Julien Gauthier Mongeon
Cet article entend expliciter les notions de folie et de raison chez Michel Foucault et tirer au clair l’influence respective de ces deux concepts sur la pensée théorique de l’auteur. Tandis que des écrits tardifs de Foucault abordent la folie sous un éclairage philosophique, la thèse doctorale de l’auteur, Histoire de la folie à l’âge classique, présente la folie sous une teinte plus historique. Mais si l’on se penche de manière attentive sur ce premier ouvrage connu ou si l’on survole à grands traits l’ensemble des œuvres du penseur, force est de constater que la folie n’est pas qu’un objet d’étude historique. Elle soulève aussi des questions plus générales ayant trait au statut du sujet perçu comme fou et à l’expérience de la folie comme épreuve d’arrachement à la norme. La folie désigne alors cette expérience-limite qui transgresse le discours de la norme par ce geste qui consiste à s’en déprendre, présentant la folie comme expérience sociale et pouvoir de résistance. Cela met en évidence la posture sociale d’un Foucault très proche des thèmes dont il entreprend l’étude.
Ainsi, c’est à partir des années 1970 que Foucault s’intéressera à la folie en tant qu’expérience transgressive « sous la forme d’un discours sur la production de subjectivité comme désasujettissement, c’est-à-dire aussi sous la forme d’un rapport éthique à soi » (Revel 2002 : 37). Autrement dit le travail de résistance du sujet, face au contexte qui le détermine, passera par l’expérience de la folie comme façon de renverser la norme. Cela trouve des échos dans l’histoire de la folie décrite au passé, mais aussi au niveau plus général de la démarche entreprise par Foucault, de sorte que l’auteur fait acte de résistance par la démarche critique d’écrire.
Le style d’écriture de l’auteur et le rapport qu’il entretient à l’endroit de certaines figures littéraires présentent cette expérience transgressive vécue de l’intérieur comme une épreuve d’arrachement à soi. « L’idée d’une expérience limite, qui arrache le sujet à lui-même, voilà ce qui a été important pour moi dans la lecture de Nietzsche, de Bataille, de Blanchot, et qui a fait que (…) je les ai toujours conçus comme des expériences directes visant à m’arracher à moi-même, à m’empêcher d’être le même » (Foucault d, 1994 : 43).
Tout en étudiant la folie à plusieurs périodes de l’histoire, Foucault entretient un rapport particulier à l’endroit de ce thème dans le cadre de son œuvre, ce qui caractérise plus largement la démarche d’un philosophe attaché à une certaine idée de la liberté. La raison croise la folie au cœur d’une démarche singulière ancrée dans une expérience vécue de manière tragique, non seulement par les figures qu’étudie Foucault l’historien, mais par cet aveu sincère du sujet que fut le français : « Après avoir étudié la philosophie, je voulais voir ce qu’était la folie : j’avais été assez fou pour étudier la raison, j’ai été assez raisonnable pour étudier la folie » (Foucault d, 1994 : 779). Nous allons dans premier temps examiner la distinction entre la raison et la folie d’un point de vue historique pour ensuite, dans un deuxième temps, nous intéresser au moment où la folie et la raison deviennent pour Foucault source d’influence à l’oeuvre dans sa pensée. C’est parce que ces deux thèmes ne sont pas de pures abstractions théoriques qu’il faut revenir sur l’histoire de la folie dans son rapport à la raison classique. Foucault montre l’influence qu’eurent ces deux thèmes sur sa pensée en faisant retour sur leur histoire, ce qui permet de lier l’auteur à une certaine tradition qui le précède. C’est le moment où l’étude archéologique du passé permet d’inscrit la démarche archéologique de l’auteur dans un contexte particulier.
La raison et la folie dans l’histoire
La folie comme envers de la raison
L’histoire de la folie retrace non l’histoire de la déraison, mais celle des limites d’une raison ayant imposé à la folie sa vérité. C’est ce moment où la raison, faisant de la folie un enjeu de vérité, la rend captive du regard qu’elle lui porte (Foucault a, 1994 : 490). L’auteur désigne la raison comme l’un des deux éléments du partage entre la raison et la déraison survenu à un moment précis de notre histoire. En cela, note Judith Revel : « (c)e n’est (…) pas la raison qui est originaire, mais bien la césure qui lui permet d’exister et c’est de ce partage entre la raison et la non-raison que Foucault cherche à faire l’histoire à un moment très précis de notre culture » (Revel 2002 : 51).
Cette forme particulière de la raison veut révéler ce qui se cache derrière la physionomie honteuse d’une folie qui perd cette dimension lyrique que lui prêtait, naguère, la société médiévale (Foucault, 1972 : 44). Cette dernière, peuplée de références obscures ou de personnages étranges, donnait au fou une allure mystérieuse, voire intrigante. Jusqu’à la Renaissance, Foucault affirmera que la folie est liée à un univers de références obscures renvoyant à un monde imaginaire : « le débat de l’homme avec la démence était un débat dramatique qui l’affrontait aux puissances sourdes du monde; et l’expérience de la folie s’obnubilait alors dans des images où il était question de la Chute et de l’Accomplissement, de la Bête, de la Métamorphose, et de tous les secrets merveilleux du Savoir » (Foucault a, 1994 : 165). La folie était, en ce sens, quelque chose d’énigmatique et rejoignait la figure errante d’un personnage que la raison ne tenait pas encore sous son emprise.
Les choses changent à partir de l’ère classique ; le fou devient objet d’un silence qu’il s’agit désormais de maîtriser, de contrôler et d’élever à la connaissance de la raison savante, réputée détenir la clé de compréhension du phénomène de la folie. Cette dernière n’est plus l’ombre d’une parole inaccessible agissant dans les profondeurs d’un monde rempli de mystères indéchiffrables ; elle devient prisonnière du langage que la raison lui impose par la force de son discours. S’observe ainsi l’identité d’une raison elle aussi historiquement déterminée par ce geste qui fait que « toute folie a sa raison qui la juge et la maîtrise, toute raison sa folie en laquelle elle trouve sa vérité dérisoire » (Foucault, 1972 : 41). La folie constitue avant cela une expérience étrange que la raison cherchera par la suite à exposer à la lumière du jour en lui soustrayant sa part d’ombre. La folie perd ainsi ce qu’elle prendra des siècles à recouvrir dans l’expérience d’une figure marginale qui sera celle de l’écrivain frayant avec cet univers – c’est-à-dire des auteurs comme Hölderlin et Nietzsche, ainsi que Foucault à travers eux. Mais ne sautons pas trop vite le pas ; si c’est bien de la folie comme formation historique dont parle Foucault dans un premier temps, il nous faut préciser comment cette folie s’oppose à une raison ayant elle aussi son histoire.
Le changement du regard de la raison à l’endroit de la folie nous informe sur les limites d’une rationalité ayant instituée l’écart entre le rationnel et l’irrationnel, le normal et l’anormal. C’est le fameux partage raison/déraison associé à l’âge classique qui procède d’un nouveau type de rationalité, d’une nouvelle manière de définir ce qu’est rationnellement être fou. Foucault entendra alors : « cette structure qui rend compte du passage de l’expérience médiévale et humaniste de la folie à cette expérience qui est la nôtre, et qui confine la folie dans la maladie mentale » (Foucault, 1961 : 41). On comprend donc que Foucault n’intente pas le procès de la raison en tant que principe universel, mais cherche bien à comprendre comment s’est constituée une certaine raison ayant rendu possible l’expérience classique de la folie.
Si cette rationalité n’est pas la raison comme abstraction théorique, mais un processus historique apparu à un certain moment de notre histoire, force est de revenir vers cette décision inaugurale ayant ouvert sur une expérience singulière qui n’existait pas la veille. Cette rationalité historique introduit à l’intérieur de son propre champ un espace de compréhension qui pose la folie à distance d’elle, l’associant à une réalité devant être encadrée par une parole dictant la vérité à propos des fous et des malades. Ces derniers sont désormais prisonniers d’un discours « que la raison exerce sur la non-raison pour lui arracher sa vérité de folie » (Foucault a, 1994 : 159). Face à la menace qu’elle représente pour l’intégrité de la société, la folie est tenue à l’écart par une raison qui cherche à en atténuer les élans impétueux et à en étouffer les cris assourdissants. C’est ce qui caractérisera en propre la folie comme déraison, terme prêté à la folie dans son expérience classique : « La folie comme déraison c’est la définition paradoxale d’un espace ménagé par la raison au sein de son propre champ pour ce qu’elle reconnaît comme autre » (Revel 2002 : 34-35).
Il faut donc rendre raison d’une réalité qui échappait, autrefois, à la connaissance ordinaire, en lui prêtant une importance dont témoigne le regard nouveau que lui porte la société classique. La folie est devenue, au fil du temps, un souci pour la science et pour la raison de manière plus générale, de sorte qu’il faut comprendre comment est advenu ce changement sur fond de continuité. C’est là tout l’intérêt d’une démarche de type archéologique s’intéressant aux discours ayant rendu possible la reconnaissance d’une figure naguère tolérée, mais devenue résolument exclue par suite d’un choix historique. Ce choix, il est possible de le repérer par l’étude archéologique des événements ayant façonné par différentes techniques de redressements et stratégies de pouvoir l’identité du fou. Mais qu’entend-on par une étude archéologique du phénomène de la folie? Une telle étude consistera à « obtenir les conditions d’émergence des discours de savoir en général à une époque donnée » (Revel 2002 : 7-8), c’est-à-dire à dégager plus globalement les mécanismes de pouvoir qui rendent possibles le savoir à propos du fou. Pouvoir et savoir sont imbriqués dans cette recherche partant en quête des conditions de possibilités d’une identité nouvelle. Cette dernière s’observe à travers la figure médicale du fou qu’éclaire à son tour l’essor d’une nouvelle identité de la raison. Il s’agit donc de déterminer comment la folie en tant qu’objet de connaissance a été possible par le discours l’ayant institué et quelles sont les conséquences historiques d’un tel choix.
À la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que la raison et la folie découlent d’un geste historique qui s’inscrit dans l’expérience classique de la folie. Or, quel est le sens donné à cette expérience? Trois axes de sens distincts peuvent être saisis à la lumière de ce qui fut dit jusqu’ici. Chacun caractérise trois versants de la folie comme déraison, c’est-à-dire comme expérience classique.
- Il y a une expérience première de la folie qui excède la séparation nette des époques et qui se trouve à la racine du partage entre raison et folie. Cette expérience est première dans le sens qu’elle trouve en l’imagination sa surface d’accueil ou sa terre d’asile (Gros, 1997 : 52). Elle n’est pas réductible à une époque, mais elle ouvre sur un champ illimité qui précède la séparation stricte entre la raison et la déraison, laquelle survient quant à elle à compter d’une certaine époque. À ce niveau de sens précis, la folie revêt une dimension tragique qui empêche d’en saisir le nœud historique, car elle déborde le champ de l’expérience sensible pour rejoindre le thème d’une parole inaudible. Elle est ce silence irréductible qu’aucune parole ne peut maîtriser en sa dimension tragique, mais que seule la raison classique commence progressivement à rendre captif par son discours. C’est donc dire que la folie présente une part énigmatique que l’on ne peut complètement saisir et que Foucault théorisera dans les années 70 sous le thème de la résistance (Revel, 2002 : 53). C’est précisément cela qui caractérise l’influence d’une folie à l’œuvre dans la pensée de l’auteur par le rapport qu’il entretient à l’endroit d’une expérience-limite. Cela participe d’un rapport de résistance au pouvoir qui s’observe à toute époque et à travers l’expérience d’écriture de Michel Foucault. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin dans notre exposé.
- Une seconde distinction se traduit par la séparation nette entre la raison et la déraison suite à la Renaissance et désigne plus précisément l’expérience classique de la folie. L’époque classique confère à la folie un sens historique et non plus une dimension métaphysique que l’on retrouvait naguère au niveau de la racine du partage entre raison et folie. C’est une absence de raison qui caractérise désormais la déraison, laquelle est le délire d’une raison qui s’égare et se perd, mais cette absence de la raison ou déraison relève d’une vérité tout entière dispensée par la raison seule. La déraison est donc la manifestation positive d’une raison qui lui impose sa vérité à partir du moment où elle l’associe à un danger qu’il faut impérativement conjurer.
- Enfin, on parle plus précisément de déraison classique pour désigner la folie dans son versant pratique, c’est-à-dire les espaces d’exclusion qui rassemblent en un lieu précis des sujets aux prises avec des dérangements de l’esprit. Ce lieu, c’est le grand bâtiment où l’on enferme les infirmes et les malades, les mal-portant-es et les délirant-es dans une sorte de confusion effarante qui s’atténue à partir de l’époque moderne. Dès la fin du 18e siècle, en effet, on commence à catégoriser les différents types de folies en leur attribuant des spécificités qui permettent d’en comprendre les différentes formes. C’est la folie dans son expérience moderne.
Tandis que le fou de l’âge baroque renvoie à un phénomène d’errance, « le fou de l’âge classique perd cette liberté de malheur dans l’enfermement » (Billouet, 1999 : 22) ; le fou de l’ère moderne, pour sa part, devient un sujet médical au sens que lui confère le savoir clinique et plus tard la psychiatrie. C’est donc dire que l’âge classique se présente sous le thème de l’exclusion là où l’âge moderne fait de la personne atteinte de folie une identité soumise au regard de la médecine[1]. La déraison recouvre une expérience large que sa dimension tragique présente sous le thème de la fuite et de l’inaccessible. C’est le premier axe qui pose la folie à la frontière de l’imaginaire et du réel. Le silence de la folie dans son expérience tragique présente la figure de l’errance et se situe en marge du monde au moment où elle passe de l’obscurité à la lumière. C’est cette même déraison dans sa dimension tragique que l’on retrouvera plus tard dans la figure d’écrivains tels que Roussel et Artaud, auxquels Foucault ne manquera pas de s’identifier. Cette expérience tragique requiert une lecture attentive de la folie telle qu’elle existait avant, puisque s’y joue un drame que la raison ne parviendra jamais à conjurer complètement.
Nous avons parlé de la folie comme réalité saisie sous le regard de la raison. Qu’en est-il de la folie comme figure d’errance et comme expérience tragique? Il importe de porter notre attention sur cette réalité pour examiner de près ce qui, de cette expérience, ressurgira plus tard sous forme d’une parole sans point d’attache. L’errance du fou de l’ère baroque rejoint l’errance d’une parole littéraire sans lieu d’ancrage, parole qui est aussi celle de l’auteur dont nous discutons.
La folie comme figure tragique : le thème de l’errance avant l’exclusion
À l’image de la folie comme envers de la raison s’oppose la folie imaginaire de l’époque médiévale. Il y a un moment où la folie, avant toute forme de capture par la raison, errait de territoire en territoire de manière hasardeuse. On ne prêtait au fou ni profession distinctive ni statut juridique précis ; il n’élis ait guère domicile en un lieu fixe, mais il circulait de façon libre sans être limité dans ses déplacements (Foucault c. 1994, 494). Le fou vivait dans une sorte d’errance que confortait l’absence d’appartenance à une communauté lui imposant une conduite stricte, réalité qui insufflait à la folie un certain vent de liberté qu’elle perdra par la suite. Le fou incarnait cette figure toujours en marge de la société, mais reconnu à titre de personnage jouant un rôle au sein de la communauté, puisqu’on lui attribuait une place lors des fêtes villageoises en le forçant à divertir la foule. Cela l’excluait de la communauté tout en lui donnant une place particulière à l’intérieur des festivités dans lesquelles il était à la fois inclus et tenu à l’écart. Il faut y voir là un double jeu de reconnaissance et de désaveu lui attribuant un statut ambigu.
Si le fou circulait de manière libre sans être enfermé, c’est que la société faisait preuve d’une grande tolérance à l’égard de ce dernier. On n’enfermait que l’individu qui devenait trop agité et qui « gênait (…) l’entourage ou la société à l’intérieur de laquelle il se trouvait » (Foucault c, 1994 : 494). On ménageait généralement un lieu de confinement aux abords de la ville pour isoler temporairement l’élément perturbateur avant de le relâcher après une courte période de réclusion. En dépit de cette relative tolérance, le portrait que brosse Foucault de la folie à l’époque du Moyen-Âge n’est pas sans comporter sa part d’ombre. Il s’agit d’une image à la fois reluisante et obscure dont témoigne le statut ambivalent qui lui est assigné : « Les fous et la folie étaient certes repoussés vers les marges de la société, mais ils étaient largement répandus dans la société où ils évoluaient. Quoiqu’étant des êtres marginaux, ils n’étaient pas complètement exclus, mais intégrés au fonctionnement de la société » (Foucault b, 1994 : 108). La folie était à la fois exclue et socialement reconnue, d’où le statut marginal qui lui était conféré. Elle désignait cette force de résistance qui restait en quelque sorte balisée et contenue dans les limites d’un ordre social. Un entretien tardif de Foucault donne en exemple le personnage du bouffon qui occupe au Moyen Âge et jusqu’à la fin de la Renaissance un rôle bien spécifique au sein de la société. Il est celui qui, à la cour du roi, est autorisé par la parole à transgresser les règles établies en clamant ce que tous n’osent dire tout haut (Foucault c, 1994 : 488). Le bouffon a ce pouvoir subversif de dire la vérité en dehors des conventions normalement ressortie à la vie quotidienne prévalant au sein de la cour. Il est à la fois intégré à la communauté et simultanément exclu de la vie sociale. Il occupe un rôle intermédiaire lui permettant d’assumer à la fois une fonction critique tout en se conformant aux attentes qui lui sont imposées : dire la vérité en jouant le rôle de faire-valoir. Cela conférait au fou un statut tout à fait particulier et un pouvoir subversif tempéré par la fonction sociale à laquelle il était destiné. Il transgresse la norme tout en la maintenant à travers le jeu auquel il se prête.
Mais à partir de quand la raison dont Foucault entreprend l’étude peut-elle, à bon droit, être rapprochée de celle à l’œuvre dans sa pensée? Nous allons voir que la démarche archéologique de Foucault s’inspire d’un certain usage critique de la raison. Cet usage est à distinguer des rationalités historiques dont l’auteur entreprend l’étude dans son histoire de la folie et d’autres écrits postérieurs à cette œuvre de jeunesse.
La folie et la raison à l’œuvre : vers une expérience transgressive
La raison de l’auteur, une attitude critique du présent
Il y a un moment clé où la folie devient l’objet d’un discours faisant de l’insensé une figure opposée à la rationalité, un personnage qu’il faut expliquer en lui imposant une vérité qui n’existait pas avant. La folie devient alors une menace à l’équilibre de la société qui cherche en excluant le fou à étouffer le danger que représente pour tout un chacun cette figure affolante. La folie ne perd pas cette pureté originelle que la raison lui aurait soudainement soustraite en se l’appropriant par force ; elle devient quelque chose qu’il faut désormais révéler dans ce qu’elle présente d’anormal et de pathologique après une longue période d’errance. Foucault explique ce changement de la manière suivante : « Il a fallu que la Folie cesse d’être la Nuit, et devienne ombre fugitive en la conscience, pour que l’homme puisse prétendre à détenir sa vérité et à la dénouer dans la connaissance. Dans la reconstitution de cette expérience de la folie, une histoire des conditions de possibilité de la psychologie s’est écrite comme d’elle-même » (Foucault a, 1994 : 166). De partiellement irréductible et ambivalente qu’elle fut, la folie devient cette vérité que l’on doit découvrir dans sa pleine transparence pour mieux s’en assurer le contrôle. Elle est cette menace devant être conjurée et tenue à l’écart de la société par la découverte d’une vérité que lui arrache la raison. Cette saisie de la folie caractérise donc la déraison classique qui s’oppose à l’expérience tragique d’une folie sans feu ni lieu liée, réputée dire la vérité en subvertissant les limites imposées par le discours de la norme. Le thème des limites intéresse particulièrement Foucault qui prête à la raison et à la folie un pouvoir de résistance qui s’observe aux 18e et 19e siècles. On commence déjà à entrevoir une raison autre que celle étudiée par Foucault lorsqu’on se penche plus attentivement sur la démarche archéologique entreprise par l’auteur. Qu’est-ce qui change après l’époque classique? Comment évolue la raison après s’être pour un temps identifiée dans son opposition à la folie?
C’est à partir du moment « où l’Occident a rendu sa raison à la fois autonome et souveraine » qu’elle acquière cette vocation critique que Foucault associe au 18e siècle et plus particulièrement à la pensée des Lumières (Revel, 2002 : 10). C’est précisément à ce moment que se fait jour un nouvel usage de la raison qui éclaire à son tour la démarche archéologique de Michel Foucault. L’étude des rationalités du passé débouchera sur ce moment où Foucault reconnaît en la raison moderne un usage critique qui change le rapport du sujet à l’endroit de la tradition (ibid.).
L’auteur cherchera à tirer au clair les grandes transformations de la raison depuis l’époque luthérienne jusqu’à l’époque moderne, en essayant de voir à quel moment la raison cherche à sortir de son état de minorité. Un tel usage critique de la raison inscrit Foucault dans la lignée d’un philosophe comme Emmanuel Kant qui cherche « le livre de bord d’une raison devenue majeure dans l’Aufklärung » (Foucault d, 1994 : 567). La raison acquiert une souveraineté et une autonomie permettant au sujet de critiquer les conditions de son appartenance au passé, pour mieux s’en déprendre par un effort critique tendu vers le présent. Il s’agit de comprendre par une approche archéologique cherchant au passé les conditions ayant fait de nous des sujets déterminés la possibilité d’éprouver au présent la possibilité d’être autrement que ce que nous sommes. Le travail de la liberté est donc lié à une tentative d’arrachement à soi et à la recherche à l’intérieur d’un contexte déterminé d’une nouvelle façon de se définir comme sujet politique.
Foucault associe cette capacité à une manière d’être qui s’apparente à l’éthos que l’on retrouve chez les Grecs, mais qu’il associe plus particulièrement à l’attitude de la modernité. Il s’agit plus particulièrement d’une posture critique face au présent qui ouvre sur la possibilité d’un dépassement des limites qui nous empêche d’êtres autrement. À la compréhension archéologique des évènements du passé, s’ajoutera une critique généalogique qui cherchera à dégager « de la contingence qui nous a fait être ce que nous sommes la possibilité de ne plus être, faire ou penser ce que nous sommes, faisons ou pensons » (Foucault d, 1994 : 574). Autrement dit c’est par un acte de liberté, amenant le sujet à s’arracher aux contraintes héritées du passé, que se fait jour par l’attitude de la modernité une invitation à autre chose. Tandis que la raison archéologique devra partir en quête des conditions qui rendent possible cet arrachement à soi, la généalogie consistera à transgresser ces conditions et leurs limites. C’est ainsi que la raison archéologique trouve du côté de la généalogie la possibilité offerte de transgresser par l’expérience les limites du discours.
Il y a donc une raison ayant un ancrage social dont Foucault revendique l’usage par opposition à une raison de type transcendantale qui n’aurait rien de social et qui serait par essence indéterminée. Une raison consciente de son ancrage social-historique ne cherchera pas « à dégager les structures universelles de toute connaissance ou de toute action morale possible ; mais à traiter le discours qui articule ce que nous pensons, faisons et disons comme autant d’événements historiques » (Foucault d, 1994 : 567). Cette saisie permettra au sujet d’être conscient de ses limites par ce travail sur soi où s’affirme l’élan d’une liberté tendu vers le dépassement de ces limites.
Foucault cherchera avec Kant à déterminer ce qu’il nous est possible d’espérer en tant que sujet libre par un usage critique de la raison faisant l’expérience au présent des limites nous empêchant d’être autrement (Foucault d, 1994 : 567). Ainsi, au lieu de chercher les conditions transcendantales d’un usage critique de la raison pure, il s’agira désormais de tirer au clair les conditions historiques ayant fait de nous des sujets critiques de nous-mêmes. Un double travail de la raison impose l’étude au passé des conditions ayant fait de nous des sujets libres (raison archéologique) et l’étude au présent des conditions qu’il nous faut franchir pour goûter à cette liberté. Notre identité subjective est donc à saisir en fonction de l’histoire qui la constitue et non par l’étude de ses limites transcendantales : « While Kant aimed to establish the transcendental limits to subjectivity, Foucault aims to show the ways in which any limit to subjectivity is historically constituted » (Mchugh, 1989 : 94). C’est donc toujours dans un contexte déterminé que s’affirme le travail d’élucidation des conditions qui nous façonnent, et c’est ce qui caractérise en propre l’éthos du sujet faisant acte de liberté par l’usage de la raison critique : « L’éthos philosophique, qui se donne pour tâche de penser ce que la pensée pense silencieusement pour lui permettre de penser autrement, se donne alors tout entier comme ce geste actuel et transgressif, en ce sens intempestif » (Souloumiac, 2004 : 45).
C’est précisément là que la démarche de Foucault devient simultanément une expérience de dessaisissement où est vécue par l’épreuve de l’arrachement à la norme la quête de liberté du sujet moral. L’étude archéologique des raisons du passé devient la démarche d’une raison à l’œuvre qui cherche de manière généalogique à transformer au présent cette expérience qui nous empêche d’être autrement. Il y a donc un ancrage social de la raison qui définit les conditions d’appartenance historique du sujet comme expérience critique, et cet ancrage constitue la posture adoptée par Foucault comme auteur. C’est la raison archéologique comme expérience des limites de ce que nous sommes à travers l’épreuve d’une liberté comme renversement possible de ces limites. Il ne s’agit donc pas de nier les limites ayant façonné ce que nous sommes, mais bien d’éprouver au présent ces limites en cherchant à voir jusqu’où nous sommes prêts à franchir le pas –c’est-à-dire à vivre cette possibilité qui nous est offerte d’éprouver l’incertitude d’une liberté à son tour déterminée par le contexte où elle se fait jour.
Qu’est-ce qui nous permet de nous constituer comme sujets libres et jusqu’où sommes-nous prêts à assumer cette liberté –c’est-à-dire subvertir ce qui nous détermine de l’intérieur par l’expérience d’une liberté déterminée au présent? C’est toujours dans un contexte spécifique que s’affirme le travail de la liberté sur soi-même par soi-même en connaissance du caractère contingent des discours qui ont fait de nous ce que nous sommes. Ce qui se trouve élaboré à travers cette démarche, « c’est moins le soi qu’un rapport à soi, un rapport à soi déterminé (…) ce sont donc des structures historiques de réflexivité, des manières historiquement déterminées et repérables de se rapporter à soi » (Gros, 2002 : 232).
Il importe de mentionner que cet effort de transgression ne vient pas sans peine, puisqu’il suppose un travail constant visant à repérer les préjugés qui nous empêche d’être autrement que ce que nous sommes. Il faut expérimenter en marge de ce qui est convenu quelque chose d’autre qui exclut de la normalité le sujet faisant acte de liberté par le geste de transgresser la normalité. Le travail de la raison devient ainsi voisin d’une folie qui permet au sujet raisonnable de sauter le pas ou de risquer la transgression par une dérive possible qui ne préserve pas du risque de friser la folie. Cette dernière est en quelque sorte une radicalisation de cet arrachement à soi où est faite l’épreuve d’une liberté repoussant les limites du possible par l’acte transgressif de la parole littéraire. C’est bien au 19e siècle que la folie permet d’accentuer l’épreuve de la transgression en intensifiant le geste critique d’une raison que la folie assiste.
La folie à l’œuvre comme absence d’œuvre
L’expérience de l’auteur n’est pas sans rappeler une certaine folie proche parente de l’usage de la raison dans sa vocation critique. Un même pouvoir subversif est à l’œuvre tant chez l’une que chez l’autre, mais la folie vient en sorte radicaliser cette expérience transgressive. La critique des limites de la raison par la raison se rapproche de l’expérience limite vécue par l’écrivain côtoyant de proche l’univers de la folie. La raison en tant qu’éthos philosophique trouve du côté de la folie une parenté où les limites du pensable et de l’impensable sont contestées par le pouvoir transgressif d’une parole en proie au délire. Cette parole, quelle est-elle exactement? Elle renvoie, d’un point de vue historique, à la figure du personnage errant que l’on retrouve dans l’expérience tragique d’une folie sans attache ou partant en quête d’un hors monde obscur. Elle s’exprime aussi d’un point de vue philosophique chez la figure du littéraire en proie au délire. C’est plus particulièrement au 19e que la folie retrouve cette vocation critique que la raison classique avait cherché à lui soustraire pour un temps (Revel, 2002 : 36).
Un rapport subversif à la norme ressort de la parole littéraire et philosophique d’une raison folle usant du langage pour transgresser les normes en vigueur dans le langage. Nous pouvons penser à Nietszche ou à Sade qui ont amené Foucault à interroger la place du sujet dans l’acte d’écriture, c’est-à-dire déconstruire l’idée que notre culture détiendrait « le secret de son intériorité » (Foucault a, 1994 : 522), qu’elle serait transparente à elle-même.
La folie erre en dédoublant par le discours qu’elle professe une vérité que ne donnent pas les règles ayant court dans le langage convenu, sans possibilité pour le sujet de se réfléchir en dehors de la norme. À l’instar du bouffon à l’époque médiévale, l’expérience de l’écriture joue sur les limites du discours en vue de transgresser par la parole une frontière qui lie le sujet à la norme pour mieux l’en déprendre. Cela s’exprime tant dans l’image tragique d’une folie cherchant à la limite du monde une vérité oubliée que dans l’expérience tout aussi tragique d’une parole transgressant par l’acte d’écrire un ensemble de valeurs convenues.
Cette liaison qui est en fait une déliaison n’est jamais définitivement acquise ; elle caractérise cette expérience à l’œuvre qui s’observe dans la figure tragique de l’écrivain dont la raison est toujours proche de la folie. Ce sera l’exercice tragique de la folie rejoignant le premier niveau que nous avons identifié plus haut : « Foucault rapproche le destin du philosophe de ceux de Van Gogh, d’Antonin Artaud, de Raymond Roussel : la folie et l’œuvre entretiendraient chez eux des rapports essentiels et leurs trajectoires envelopperaient une “expérience tragique” de la déraison » (Plagnol, 2003, : 313).
Le discours sur les limites puise sa vocation dans l’expérience de la folie vécue par l’écrivain comme dans celle de figures anciennes apparemment très éloignées de l’idée contemporaine de la folie. On y retrouve comme dans la raison archéologique cette tentative de déprise où le sujet cherche au présent les conditions d’un dépassement de la norme qui pourtant le détermine. Il y a une radicalisation de cette tentative de déprise qui trouve sa vocation du côté de la folie telle qu’elle apparaît au 19e siècle dans la littérature et qui trouve son prolongement chez certains auteurs du 20e siècle. La dimension généalogique d’une raison cherchant à dépasser les limites qui la détermine par l’étude du passé s’actualise par la figure de l’écrivain partant en quête d’une vérité sans limites. C’est désormais dans le langage qu’est vécue cette expérience de dessaisissement et de franchissement possible des limites qui nous façonnent.
Cette expérience confine à l’approche généalogique portant sur les limites de ce que nous sommes par l’usage d’une parole qui outrepasse ces limites par le geste de les éprouver. Cela s’effectue désormais par un discours qui combine les termes du langage courant en s’employant à dédoubler par des formes d’associations diverses les mots en présence. Le langage de l’écrivain présente des combinaisons différentes de ce que prescrit le langage convenu et débouche sur de nouvelles significations métaphoriques. L’ouvrage de George Bataille, L’histoire de l’œil, permet de montrer comment s’exprime ce jeu de langage où s’abolit l’idée d’un référent transcendant (le sujet, le protagoniste, etc.) au profit d’une recomposition par association d’éléments différents sans lien logique apparent. C’est ainsi que, par jeu d’association, l’auteur déconstruit l’image que nous nous faisons normalement de l’œil pour l’associer à autre chose qu’une substance visqueuse. L’œil prend tantôt la forme de l’œuf pour ensuite glisser vers la figure de l’assiette en se détachant de sa forme habituelle[2]. aa ge acta te lBataille abolit la prééminence d’un terme en le ramenant à la chaîne de signifiants dont il dépend intimement. L’œil est simultanément crevé comme l’œuf ou simultanément cassé comme l’assiette sans qu’il ne soit exclusif à l’une ou l’autre de ces propriétés. L’acte littéraire d’écrire consistera alors à pousser jusqu’à sa limite le langage pour faire l’expérience de la transgression des normes en vigueur dans le langage. C’est ce geste qui aboli la place d’un référent extérieur en faisant de chaque terme le substitue de l’autre dans un jeu d’échange infini. L’être de la folie, nous dit Foucault, « a affaire à l’auto-implication, au double et au vide qui se creuse en lui » (Foucault, 1994 : 25). Aucn terme ne se pose en extériorité au langage dans lequel le sujet ne cesse d’interroger le discours pour mieux s’en déprendre. C’est en ce sens que l’être de la littérature gagne la région d’une expérience tragique qui s’affirme du côté de la folie et empêche de chlore le rapport à soi du sujet réflexif. Ce dernier est toujours pensé par et à travers le langage qu’il cherche à renverser sans réussir à s’en déprendre.
L’étude du discours littéraire où le sujet s’abolit pour mieux chercher à transgresser par la parole la norme langagière rejoint l’expérience tragique d’une folie comme expérience de la marge. À la manière dont le bouffon à l’époque médiévale usait de la parole pour transgresser les règles de la cour, l’écrivain du 19e siècle utilise le langage littéraire pour mieux s’en déprendre. Mais c’est bien dans le contexte que fut celui des Lumières que se pose désormais le rapport critique entre la folie et la raison. Nous pensons que le thème de la folie comme figure transgressive rejoint une expérience qui s’observe à toutes époques, mais que Foucault réaffirme à travers l’épreuve de l’écriture comme démarche critique à l’intérieur d’une époque dont il est le produit. La folie comme expérience tragique ressurgit donc sous la plume du penseur et à travers l’expérience d’une folie qui retrouve en la littérature sa vocation profonde.
Folie et raison ne sont pas des concepts abstraits, mais caractérisent des expériences historiques qui constituent l’identité sociale du sujet. L’analyse de Foucault permet donc d’identifier les critères normatifs désignant la folie et les mécanismes d’exclusion des sujets considérés comme fous. Cependant, la folie n’est pas réductible à la définition qu’en donne la norme, de même que la raison échappe à un principe abstrait duquel découlerait un critère de vérité s’imposant de l’extérieur à l’ensemble de la société. Cela implique sur le plan de l’action social la possibilité pour le sujet de subvertir le discours de la norme en cherchant, dans la folie, une raison autre que celle que lui imposent les conventions reconnues. Pierre Sauvêtre abonde dans le même sens lorsqu’il parle de la folie chez des auteurs comme Deleuze et Artaud, pour qui « les délires des schizophrènes ne portent pas sur des objets sortis de leur propre imagination, mais sur des référents historiques précis: entre autres exemples, Artaud sent qu’il devient Jeanne d’Arc dans Héliogabale et Richemont passe par Louis XVII » (Sauvêtre, 2004 : 75-76).
Un rapport à la norme langagière permet ainsi à la folie de mettre à profit une rationalité différente, c’est-à-dire de faire acte de résistance par le détour de références littéraires renversées par une parole raisonnablement folle. S’il n’y a pas de folie purement folle comme il n’existe pas, par ailleurs, de raison purement rationnelle, c’est toujours dans un contexte social que s’affirment la possibilité pour le sujet de naviguer entre l’une et l’autre. C’est ce qui caractérise la posture sociologique d’un auteur et celles des sujets sur lesquels il réfléchit.
Conclusion
Le Moyen Âge a permis d’observer la folie comme expérience tragique et figure d’errance avant que la raison n’en fasse l’objet d’un savoir à travers des pratiques visant à encadrer ce phénomène étrange qu’est la folie. Le 18e siècle présente ensuite la possibilité pour la raison d’expérimenter au présent l’épreuve de la liberté. La folie du 19e siècle vient radicaliser cette expérience qui caractérise d’une certaine façon l’acte de liberté du penseur se constituant par et à travers son œuvre. C’est par cet ancrage que Foucault fait acte de sociologue et cherche à comprendre les conditions faisant de lui ce qu’il est. Cette analyse a connu des extensions multiples qui s’observent dans le domaine de l’intervention sociale et de l’action politique. Nous nous sommes ici contentés de présenter cette vision de manière générale.
Références
Barthes, Roland. Essais critiques. Paris, Seuil, 1991.
Billouet, Pierre. FOUCAULT. Paris, Les belles lettres, 1999.
Foucault, Michel. Histoire de la folie à l’âge classique. Paris, Gallimard, 1972.
Foucault, Michel. Dits et écrits. v.I. Paris, Gallimard, 1994.
Foucault, Michel. Dits et écrits. v.II. Paris, Gallimard, 1994.
Foucault, Michel. Dits et écrits. v.III. Paris, Gallimard, 1994.
Foucault, Michel. Dits et écrits. v.IV. Paris, Gallimard, 1994.
Gros, Frédéric. Sujet moral et soi éthique chez Foucault. Archives de philosophie, 2002, tome 65, p. 229-237.
Gros, Frédéric. Foucault et la folie. Paris, Presses universitaires de France, 1997.
Revel, Judith. Le vocabulaire de Foucault. Paris: Ellipses, 2002.
Plagnol, Arnaud. Connaissance tragique, folie et psychologie chez Nietzsche. L’Evolution psychiatrique, 2003, vol. 68, no 2, p. 313-322.
Sauvêtre, Pierre. Folie/non-folie. Tracés. Revue de Sciences humaines, 2004, no 6, p. 67-85.
Souloumiac, Julien. La norme dans l’Histoire de la folie: La Déraison et l’excès de l’Histoire. Tracés. Revue de Sciences humaines, 2004, no 6, p. 25-47.
[1] En outre, c’est toujours de la raison dont il est question, car c’est par la folie en tant que phénomène concret que s’éclaire, par contraste, un certain type de rationalité. Foucault cherche, en bon sociologue, à identifier un moment particulier ayant transformé le traitement de la folie, et à repérer ce faisant les changements ayant redéfini le rôle lui étant assigné par la raison. Folie et raison deviennent deux figures d’un même procès qui est celui d’un partage dont il est possible retracer le développement historique.
[2] Pour plus de développement sur cette thématique, voir le texte de Roland Barthes intitulé La métaphore de l’œil (1972). L’auteur y analyse de manière détaillée ce jeu d’association libre où aucun référent extérieur ne sort du processus consistant à rapproché des signifiants en apparence sans lien logique.