Par Firoze Manji
Amilcar Cabral et Frantz Fanon(1) comptent parmi les plus importants penseurs africains sur la politique de libération et d’émancipation. Alors que la pertinence de la pensée de Fanon a de nouveau émergé, avec des mouvements populaires comme Abahlali base Mjondolo en Afrique du Sud, qui revendique s’être inspiré de ses idées pour ses mobilisations, ainsi que dans les œuvres de Sekyi-Otu, Alice Cherki, Nigel Gibson, Lewis Gordon et d’autres, les idées de Cabral n’ont pas reçu autant d’attention.
Cabral a été le fondateur et dirigeant du mouvement de libération de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, le Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). C’était un révolutionnaire, un humaniste, un poète, un stratège militaire et un écrivain prolifique sur la théorie révolutionnaire, la culture et la libération. Les luttes qu’il a menées contre le colonialisme portugais ont contribué non seulement à l’effondrement de l’empire africain du Portugal, mais aussi à la chute de la dictature fasciste au Portugal et à la révolution portugaise de 1974-75, événements dont il ne sera pas témoin : il a été assassiné par certains de ses camarades, avec le soutien de la police secrète portugaise, la PIDE, le 20 janvier 1973.
Au moment de sa mort, les deux tiers de la Guinée se trouvaient en zones libérées, où se constituaient des structures démocratiques populaires qui formeraient la base de la future société : les femmes avaient un rôle de leadership politique et militaire, la monnaie portugaise fut interdite et remplacée par le troc, la production agricole dédiée aux besoins de la population et nombre d’éléments d’une société fondée sur l’humanité, l’égalité et la justice ont commencé à émerger, de façon organique, à travers le débat populaire et la discussion. La résistance culturelle a joué un rôle crucial à la fois dans la défaite des Portugais et dans l’établissement des zones libérées.
Cabral a compris que l’extension et la domination du capitalisme dépend essentiellement de la déshumanisation du sujet colonial. Et au cœur du processus de déshumanisation se trouve la nécessité de détruire, de modifier ou de refondre la culture du colonisé, car c’est principalement par la culture, « parce que c’est l’Histoire », que les colonisés ont cherché à résister à la domination et à affirmer leur humanité.
Pour Cabral, comme pour Fanon,
la culture n’est pas un artéfact esthétique,
mais une expression de l’Histoire,
le fondement de la libération et
un moyen de résister à la domination.
Au fond, la culture est subversive.
La culture comme subversion
L’histoire du libéralisme a été l’opposition entre les cultures, ce que Losurdo (2014) appelle les espaces sacrés et profanes. La démocratie de l’espace sacré auquel les Lumières donnèrent naissance dans le Nouveau Monde était, écrit Losurdo, une « démocratie Herrenvolk », une démocratie de supériorité de la race blanche qui refusait de permettre aux Noirs, aux peuples autochtones ou même aux femmes blanches d’être considérés comme des citoyens. On estimait qu’ils appartenaient à l’espace profane occupé par le moins-qu’humain.
L’idéologie d’une démocratie basée sur la supériorité de la race blanche se reproduisit alors que le capital colonisait de vastes régions du globe. La victoire de Trump aux États-Unis et la nomination d’un entourage de droite, sinon fasciste, est à bien des égards l’expression du ressentiment croissant et de l’antagonisme de sections importantes de l’Amérique blanche, dû à la perception d’une invasion et d’une souillure de l’espace sacré par les Autochtones, les Noirs, les « Latinos », les Mexicains, les homosexuels, les lesbiennes, les syndicats, les immigrants et tous ces êtres profanes qui n’appartiennent pas à cet espace. Nous pouvons prédire avec certitude que, sous la présidence de Trump, il y aura de grandes offensives contre les cultures, les organisations et les capacités d’organisation de ceux considérés comme les détritus de la société, pour les abstraire des privilèges de l’espace sacré et les « renvoyer » au domaine des déshumanisés. En même temps, nous pouvons prédire qu’il y aura une résistance généralisée à ces tentatives, et que la culture y jouera un rôle essentiel.
Dans ce contexte, les écrits et les discours de Cabral sur la culture, la libération et la résistance au pouvoir ont des implications importantes pour les luttes à venir, non seulement aux États-Unis, mais aussi dans la Grande-Bretagne post-Brexit, et en Europe continentale, où le fascisme relève à nouveau sa tête hideuse dans plusieurs pays. En m’appuyant sur les œuvres de Cabral(2) je peux voir comment le colonialisme a établi et maintenu son pouvoir en tentant d’éradiquer les cultures du sujet colonial et comment la culture comme force libératrice a été fondamentale pour les Africains afin de réaffirmer leur humanité, pour inventer ce que signifie être humain et développer une humanité universaliste. J’observe comment les régimes néocoloniaux ont tenté de désarticuler culture et politique, un processus que le néolibéralisme a exacerbé. Mais après quelque 40 ans d’austérité en Afrique (à savoir les « programmes d’ajustements structurels ») le mécontentement augmente, et les gouvernements perdent de plus en plus de légitimité populaire. Il y a une résurgence des soulèvements et des protestations et une fois de plus la culture revient sur la scène comme force de mobilisation et d’organisation.
Les écrits et les discours de Cabral
sur la culture, la libération et la résistance
au pouvoir ont des implications importantes
pour les luttes à venir … [alors que] … le fascisme
relève une fois de plus sa tête hideuse
Colonialisme, culture et invention de « l‘Africain déshumanisé »
Les philosophes des Lumières, comme Hegel, considéraient que les Africains n’avaient pas d’histoire. Mais à quel « Africain » faisaient-ils référence ? Ce n’est qu’au XVe siècle que les Européens ont commencé à utiliser le terme « africain » pour désigner tous les peuples qui vivent sur le continent. Ce terme était directement lié à la traite négrière de l’Atlantique et à la condamnation de vastes couches de l’humanité à l’esclavage dans les Amériques et dans les Caraïbes. Pour réussir à soumettre des millions d’êtres humains à une telle barbarie, il fallait les définir comme des non-humains.
Le processus de déshumanisation a nécessité une tentative systématique et institutionnalisée de destruction des cultures, des langues, des histoires et de la capacité à produire, organiser, raconter des histoires, inventer, aimer, faire de la musique, chanter, faire de la poésie, créer de l’art – tout ce qui nous définit comme être humain. Cela a été organisé par les esclavagistes locaux et européens, les propriétaires d’esclaves et tous ceux qui ont profité du commerce des êtres humains, en particulier la classe capitaliste européenne naissante.
Intrinsèquement, le mot qui résume le mieux ce processus de déshumanisation des peuples de ce continent est Africain. En effet, les anthropologues, les scientifiques, les philosophes et toute une industrie se sont développés pour « prouver » que ces personnes constituaient une « race » biologique différente, sous-humaine. Les Africains devaient être considérés comme n’ayant ni histoire, ni culture, ni aucune contribution à apporter à l’histoire humaine. En tant qu’esclaves, ils n’étaient que des biens – biens ou « choses » qui seraient possédés, disposés et traités de la manière que le « propriétaire » jugerait bon.
Cette tentative d’effacer la culture des Africains a été un échec. Alors que les forces du libéralisme détruisaient les institutions, les villes, la littérature, la science et l’art sur le continent, les souvenirs des peuples de la culture, des formes d’art, de la musique et de tout ce qui est associé à l’être humain, restaient vivants. Les esclaves africains ont emporté avec eux, sur les bateaux négriers, cette culture qui s’est transformée dans leurs nouvelles conditions matérielles en base de résistance.
La traite négrière de l’Atlantique et l’esclavage ont été les pierres angulaires de l’accumulation du capital qui a donné naissance au capitalisme, tout comme l’ont été les génocides et les massacres de populations autochtones des Amériques et d’ailleurs. La déshumanisation systématique de certaines parties de l’humanité – le racisme – a été intimement liée à la naissance, à la croissance et à l’expansion continue du capital et reste la marque de son développement.
Cabral a compris que séparer l’Afrique et les Africains du courant général de l’expérience humaine commune ne pouvait que conduire au retard des processus sociaux sur le continent. « Quand l’impérialisme est arrivé en Guinée, il nous a fait sortir de notre histoire … et entrer dans une autre histoire ». Ce processus devait se perpétuer depuis ses origines dans l’esclavage européen et le déplacement forcé des peuples de l‘Afrique jusqu’à l’expansion des entreprises coloniales européennes d’aujourd’hui. La représentation des Africains comme inférieurs et sous-humains a justifié la terreur, le massacre, les génocides, les emprisonnements, la torture, la confiscation des terres et des biens, le travail forcé, la destruction des sociétés et des cultures, la suppression violente des expressions de mécontentement et d’opposition, les restrictions de mouvements, et la création de réserves « tribales ». Elle justifie, en 1884-85, le morcellement du continent et de ses peuples en territoires par les puissances européennes concurrentes lors de la Conférence de Berlin.
La foi dans la supériorité de la culture de l’espace sacré, combinée au zèle missionnaire du christianisme, a jeté les bases des empires et de la propagation de la chrétienté. « Après la traite des esclaves, les conquêtes armées et les guerres coloniales, écrivait Cabral, il y eut la destruction complète de la structure économique et sociale de la société africaine. La phase suivante a été l’occupation européenne et une immigration européenne croissante dans ces territoires. Les terres et possessions des Africains ont été pillées ». Les puissances coloniales ont établi leur domination en ordonnant des impôts, en prescrivant des récoltes obligatoires, en introduisant le travail forcé, en excluant les Africains de certains emplois, en les éloignant des régions les plus fertiles et en établissant des autorités autochtones composées de collaborateurs.
La déshumanisation systématique
de certaines parties de l’humanité – le racisme –
a été intimement liée à la naissance,
à la croissance et à l’expansion continue
du capital et reste la marque de son développement.
Cabral a souligné que quels que soient les aspects matériels de la domination, « elle ne peut être maintenue que par la répression permanente et organisée de la vie culturelle des personnes concernées ». Bien sûr, la domination ne pouvait être totalement garantie que par l’élimination d’une partie importante de la population comme, par exemple, dans le génocide des peuples Herero en Afrique australe ou dans de nombreuses nations autochtones d’Amérique du Nord, mais en pratique, ce n’était pas toujours réalisable ni même souhaitable du point de vue de l’empire. Comme le dit Cabral :
L’idéal pour la domination étrangère, impérialiste ou non, serait de choisir soit de liquider pratiquement toute la population du pays dominé, éliminant ainsi les possibilités de résistance culturelle, soit de réussir à s’imposer sans dommage pour la culture du peuple dominé – c’est-à-dire adapter la domination économique et politique de ces peuples à leur personnalité culturelle.
En niant le développement historique du peuple dominé, l’impérialisme nie nécessairement son développement culturel, c’est pourquoi il faut une oppression culturelle et une tentative de « liquidation directe ou indirecte des éléments essentiels de la culture du peuple dominé ».
« De la population africaine d’Angola, de Guinée et du Mozambique, 99,7 % sont classés comme non civilisés par les lois coloniales portugaises… », écrit Cabral dans une étude des colonies portugaises. L’Africain dit « non civilisé » est traité comme un bien mobilier et se trouve à la merci de la volonté et du caprice de l’administration coloniale et des colons. Cette situation est absolument nécessaire à l’existence du système colonial portugais. Il fournit une offre inépuisable de travail forcé pour l’exportation. En le qualifiant de « non civilisé », la loi entérine la discrimination raciale et institue l’une des justifications de la domination portugaise en Afrique.
La culture et la réappropriation de l’humanité
Le recours à la violence pour dominer un peuple est, affirmait Cabral, « avant tout, prendre les armes pour détruire ou du moins, neutraliser et paralyser sa vie culturelle. Tant qu’une partie de ces personnes ont une vie culturelle, la domination étrangère ne peut être assurée de sa perpétuation ».
La raison en est claire. La culture n’est pas un simple artéfact ou une expression esthétique, de coutume ou de tradition. C’est un moyen par lequel les gens affirment leur opposition à la domination, un moyen de proclamer et d’inventer leur humanité, un moyen d’affirmer le pouvoir d’agir et la capacité de faire l’Histoire. En un mot, la culture est l’un des outils fondamentaux de la lutte pour l’émancipation.
La révolution des esclaves en Haïti en 1804, qui a établi la république noire indépendante, a constitué l’une des premières brèches importantes contre le despotisme racial et l’esclavage. Toussaint Louverture, le premier dirigeant de la rébellion, s’est appuyé sur un engagement explicite à l’humanisme universel pour dénoncer l’esclavage. Dans le résumé succinct de Richard Pithouse : « Le colonialisme définit la race comme une destinée biologique permanente. Les révolutionnaires en Haïti la définissent politiquement. Les mercenaires polonais et allemands qui s’étaient ralliés aux armées d’esclaves reçurent leur citoyenneté, en tant que sujets noirs, dans une Haïti libre et indépendante ».
En Guinée-Bissau, Cabral a été mandaté par les autorités coloniales pour entreprendre un vaste recensement des productions agricoles, ce qui lui a permis d’acquérir une compréhension approfondie du peuple, de sa culture et des formes de résistance à la domination coloniale. Il a reconnu que la construction d’un mouvement de libération demandait une « reconversion des esprits – une représentation mentale » qu’il croyait indispensable pour « l’intégration véritable des personnes dans les mouvements de libération ». Pour y parvenir, il fallait « un contact quotidien avec les masses populaires dans la communion de sacrifice exigée par la lutte ». Des cadres du PAIGC ont été déployés à travers le pays pour travailler avec les paysans, apprendre d’eux comment ils ont appréhendé et se sont opposés à la domination coloniale, pour discuter avec eux des pratiques culturelles qui faisaient partie de leur résistance. « N’ayez pas peur du peuple et persuadez les gens de prendre part à toutes les décisions qui les concernent », a-t-il dit aux membres de son parti. Le leader doit être l’interprète fidèle de la volonté et des aspirations de la majorité révolutionnaire et non un maître tout puissant ». Et « Diriger collectivement, en groupe, c’est étudier ensemble les questions, trouver la meilleure solution et prendre les décisions conjointement ».
Pour Cabral, la culture a des fondations concrètes, « le produit de cette Histoire, comme une fleur, est le produit d’une plante. Comme l’Histoire, ou parce qu’elle est l’Histoire, la culture a comme fondations le niveau des forces productives et les modes de production. La culture plonge ses racines dans la réalité physique de l’humus environnemental dans lequel elle se développe et reflète la nature organique de la société ».
La culture, insiste Cabral, est intimement liée à la lutte pour la liberté. Alors que la culture comprend de nombreux aspects, elle «… pousse plus profondément à travers la lutte du peuple, et non pas à travers des chansons, des poèmes ou du folklore. […] On ne peut s’attendre à ce que la culture africaine progresse si l’on ne contribue pas, de façon réaliste, à la création des conditions nécessaires à cette culture, à savoir la libération du continent ». En d’autres termes, la culture n’est pas statique et immuable, mais elle ne progresse que par l’engagement à l’égard de la lutte pour la liberté.
La libération nationale, dit Cabral, « est le phénomène dans lequel un ensemble socio-économique rejette la dénégation de son processus historique. En d’autres termes, la libération nationale d’un peuple est la reconquête de sa personnalité historique, c’est son retour à l’Histoire par la destruction de la domination impérialiste à laquelle il était soumis ».
La culture n’est pas un simple artéfact
ou une expression esthétique, de coutume ou de tradition.
C’est un moyen par lequel les gens affirment
leur opposition à la domination… En un mot, la culture
est l’un des outils fondamentaux de la lutte pour l’émancipation.
Ou, comme le disait Fanon : « Lutter pour la culture nationale, c’est d’abord lutter pour la libération de la nation, matrice tangible à partir de laquelle la culture peut grandir. On ne peut pas séparer le combat pour la culture de la lutte populaire pour la libération ». En outre : « La culture nationale algérienne prend forme pendant la lutte, en prison, face à la guillotine et dans la capture et la destruction des positions militaires françaises ». Et « la culture nationale n’est pas un folklore… c’est le processus de réflexion collective d’un peuple pour décrire, justifier et exalter les actions, qui lui ont permis d’unir ses forces et de rester fort ».
Si à l’origine, être qualifié d’ « Africain » signifiait être moins qu’humain, la revendication retentissante de tout mouvement opposé à l’esclavage, de toute révolte d’esclaves, de toute résistance à la colonisation, de tout défi aux institutions de la suprématie blanche, de toute résistance au racisme, à l’oppression ou au patriarcat, constituait une affirmation de l’identité humaine. Là où les Européens considéraient les Africains comme sous-humains, la réponse était de revendiquer l’identité d’« Africain » comme une définition positive et libératrice d’un peuple qui fait partie de l’humanité, « qui appartient à l’ensemble monde », comme le disait Cabral. Comme dans les luttes des opprimés tout au long de l’Histoire, il se produit une transition dans laquelle les opprimés s’approprient les termes utilisés par les oppresseurs pour nommer « l’autre » et les transforment en termes de dignité et d’affirmation d’humanité.
C’est ainsi que le concept d’être « Africain » est devenu intimement associé au concept de liberté et d’émancipation. Les peuples « ont maintenu leur culture vivante et vigoureuse malgré la répression implacable et organisée de leur vie culturelle », écrit Cabral. La résistance culturelle était la base de l’affirmation de l’humanité des gens et de la lutte pour la liberté.
Avec le mécontentement croissant face à la domination des régimes coloniaux, en particulier après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux partis politiques furent formés, dont beaucoup cherchaient à négocier des concessions des puissances coloniales. Le colonialisme avait hésité à accorder toute forme de pluralisme aux organisations noires, mais à mesure que les protestations populaires augmentaient, il y avait une ouverture, à contrecœur, de l’espace politique, impliquant souvent des faveurs pour ceux qui menaçaient le moins la domination coloniale.
Mais de telles associations avec la liberté allaient, tragiquement, ne pas persister au-delà de l’indépendance.
Là où les Européens considéraient les Africains
comme sous-humains, la réponse fut de revendiquer
l’identité d’« Africain » comme une définition positive et libératrice
d’un peuple qui fait partie de l’humanité…
C’est ainsi que le concept d’être « Africain » est devenu
intimement associé au concept de liberté et d’émancipation.
La dépolitisation de la culture
Que se passe-t-il lorsque la culture se désarticule des luttes pour la liberté et l’émancipation ?
Voici ce qu’en dit Cabral dans un discours aux cadres du PAIGC :
Nous parlons beaucoup d’Afrique, mais dans notre Parti, nous devons nous rappeler qu’avant d’être Africains nous sommes des hommes, des êtres humains, qui appartiennent au monde entier. Donc nous ne pouvons permettre aucune restriction ni mise en échec des intérêts de notre peuple à cause de notre condition d’Africains. Nous devons mettre les intérêts de notre peuple plus haut, dans le contexte des intérêts de l’humanité en général, puis nous pouvons les mettre dans le contexte des intérêts de l’Afrique en général.
Ce qui est important ici, c’est l’affirmation que les Africains ne sont pas seulement des êtres humains, mais que leur histoire, leur lutte et leurs expériences sont une partie de la lutte pour une humanité universelle qui appartient au monde entier. « Nous devons avoir le courage de dire cela clairement, écrivait Cabral. Personne ne devrait penser que la culture d’Afrique, ce qui est vraiment africain et donc qui doit être préservée pour toujours pour que nous soyons africains, est notre faiblesse devant la nature. »
Ceci est en forte opposition avec l’idéologie de « la négritude » qui a émergé dans les années 1930 et 1940 à Paris et qui est associée aux écrits de Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Sa philosophie était basée sur l’essentialisation de l’Afrique et des Africains, affirmant que les Africains ont une qualité de base qui est inhérente, éternelle et inaltérable, et qui est distincte du reste de l’humanité. Toutefois, comme Michael Neocosmos le fait remarquer, si l’Afrique « historiquement a été la création de l’espace sacré du libéralisme, qui revendiquait le monopole de l’Histoire, de la culture et de la civilisation, les Africains ont eu naturellement tendance à souligner et à idéaliser leur propre identité distincte, leur histoire, leur culture et leur civilisation ». Ou, comme le disait Fanon : « C’est l’homme blanc qui crée le nègre. Mais c’est le nègre qui crée la négritude. » Et que «… c’est tout à fait vrai que la responsabilité majeure de cette racialisation de la pensée, ou de moins la façon dont elle est appliquée, en incombe aux Européens, qui n’ont jamais cessé de placer leur culture blanche en opposition aux autres non-cultures ».
Tandis que les idées de négritude ont eu des effets positifs sur la manière dont les colonisés se sont vus, et ont contribué à inspirer l’épanouissement de la poésie, de l’art et de la littérature, et de la recherche sur les civilisations précoloniales en Afrique – comme le travail exceptionnel de Cheikh Anta Diop – elles ont aussi contribué à dépolitiser le sens d’Africain et de la culture autrefois puissamment associé à la liberté. Cela a permis d’éluder l’idée d’universalité humaine, empêchant ainsi le « retour à l’Histoire » des peuples africains « par la destruction de la domination impérialiste à laquelle ils étaient soumis », comme le disait Cabral.
Mais la négritude n’était qu’un des facteurs qui ont conduit à la dépolitisation de la culture et de l’identité.
La seconde moitié du XXe siècle a vu la mise en place de gouvernements d’indépendance presque partout en Afrique (à l’exception du Sahara occidental, actuellement occupé par le Maroc, et Diego Garcia occupé par les États-Unis). Les mouvements qui avaient un programme radical pour faire progresser les intérêts du peuple ont été systématiquement éliminés par des coups d’État et des assassinats (par exemple, Lumumba au Congo, Nkrumah au Ghana, Sankara au Burkina Faso). Comme indiqué précédemment, Cabral a également été assassiné le 20 janvier 1973 par un groupe de ses propres camarades, apparemment avec le soutien de la police secrète portugaise (PIDE).
La montée en puissance des régimes néocoloniaux, dont beaucoup proviennent de la défaite ou de l’érosion des mouvements de masse, a progressivement abouti à la disparition des luttes pour les libertés émancipatrices en Afrique. Ce qui s’est passé après l’indépendance ne peut pas être entièrement imputé à l’impérialisme. Comme Cabral l’a souligné : « Certes, l’impérialisme est cruel et sans scrupules, mais nous ne devons pas rejeter toute la responsabilité sur son large dos. Car, comme disent les peuple africains : « Le riz ne cuit que dans le pot ». Et voici la réalité révélée par notre lutte : malgré leurs forces armées, les impérialistes ne peuvent se passer de traîtres; les chefs traditionnels et les bandits à l’époque de l’esclavage et des guerres de conquête coloniale, les gendarmes, les divers agents et les soldats mercenaires pendant l’âge d’or du colonialisme, soi-disant chefs d’État et ministres à l’époque actuelle du néocolonialisme. Les ennemis des peuples africains sont puissants et rusés, et peuvent toujours compter sur quelques laquais … puisque les quislings(3) ne sont pas un privilège européen. »
Des gouvernements nationalistes ont joué un rôle important dans la disparition des luttes émancipatrices. La classe moyenne émergente s’est donné pour tâche d’empêcher les « forces centrifuges » d’être en compétition pour le pouvoir politique ou d’obtenir une plus grande autonomie de la « nation » nouvellement formée. Ayant arraché son autodétermination politique à l’autorité coloniale, elle était réticente à accorder les mêmes droits aux autres. Les nouveaux contrôleurs de l’appareil d’État voyaient leur rôle comme le « seul promoteur » et le « seul élément unificateur » de la société. L’État a adopté un rôle interventionniste dans la « modernisation » et un rôle de centralisation et de contrôle dans le domaine politique. L’idée de « développement », comme le voulait Harry Truman, faisait implicitement allusion à une certaine idée de progrès – et servait de contrepoids à l’attraction du socialisme que les États-Unis voyaient comme une menace pour leur hégémonie croissante.
Les associations populaires qui avaient hissé le leadership nationaliste au pouvoir ont commencé à être considérées comme un obstacle au « développement ». La participation populaire n’était plus nécessaire pour déterminer l’avenir, disait-on. Le nouveau gouvernement apporterait le développement au peuple, représentant la nation et chaque individu qui la compose. L’indépendance politique étant réalisée, la priorité était le « développement » parce que, implicitement, les nouveaux dirigeants reconnaissaient que leurs peuples étaient « sous-développés ». Des améliorations sociales et économiques se produiraient, disaient les dirigeants nationalistes, mais progressivement et à la suite d’efforts nationaux collectifs impliquant tout le monde. Au début de la période qui a suivi l’indépendance, les droits civils et politiques ont vite été considérés comme un « luxe », dont on pourrait jouir à un moment futur indéterminé, lorsque le « développement » aurait été atteint. Pour l’instant, ont déclaré de nombreux présidents africains, « notre peuple n’est pas prêt » – faisant ironiquement écho aux arguments avancés par les anciens dirigeants coloniaux contre les appels des nationalistes pour l’indépendance quelques années plus tôt.
Camouflé dans la rhétorique de l’indépendance, le récit dominant traite les problèmes affligeant la majorité – privation et appauvrissement, et la déshumanisation qui y est associée – non comme des conséquences de la domination coloniale et d’un système impérialiste qui continue à extorquer des superprofits, mais plutôt comme les conditions prétendues « naturelles » de l’Afrique. La solution à la pauvreté était perçue comme technique, soutenue par « l’aide » de ces mêmes puissances coloniales qui s’étaient enrichies aux dépens des peuples africains.
Presque sans exception, les mouvements nationalistes ont mis l’accent sur l’occupation de l’État colonial plutôt que de construire des structures démocratiques permettant la participation populaire, comme Cabral l’avait fait dans les zones libérées de la Guinée. En conséquence, les bras répressifs de l’État sont restés intacts. La police, les forces armées, la magistrature et la fonction publique avaient été conçues pour protéger les intérêts du capital et des puissances coloniales. Fondamentalement, l’État colonial était fondé sur l’idée que sa fonction consistait à perpétuer la déshumanisation du colonisé. Dans presque tous les cas, les combattants de la liberté des mouvements de libération furent, si pas totalement marginalisés après l’indépendance, incorporés, intégrés et placés sous le commandement des structures militaires coloniales existantes. Le seul changement réel fut de déracialiser l’État tout en habillant les forces armées des couleurs du drapeau national.
Cabral était catégoriquement opposé à cette tendance. Il ne croyait pas que les mouvements d’indépendance devaient prendre le contrôle de l’appareil colonial et l’utiliser à leurs propres fins. La question n’était pas la couleur de la peau de l’administrateur, a-t-il soutenu, mais l’existence même de l’administrateur.
Presque sans exception,
les mouvements nationalistes ont mis l’accent
sur l’occupation de l’État colonial
plutôt que de construire des structures démocratiques
permettant la participation populaire
« Nous n’acceptons aucune institution des colonialistes portugais. Nous ne sommes pas intéressés par la préservation d’aucune des structures de l’État colonial… »
La destruction de l’État colonial n’était pas un but en soi, mais un moyen d’établir des structures que le peuple contrôlerait et qui serviraient ses intérêts. « Notre objectif est de rompre avec l’État colonial dans notre pays pour créer un nouvel État – différent, sur la base de la justice, du travail et de l’égalité des chances pour tous les enfants de notre terre […] Nous devons détruire tout ce qui s’y opposerait dans notre pays, camarades. Étape par étape, une par une si nécessaire – mais nous devons détruire afin de construire une nouvelle vie. »
La culture n’est plus considérée comme un moyen de libération. Au lieu de cela, désarticulée de ces notions, vide de sens, elle ne représentait plus que la caricature d’un passé imaginaire composé de coutumes et de traditions, conforme à la notion de sauvage qui régnait encore dans le libéralisme et qui a alimenté l’imagination des touristes.
Comme le disait Fanon : « La culture n’a jamais le caractère translucide de la coutume. La culture échappe éminemment à toute simplification. Dans son essence, c’est le contraire de la coutume, qui est toujours une détérioration de la culture. Chercher à s’en tenir à la tradition ou raviver des traditions négligées va non seulement à l’encontre de l’Histoire mais contre son peuple. »
Dans le même temps, la bourgeoisie nationale émergente aspirait de plus en plus à être assimilée et à devenir membre à part entière de la culture de l’espace sacré, encouragée en cela par des institutions culturelles telles que le Centre culturel français et le British Council.
Une fois que le concept d’être Africain est déconnecté des notions de libération et d’émancipation, il ne reste plus qu’une identité taxonomique dépolitisée qui fait des gens simplement des objets plutôt que des déterminants de l’Histoire. En effet, la notion même d’Africain a commencé à se désintégrer sauf si elle représentait la somme des États nationaux, comme dans l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) (et par la suite l’Union africaine). Il était facile alors pour l’empire de creuser un fossé entre les histoires émancipatrices des peuples dits « arabes » et ceux appelés « africains noirs » dans les géographies mythiques de « l’Afrique subsaharienne ».
Même l’idée de la nation, déconnectée des idées de libération, a progressivement cédé la place à la politique de l’identité, de la tribu et de l’ethnie. Les conséquences de cette dégénérescence sont apparues lors du génocide au Rwanda, les conflits ethniques au Nigéria, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Kenya et au Burundi (pour n’en citer que quelques-uns), la privation des droits des citoyens en raison de leur appartenance ethnique supposée, comme en RDC et en Côte d’Ivoire, l’antipathie croissante envers les réfugiés et leur internement, en particulier au Kenya, et la xénophobie qui a pris racine en Afrique du Sud.
La réémergence du libéralisme dans les années 1980 sous forme de « néolibéralisme » (Patnaik, 2011) a exacerbé la dépolitisation de la culture. Le culte de l’individu, fondamental au néolibéralisme, s’est développé, surtout parmi les classes moyennes pour qui l’accumulation personnelle et le privilège sont considérés comme une valeur suprême. Elle s’accompagne de tentatives de dissolution de la collectivité – notamment des formes organisées telles que les syndicats, les organisations paysannes et les mouvements de jeunesse. La baisse de la valeur des salaires et la nécessité d’avoir plus d’un emploi pour survivre ont souvent limité le temps consacré à la collectivité et à l’organisation.
La domination croissante de la culture occidentale est complétée par l’hégémonie des grands médias dominants, l’omniprésence de CNN, de Fox News et la colonisation généralisée par Coca-Cola de la vie quotidienne, avec la marchandisation de tout ce qui peut faire rapidement gagner de l’argent. De même que les premières années du libéralisme se caractérisaient par la pléthore d’organisations caritatives, l’Afrique déborde aujourd’hui d’ONG de développement qui contribuent à la dépolitisation de la pauvreté en détournant l’attention des processus qui créent un immense appauvrissement et la misère. Les citoyens ont été transformés en consommateurs, et ceux qui n’ont pas les moyens de consommer ont été jetés dans les poubelles de l’Histoire comme le sont tous ceux rarement ou jamais mis au travail. Et le néolibéralisme a tenté de réécrire l’histoire des damnés (« Les Damnés de la Terre » de Fanon), cherchant à effacer leurs souvenirs du passé à travers les multiples programmes des écoles et des universités.
La culture n’est plus considérée
un moyen de libération. Au lieu de cela,
vide de sens elle ne représentait plus
que la caricature d’un passé imaginaire
composé de coutumes et de traditions,
conforme à la notion de sauvage qui régnait
encore dans le libéralisme.
La réémergence de la résistance
Les mots de Cabral trouvent un nouvel écho aujourd’hui : « La valeur de la culture comme élément de résistance aux dominations réside dans le fait que la culture est la manifestation vigoureuse, sur le plan idéologique ou idéaliste, de la réalité physique et historique de la société dominée ou à dominer. » Malgré la puissance du néolibéralisme et les milliards de dollars à la disposition des sociétés, des banques, des institutions financières, des gouvernements et des élites locales, les peuples n’ont pas perdu le désir d’agir, de faire l’Histoire, de s’engager dans des luttes où ils démontrent et inventent leur humanité pour construire la base d’un véritable universalisme.
Les mobilisations de masse en Égypte, en Tunisie et au Burkina Faso qui ont conduit au renversement des despotes locaux ne sont que quelques exemples de ces luttes. J’ai écrit ailleurs (Manji, 2012)(4) sur d’autres soulèvements et protestations qui ont balayé le continent à la suite de l’austérité. Ces soulèvements et protestations reflètent la réapparition de la résistance dans laquelle la culture se manifeste de nouveau avec une dimension émancipatrice. Voyez comment des millions de personnes ont occupé la Place Tahrir au Caire : chansons, musique et danse ont été quelques-unes des caractéristiques qui ont émergé. La sécurité des gens, la défense, l’approvisionnement en nourriture, les soins de santé, la garde d’enfants et des abris, tout cela a été réinventé par les personnes présentes. Les décisions ont été prises collectivement. Des gens qui, un mois auparavant, étaient considérés apathiques et apparemment non politisés se sont transformés en des êtres politiques prêts à mettre leur vie en jeu, à participer à des réunions de masse et à libérer leur créativité. C’est bien la preuve que l’engagement dans les luttes libère non seulement la capacité des personnes à revendiquer leur humanité, mais aussi à se réinventer, ce sur quoi Fanon a insisté.
De nombreux mouvements actuels sont nourris par l’énergie et la créativité des jeunes. Le néolibéralisme s’est efforcé de supprimer les expériences et la connaissance de l’Histoire. Fanon écrit :
Le colonialisme ne se contente pas de piéger le peuple dans son filet ou de drainer le cerveau colonisé de toute forme ou substance. Avec une sorte de logique pervertie, il se concentre sur le passé du peuple colonisé et le déforme, le défigure et le détruit. L’effort de rabaisser l’histoire avant la colonisation prend aujourd’hui une signification dialectique.
Dans de telles circonstances, Fanon souligne : « Chaque génération doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir, sans repères bien définis. Dans les pays sous-développés, les générations précédentes ont résisté simultanément au programme insidieux du colonialisme et ont ouvert la voie à l’émergence des luttes actuelles. »
La conception libérale occidentale de l’humanité a été dès le départ, soutient Neocosmos, et cette déficience est de plus en plus évidente aujourd’hui.
Sa dépendance totale à l’exploitation, à l’oppression coloniale et au racisme est plus évidente aujourd’hui qu’au cours des époques historiques précédentes, car elle exerce sa domination sur tout le globe d’une manière manifestement inhumaine. Ainsi, la contradiction entre une conception libérale qui restreint la liberté, l’égalité et la justice à une minorité tout en la niant systématiquement à la majorité de la population mondiale devient de plus en plus évidente. Dans ce contexte, la recherche d’un véritable universel, sans exclure les « barbares » supposés, devient de plus en plus urgente.
Je termine avec les mots de Cabral :
À l’exception des cas de génocide ou de la réduction violente des populations indigènes à l’insignifiance culturelle et sociale, l’époque de la colonisation n’était pas suffisante, du moins en Afrique, pour provoquer une destruction ou une dégradation significative des éléments essentiels de la culture et des traditions des peuples colonisés […] le problème d’une […] renaissance culturelle n’est pas posé et ne pourrait pas être posé par les masses populaires : effectivement elles sont porteuses de leur propre culture, elles sont sa source et, en même temps, elles sont la seule entité vraiment capable de préserver et de créer la culture – en un mot, de faire l’histoire (souligné dans le texte original).
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Firoze Manji est un activiste et un intellectuel engagé du Kenya. Il est éditeur chez Daraja Press et a fondé Pambazuka News, Pambazuka Press et Fahamu – Networks for Social Justice. Il est chercheur invité au Kellogg College d’Oxford et chercheur invité à l’Unité des sciences humaines de l’Université de Rhodes. Il a co-édité African Awakenings: The Emerging Revolutions avec Sokari Ekine et Claim No Easy Victories : The Legacy of Amilcar Cabral avec Bill Fletcher fils. Il a aussi édité des livres sur la Chine en Afrique, sur les droits des femmes, ainsi que sur le commerce et le développement.
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Notes
(1) Originaire de la Martinique, Fanon acquit la nationalité algérienne et s’engagea profondément dans la lutte du FLN contre l’impérialisme en Afrique. Toutes les citations de Fanon sont tirées des ouvrages cités dans la bibliographie.
(2) Cet article reprend des extraits des ouvrages cités dans la bibliographie. Pour raisons d’espace, je ne mentionne pas les pages spécifiques de référence.
(3) Vidkun Quisling, homme politique norvégien, 1887-1945, connu pour sa collaboration avec l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Son nom est passé dans le langage courant en Norvège et dans le monde anglo-saxon comme synonyme de « traître ».
(4) Spécifiquement, African Awakening: The courage to invent the future.
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