scherzo exécuté à une vitesse folle réussit parfaitement à nous faire entendre la rumeur bigarrée du marché.
Globalement, les principales caractéristiques à retenir de la lecture de cette partition (toujours dans la perspective d’une musique verbale) peuvent se résumer à la hauteur du registre, au rythme très rapide, aux multiples variations d’intensité et d’accentuation et, bien entendu, à la forme ternaire suivie d’une coda comme une résolution généralisante.
L’illustration de Hartman (inspiration picturale de ce tableau en musique) ayant été perdue, j’ai néanmoins conservé le scénario caricatural écrit par Moussorgski. Tous ses personnages et l’essentiel des propos y figurent.
Pour recréer l’animation du marché telle qu’entendue, ma nouvelle s’est presque exclusivement composée de dialogues. Toutefois, on ne peut faire une nouvelle d’une suite de phrases cancanières. Conséquemment, j’ai articulé la forme ternaire de la façon suivante :
A: Disputes et commérages en vrac.
B: Puissangeout tente d’annoncer d’un même souffle la
disparition de sa vache et comment il l’a retrouvée.
A: Disputes et commérages en vrac.
Dévoilement de la fin de l’histoire de Puissangeout.
Ce qui fait la réussite musicale de ce tableau, c’est l’imitation des échanges verbaux évoqués par le compositeur :
– des tirades indivisibles où j’ai essayé de reproduire le registre
« Pourquoi s’évertue-t-elle à s’envelopper de noir aussi amaigrie? Jamais elle n’y trouvera de parti. »
« Le pire est que sa fille placée, comme vous le savez, au couvent Mont Sainte-Sabine depuis deux mois s’échapperait (à l’insu de toutes) par le souterrain chaque nuit pour rejoindre ses trois amants dans un club de mauvaise fréquentation. »
– des répliques serrées et hargneuses :
Ici, j’ai distribué les répliques entre un homme et une femme selon la hauteur des doubles croches :
« – Tu parles trop, Gervaise, lui reproche son époux.
– Humiliée!…
– Occupe-toi des oignons sous la toile.
– Tu cherches à m’humilier devant mes amies! »
Ou encore :
« – Ah! quelle ignominie!
– Vous m’agacez!
– Une sombre histoire, en vérité…
– Vous jouez avec nos nerfs !
– Les mots me manquent pour…
– … Assez perdu de temps! »
Avec une large coda dans un tout autre mode, Moussorgski semblait intervenir personnellement pour mettre fin à tout ce brouhaha et enchaîner avec le tableau suivant. J’ai donc joué ce rôle :
« Quoi? Unanimement horrifiés, le poivrot, le dentier et le malheureux tombent raide tandis que je baisse la lumière et tourne la page pour pénétrer les Catacombes. »
En guise de conclusion – deux promenades, une nouvelle
Promenade 1 (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c)
D’abord un piano, dont les pâles contours contre la fenêtre de
l’aube sont éclairés par la flamme d’une lampe besogneuse.
Il va bientôt s’y éteindre avec la barre du jour et n’être plus
qu’une banquise de bois laqué nuit-de-novembre-à-Saint-
Pétersbourg.
Au-dessus du lutrin, le visage d’un homme qui n’a pas beaucoup
dormi, qui guette les sons d’ailleurs un peu impatiemment.
Le jour naît, le jour est là; l’homme désespère d’entendre
quelque chose arriver, quitte son piano et court ouvrir la
fenêtre.
Une neige poudreuse fait irruption, les partitions volent et se
couvrent d’étoiles dont nul ne connaît encore la portée sonore.
Pris d’assaut par le vent froid, il se souvient de la mort de
son ami, à qui il veut rendre hommage, et se dit qu’il est
fâcheux que l’on ne puisse jamais créer à partir de sa propre
mort.
Avant que la fatigue ne gagne sa mémoire, il referme la fenêtre
et s’oblige à retourner travailler; aux grands maux, les grandes
mesures!
L’homme agrippe les dernières portées par le vent ballotées et
retombe avec elles sur la banquise fondante au souvenir d’une
troïka, d’un enfant et d’une nounou.
De part et d’autre de la troïka s’élevaient des colonnes de
neige s’étourdissant au bal hivernal, s’affalant lascives sur
l’horizon indistinct.
Bien au chaud et comme un peu égaré par l’odeur mêlée des
fourrures humides et de l’haleine alcoolisée d’Anna, l’enfant ne
pensait pas à la mort.
Sa tête posée sur le ventre de sa nounou, il voyait au-delà du
morceau de ciel auquel il avait droit et savourait les vocalises
volutées du blizzard.
Il l’écoutait découper la campagne russe en une mosaïque
d’images audibles plus réelles que ce qui pouvait être vu.
Ainsi il savait au passage l’isba ronflante et les accords du
gusli s’échappant de la cheminée, la faune d’hiver bravant une
dernière fois le vent chassant, le soleil qui allait descendre
derrière ces deux corbeaux perchés à la cime de sapins noirs.
Et le regard obstiné d’Anna, aussi aveugle que peuvent l’être
deux avelines mordues par le froid.
Un spectacle intemporel sans prix qui le réchauffait comme une
berceuse mais ne cherchait pas à l’endormir.
C’est ce qu’inspirait au compositeur cet enfant qu’il avait été,
ce petit Moussinka repoussant peurs et cauchemars en rêvant les
sons.
Il ne savait pas encore que l’univers pouvait être nommé en
musique et qu’elle deviendrait le sens de sa vie.
À l’époque, son cœur battait pour entendre les choses là, ou
qui y avaient été, ou qui y seraient.
C’était la Réalité, plus belle que tout ce qui pouvait être
inventé, c’était sa mère ou sa nounou.
Derrière les carreaux givrés, l’homme s’exaltait à l’idée des
lieux bénis où son piano l’emportait déjà.
N’eût été de cette soif qui le tenaillait, il aurait voulu que
la balade ne se termine jamais.
Cependant, l’homme eut peine à déglutir tant sa gorge s’était
asséchée.
Il but donc sa première tasse de thé, puis sa seconde, au fond
de laquelle il s’installa pour réfléchir.
Enfoui sous les feuilles de jasmin, espérant un hypothétique
retour de l’enfance, quelques accords ambitieux mais détraqués
lui parvenaient.
Gnomus (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=99)
Pas le moindre gnome en vue. )
Pourtant le chasseur de gnomes ne se décourage jamais.
Sa quête est sa façon de vivre de génération en aliénation, bien
que, précise-t-il, sa lucidité n’en soit pas altérée.
Nul n’en a jamais vu.
Chaque matin, toutes ses facultés sont lâchées dans la tourmente
de son obsession.
Bien que la survie du gnome et de son habitat soit menacée par
la communauté des êtres soporifiquement doués d’imagination que
nous sommes, point de repos pour le chasseur consciencieux.
Sauf, peut-être, lorsqu’il se sent fatigué.
Par temps clair ou angoissé, qu’il pleuve ou qu’il chante, le
chasseur descend au marais.
Puis il va à travers ville, arpentant ruelles et musées,
mysticisme contemporain et rumeurs d’Histoire.
Il inspecte les oubliettes.
Revenant par la banlieue anonyme, évite vivants et morts sans
distinction.
Une fois repu d’images et d’idées, il crée son plan.
Mais il se garde toujours de ne rien précipiter.
Rien ne sert de courir…
Du reste, il traque seulement les nuits d’étoiles et d’alcool.
Un bon chasseur dort peu, boit trop, ne vit que pour sa proie.
Exceptionnellement, le sujet de notre étude nous a semblé
dissipé.
Le gnome raffolant de sons et de couleurs, il l’appâte avec des
mots, de longues et de courtes phrases, des tirades sans point
ni virgule.
Il les lie de rares et rances néologismes qui flatteront son
audition.
Mais il existe un profond décalage entre ce qui se fait entendre
et ce qu’il entend ou ce qu’il reproduit.
Comment s’y retrouver?
Le corps de sa proie serait une espèce de carte vibratoire où
les sons se répercutent aux endroits déterminés par leurs
qualités.
Il n’a pas d’ouïe à proprement parler.
Ainsi, les feuilles mortes piétinées peuvent stimuler ses
papilles et lui donner l’illusion que le soleil ne se couchera
jamais s’il mordille un peu de gomme de pin.
Inutile de s’étendre…
Le chasseur se voit complètement dérouté par ce genre de
réactions aux stimuli sonores aussi arbitraires
qu’imprévisibles.
Il aurait bien voulu recourir au cri de la femelle, mais le
gnome, asexué, se reproduit seul entre l’arbre et l’écorce.
Le choix de l’essence relève encore du mystère.
Toutefois l’Ordre des chasseurs de gnomes a su répertorier
nombre de phénomènes et d’attitudes prouvant hors de doute la
gestation gnomatique parasitaire.
Certains indices d’incongruité comportementale végétale
n’échappent pas à l’œil du spécialiste.
Quand le séquoia garde son enveloppe de mousse bien verte tout
l’hiver ou que le peuplier se cambre dans le sens opposé au
vent, on peut croire qu’ils mettront bas à la fin du cycle.
Mais ils préfèrent immobiliser le gnome plus longtemps en leur
sein plutôt que de le livrer aux chasseurs.
Et ces chasseurs ne sont pas les rois du camouflage.
En général, ils se cognent aux troncs d’arbres absorbés à
gratter du papier.
Ils se veulent un air sérieux et maintes fois on les surprend à
se parler tout seul.
Cette particularité rend le gnome nerveux et difficile à
retenir.
Il ressent un besoin impératif de se manifester.
C’est précisément à cet instant que le chasseur en profite pour
s’éloigner.
Car le gnome n’a d’autre valeur que celle de sa poursuite.
Le malheur s’abat sur le chasseur en lui offrant l’objet de sa
quête et non en le lui refusant.
Qu’enfer, effectivement?
Pas question de le manger!
on ignore tout de sa digestibilité.
Non, vraiment. Mieux vaut chercher toute sa vie, on risque moins
de s’empoisonner l’existence.
Mais ce soir, à 22h10, nous fûmes témoins de ce qui pourrait
bien être la fin d’une dynastie.
Le chasseur, sans qui ce reportage n’aurait pas été possible, ne
pouvait plus résister à l’envie définitive d’en capturer un.
Il s’assit droit devant le peuplier qui allait mettre bas et ne
bougea plus.
Que sa main qui écrivait automatiquement.
Sa peur avait déjà disparu quand l’écorce de l’arbre se dilata.
Dès qu’il sortit la tête, il se reconnut; le gnome lui
ressemblait trait pour trait.
Comme quoi les pièges que l’on tend à soi-même sont certainement
les plus aveuglants.
Promenade 4 (https://youtu.be/kxg2R0Pqb3c?t=887)(6)
« … sur mon frère aussi.
Mais, mon Dieu, ne veillez pas sur ma nounou qui est TRÈS
MÉCHANTE.
Il fait trop noir; je n’entends rien.
C’est le chat; c’est pas moi qui l’ai cassé. »
Au fond, la punition ne l’étonnait guère.
Seulement, il aurait préféré ne pas entendre la clef dans la
serrure.
Sans piano ni fenêtre, il avait réfléchi au bruit :
« L’amplitude de la surprise qui le suit dépend de la
réverbération du son. »
Il va sans dire…
Un coup sec du bec;
Le craquement de la coquille;
Et la cathédrale se pulvérise…
***
Après l’obtention de sa maîtrise en littérature, dans une galaxie lointaine, Claudine Vézina devient accompagnante professionnelle : elle accompagne les adolescents dans leur temps libre grâce à ses romans; elle accompagne des étudiants dans leurs dissertations et leurs oraux; elle accompagne à la naissance des femmes et des couples; elle accompagne parfois ses textes de musique et vice versa.
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Notes
(1) Sous-titre, hyperliens à la musique, sélection et arrangement des extraits par Anatoly Orlovsky, à partir du mémoire de maîtrise (Vézina, 1996). Avec l’approbation et l’actualisation de l’auteure.
(2) Évidemment, Brown ne fut pas le premier à percevoir la dynamique liant ces deux formes d’art. Dès l’Antiquité, ces associations existaient.
(3) Expression empruntée à Claudon, F., cité dans Piette, I. 1987. « Littérature et Musique / Contribution à une orientation théorique : 1970-1985 ». Namur: Presses universitaires de Namur, p. 89: « [L’] acte poétique consiste à visualiser l’ouïe. »
(4) « La pièce de Moussorgsky est grotesque, avec une touche de tragédie – un exemple convaincant de l’humanisation d’un prototype ridicule. » (trad. Anatoly Orlovsky, ici et ci-dessous)
(5) « Pour chaque petite illustration de Hartman, Musorgsky [sic] le compositeur d’opéras et de mélodies invente une petite histoire. Musorgsky préfère se concentrer sur quelque chose ou quelqu’un représenté dans le tableau plutôt que d’envisager l’œuvre d’art au complet, telle quelle. Dans Gnomus il s’intéresse plus au gnome trébuchant qu’au casse-noisette, dans Baba-Yaga les sorcières l’attirent plus que les horloges […] et dans Limoges, Musorgsky a même commencé à noter au crayon les propos de différents personnages qui se disputent au marché. Il peut ainsi exploiter tout le potentiel narratif des croquis et dessins de Hartman. »
(6) Tout le contenu musical en ligne identifié par les hyperliens dans ce texte a été consulté le 1er avril 2018.
Références
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Cupers, J.-L. 1982. « Approches musicales de Charles Dickens. Études comparatives et comparatisme musico-littéraire », dans: Celis, R. (Dir.), Littérature et Musique, pp. 15-56. Bruxelles: Publications des Facultés universitaires Saint-Louis.
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Vézina, Claudine. 1996. Tableaux d’une surexposition. Mémoire de maîtrise. Québec: Université Laval, Faculté des lettres. En ligne:
http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/s4/f2/dsk3/ftp05/mq25756.pdf (Page consultée le 13 mars 2018).